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Le mot « innovation » vient du terme latin « innovatio » qui veut dire « action de renouveler ». L’innovation ne se situe pas comme un objet ou un contenu, mais plutôt comme l’action d’intégrer dans un milieu donné un objet ou un contenu, ce qui crée la nouveauté dans un contexte donné. Ainsi entendue, une innovation peut reprendre ce qui est déjà présent dans un autre milieu, en l’adaptant pour faire autrement dans un nouveau milieu qui l’adopte.

Viau, Joly et Bédard (2004) se sont intéressés à la motivation des étudiants en formation des maitres à l’égard d’activités pédagogiques innovatrices. Ils ont proposé une vision de l’activité pédagogique novatrice : « nous avons qualifié d’innovatrice une activité pédagogique centrée sur l’apprentissage de l’étudiant et qui lui demande de jouer le rôle principal en s’inscrivant dans un processus de réflexion et de résolution de problèmes (p. 167) ». Leur définition de l’innovation inclut une dimension pédagogique qui s’arrime bien au contexte de notre recherche. Toutefois, notre façon de la concrétiser diffèrera. Alors que les activités pédagogiques innovantes qu’ils ont étudiées étaient l’étude de cas, l’apprentissage par problèmes, l’apprentissage par projets, le séminaire de lecture et l’atelier, les activités innovatrices considérées dans notre recherche seront l’intégration du blogue personnel de l’étudiant aux activités d’apprentissage et les activités dans une classe d’apprentissage actif (que ce soit de l’apprentissage par problèmes, par projets, réalisé de manière collaborative). Nous postulons ici que l’innovation prend racine et s’incarne de différentes façons. Ainsi, dans le cadre de notre

projet de recherche, ce sont, d’une part, les habiletés du 21e siècle et, de l’autre, les résultats des usages des TIC en salle de classe qui viennent justifier l’innovation pédagogique.

Roger (2003) mentionne que l’innovation est adoptée à des vitesses plus ou moins rapides selon les individus et la conceptualise sur un continuum où cinq niveaux sont présents: les innovateurs, les premiers adeptes, la majorité précoce, la majorité tardive et les retardataires. Ces niveaux d’adoption de l’innovation seraient sensiblement les mêmes en éducation (Knezek & Christensen, 2008, p. 325).

Bonamy, Charlier et Saunders (2002) ont examiné une vingtaine de cas novateurs utilisant les TIC et situent également les dispositions innovantes sur un continuum, mais selon trois positions: tout d’abord, l’innovation existe sans pour autant affecter d’une quelconque manière les pratiques de l’institution, puis il y a rupture avec les pratiques dites traditionnelles, surtout celles en lien avec l’enseignement sous certains de ses aspects et celles en lien avec les pratiques de l’institution et, éventuellement, l’innovation est totalement intégrée dans l’institution au sein de laquelle les pratiques sont devenues les pratiques dominantes. Hattie (2008) mentionne qu’adopter une innovation impliquerait de cesser de faire ce qui est fait comme on le faisait, que ce soit pour améliorer des façons de faire ou pour essayer quelque chose de nouveau. Cette façon de voir, qui élimine des pratiques plutôt que les diversifier du fait de recommander « de cesser de faire », peut soulever de la résistance. Lui-même ne manque d’ailleurs pas de souligner les résistances à l’innovation, que celles-ci soient formulées en termes d’autonomie professionnelle ou du manque de fondements scientifiques qui sous- tendent la mise en œuvre d’innovations en éducation. L’autonomie professionnelle, ou relative autonomie professionnelle dirait Perrenoud (1994), peut être définie comme la capacité d’un enseignant à participer au développement de sa profession, à développer ses compétences, à être un acteur social et à s’interroger sur les enjeux sociaux de ses interventions (Riopel, 2006, p. 43).

L’innovation inspire l’acteur à modifier la façon de faire les choses, voire un changement de comportement. Il importe, afin d’être en mesure de cerner la complexité de l’innovation dans un portrait d’ensemble, de l’aborder dans sa globalité, soit celui où différents intervenants pédagogiques, tout comme des politiques et des pratiques institutionnelles, peuvent influencer l’apprentissage et la réussite. De récentes recherches en innovation par l’intégration des TIC (Hamel, 2011; Looi, So, Toh, & Chen, 2010) rappellent que différents niveaux d’intervention

(macro, méso et micro) recèlent des points de vue qui varient selon le degré de granularité de l’analyse effectuée (Peraya & Viens, 2005). Fogleman, Fishman et Krajcik (2006) ont menés une étude qui s’intéressait à l’innovation dans le cadre d’une réforme scolaire où les enseignants ont notamment eu accès à différentes possibilités de perfectionnement professionnel, dont une communauté professionnelle qui visait à les appuyer pendant la mise en œuvre de l’innovation. Ils ont constaté que l’implantation d’innovations dans les organisations scolaires est un processus long et difficile (p. 191).

Le changement à plusieurs niveaux dans un système ne peut se faire sur une courte période et les différents niveaux impliqués dans un processus de changement tendent à révéler une complexité du phénomène d’adaptation de l’innovation, indiquent Fogleman, Fishman et Krajcik (2006). Voogt et al. (2015) soulignent la nature cyclique du changement éducatif dans différents projets de collaboration qui visent à améliorer ou à modifier la pratique pédagogique des enseignants. Ils utilisent le changement et l’amélioration (to improve or change) comme des synonymes3. L’OCDE (2007) définit aussi l’innovation comme : « any kind of change that is introduced with the aim of improving the operation of educational systems, their performance, the perceived satisfaction of the main stakeholders, or all of them at the same time » (p. 5). Dans notre recherche, à l’image de la définition de l’OCDE, nous référons à l'innovation comme un changement qui est introduit par l’enseignant dans sa classe dans le but d'améliorer l’apprentissage, la réussite et la satisfaction perçue des étudiants.

Afin d’introduire une innovation en éducation, il importe d’accorder une importance aux différents éléments du système et à ses interactions. Comme le mentionne Hamel (2011), l’approche systémique mérite qu’on s’y attarde :

Au niveau des organisations (les écoles incluses), le modèle de Senge (1991, 2000) sur les organisations apprenantes propose de travailler de manière plus cohérente, c'est-à-dire en respectant les interactions et les interdépendances. (…) En effet, plusieurs études ont montré (Fullan, 1993; Ravitch, 2000; Reigeluth,

3 Dans le contexte de cette recherche, comme Voogt et al. (2015), nous considèrerons l’innovation et le changement visant

1999) que les réformes à la pièce (piecemeal reform) n'ont pas donné les résultats escomptés et ces mêmes études ont insisté sur l'importance d'approches systémiques en matière de changement. (p. 44-45).

Adoptant une perspective systémique, il nous faudra s’attarder aux interactions entre les différents niveaux d’intervention. Puisque, dans un contexte éducatif, la transformation a lieu à plusieurs niveaux, il y a une limite à ce qu’un niveau peut accomplir sans l’aide, ou au moins le soutien, des autres niveaux (Karlsson, 2007, p. 106). Whitworth (2012), qui s’est intéressé à l’innovation technologique au niveau universitaire, s’appuyant sur Downs et Mohr (1976, p. 706), suggère que seules les recherches qui combinent l'attention portée à l'innovation et à son contexte organisationnel