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Insertion dans l’emploi (précaire)

Partie 4. Les effets du dispositif sur les parcours des jeunes

1. Insertion dans l’emploi (précaire)

Pour les jeunes de ce premier groupe, le dispositif de la Garantie jeunes a tenu ses promesses en leur versant une allocation, en les accompagnant dans leur recherche d’emploi et en leur proposant un emploi. Il convient de noter que tous les emplois obtenus par la population étudiée sont des em- plois atypiques précaires : ce sont majoritairement des emplois aidés, à durée déterminée et du tra- vail intérimaire. La Garantie jeunes a toutefois permis à ces jeunes, un peu plus diplômés et plus mobiles que les autres, de reprendre confiance en eux en travaillant sur leurs projets professionnels et en rendant, de ce fait, leurs recherches d’emploi plus efficaces. Les parcours de ces jeunes au sein du dispositif sont principalement caractérisés par l’« occupation » et l’« intermédiation ».

1.1. Des emplois précaires

De manière générale, les jeunes de ce premier groupe ont accès à des emplois faiblement qualifiés et peu valorisés socialement dans le domaine de la manutention, de la préparation de commandes, de la mise en rayon et du service. Une partie d’entre eux bénéficie de contrats aidés tels que les ser- vices civiques, les emplois d’avenir ou les contrats de qualification.

Cinq mois après son entrée dans la Garantie jeunes, Oliver (E22) obtient – par l’intermédiaire des conseiller(ère)s – un emploi d’avenir. Il travaille dans la maintenance d’un parc informatique au sein d’un lycée, ce qui correspond à son profil puisqu’il est diplômé d’un baccalauréat professionnel électronique numérique. Il dit de cet emploi que « ça se passe bien, y’a des possibilités intéres-

santes » et envisage de passer des concours pour entrer dans la Fonction publique (via le conseil

général). Il touche le SMIC et effectue 39 heures de travail par semaine.

D’autres jeunes s’insèrent dans l’emploi précaire en accédant au travail intérimaire ou à des contrats à durée déterminée. C’est le cas notamment de Marion (E6). Désormais connue des agences d’intérim, cette dernière enchaine plusieurs missions pendant six mois : préparation de commandes,

Rapport de recherche du Centre d’études de l’emploi et du travail, n° 101, novembre 2016

emploi de libre-service, mise sous plis, travail à l’usine. De son côté, Julie (E34) alterne les mis- sions d’intérim (travail à la chaine) entre deux entreprises de parfumerie. Elle perçoit un salaire qui varie entre 1 200 et 1 600 euros par mois.

De manière générale, les parcours des jeunes qui s’insèrent dans l’emploi (même précaire) se cons- truisent au sein de la Garantie jeunes à partir d’interactions relevant de la « mobilisation » et de l’« intermédiation » et cette dernière est davantage dirigée vers le secteur public – au moyen des contrats aidés – que vers le secteur concurrentiel. Si les emplois occupés sont des emplois non stables, l’appartenance à cette catégorie renvoie au fait que les missions d’intérim s’enchainent ou encore que les CDD obtenus sont relativement longs (6 mois).

1.2. Des jeunes plus diplômés et plus mobiles

Les jeunes qui s’insèrent dans l’emploi précaire sont les plus diplômés de la population enquêtée. Nous avons insisté plus haut sur l’idée selon laquelle les jeunes participant au dispositif étaient ma- joritairement en difficultés sociale et scolaire. À l’instar d’autres travaux, l’enquête montre qu’un diplôme, même relativement modeste, joue un rôle considérable dans les parcours de ces jeunes88. Parmi les titulaires d’un baccalauréat technologique ou général, certains ont été inscrits à l’université même si cette expérience a été de courte durée. D’autres espéraient intégrer des BTS en alternance, mais ils n’ont pas été retenus ou n’ont pas réussi à trouver un employeur pour valider leur formation. Ils sont par ailleurs quelques-uns à avoir obtenu un CAP.

Les jeunes de ce premier groupe sont aussi plus mobiles que les autres, ce qui explique qu’ils accè- dent aussi plus facilement à l’emploi. Grâce à l’allocation, certains financent leur permis de con- duire, l’obtiennent et deviennent ainsi plus autonomes pour se déplacer. Julie (E34) fait par exemple le choix, dès son entrée dans le dispositif, de se concentrer sur l’obtention du permis. Considérant que l’acquisition d’une autonomie de déplacement lui permettra de travailler, elle utilise les trois quarts de l’allocation pour financer cette formation et se rend à l’auto-école tous les jours. Une fois « le papier rose » en poche, elle effectue plusieurs missions d’intérim. D’autres jeunes, comme Steeve (E10), réussissent à épargner suffisamment pour acheter une voiture d’occasion.

Les jeunes de ce groupe, qui n’ont pas le permis de conduire, sont néanmoins ceux qui ont davan- tage que les autres accès aux transports en commun ou qui rencontrent une proposition institution- nelle répondant à leurs besoins : ils se voient par exemple proposer un système de covoiturage mis en place par un conseiller de la Garantie jeunes. Le bilan « positif » du dispositif pour ces jeunes est donc fortement influencé par la proposition institutionnelle de la mission locale et notamment par le travail d’accompagnement et d’intermédiation des conseiller(ère)s qui donnent tout son sens au

workfirst.

1.3. Les effets positifs de l’accompagnement et du workfirst

Pour la plupart des jeunes de ce premier groupe, l’accompagnement porte à la fois sur la situation professionnelle et sur la situation personnelle. Les conseiller(ère)s ont su apporter une « aide mo-

rale », « ça nous permet de nous relever », comme le dit Nicolas (E4). Ils gèrent également des si-

tuations d’urgence en se rendant disponibles. Les conseiller(ère)s ont, par exemple, mis en place un hébergement dans un foyer pour Kevin (E3) qui quitte le domicile familial après une crise avec son père.

C’est également sous l’effet de l’aide et des échanges quotidiens avec les conseiller(ère)s que cer- tains jeunes, comme Marion (E6), acceptent des emplois auxquels ils ne prétendaient pas et admet-

88

Mazari Zora, Meyer Virginie, Rouaud Pascale, Ryk Florence, Winnicki Philippe, 2011, « Le diplôme : un atout gagnant pour les jeunes face à la crise », Bref du Céreq, n°283.

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La Garantie jeunes en action. Usages du dispositif et parcours de jeunes

tent l’idée de réaliser des tâches répétitives et de travailler avec des horaires décalés, parfois noc- turnes. À son entrée dans le dispositif, la jeune femme qui souhaite devenir gardien de la paix, passe le concours mais échoue à l’écrit et envisage alors de passer d’autres concours de la Fonction pu- blique. Marion, qui considère la Garantie jeunes comme « [sa] deuxième maison », explique que ce dispositif lui a permis de changer son rapport au travail dans la mesure où elle accepte désormais «

des boulots ingrats », en précisant : « j’ai pas le choix » (entretien 2). Cette attitude renvoie à ce

que Xavier Zunigo appelle le « deuil des grands métiers »89. Certains jeunes prennent ainsi cons- cience, en se confrontant au monde du travail et en étant accompagnés par les conseiller(ère)s tout au long de cette expérience, des possibilités réelles qui leur sont offertes, compte tenu de leurs compétences et de leurs parcours biographiques, et notamment scolaires. De la même manière, Julie (E37) se dit prête à travailler quel que soit le poste : « aujourd’hui, on choisit plus son travail ». Pour ces jeunes qui s’insèrent dans l’emploi, l’accompagnement collectif et individuel ainsi que l’expérience d’emploi est un moyen de sortir de l’isolement social dans lequel ils disent s’être en- fermés ou même de « réparer » des parcours biographiques complexes et douloureux. Maëlla (E1) insiste ainsi à plusieurs reprises sur le fait que le dispositif lui a permis de s’ouvrir aux autres : « ça

m’a fait faire quelque chose au lieu de rester chez moi, ça m’a permis de rencontrer des per- sonnes ». Certains jeunes « soignent », quant à eux, leurs addictions (alcool et cannabis) et leurs

troubles psychologiques. Kevin (E3) confie que, sans la Garantie jeunes, « [il] serait parti loin, [il]

aurait rejoint le noir ». L’agoraphobie de Michaela (E27) s’atténue depuis qu’elle est vendeuse par

intérim chez H et M. « Maintenant c’est parti, c’est une bonne chose » ; « le fait de travailler, de

m’avoir mis avec des jeunes ça m’a fait un déclic ». Elle ne se rend plus chez le psychologue car

elle n’en ressent plus le besoin.

L’accès à l’emploi et à l’autonomie qu’il procure est également source de fierté : à l’occasion du

focus group, Rebecca (E23) montre les ampoules qui se trouvent sur ses doigts et qui sont apparues

à force d’avoir répété le même geste pour effectuer de la mise en carton90

. Elles représentent le « travail bien fait » et le labeur de plusieurs journées passées à l’usine.

L’« intermédiation » n’est pas toujours le résultat d’une interaction entre le jeune et la proposition institutionnelle : Rebecca (E23) et Julien (E14) accèdent à l’emploi par l’intermédiaire d’un soutien familial qui leur permet de rester impliqués dans le dispositif. Julien obtient un CDD et une forma- tion rémunérée dans une usine de parfum par l’intermédiaire de sa sœur. Il y travaille à la chaine avec son frère, avec qui il achète une voiture ce qui leur permet à tous les deux de se rendre au tra- vail. Pour Rebecca, c’est son frère qui joue un rôle important et la remotive en lui mettant « un coup

de pieds au cul ». Pour ces jeunes, l’aide familiale vient renforcer le dispositif dans le changement

de situation professionnelle.

À la sortie du dispositif, les jeunes de ce premier groupe sont donc lancés dans une dynamique d’emploi ou de formation et expriment le sentiment de « s’en sortir », d’en avoir fini avec la « ga- lère ». Ils envisagent l’avenir plus sereinement et se projettent comme chef d’équipe comme Kevin (E3) ou aspirent à ouvrir un plan d’épargne logement comme Jacques (E55).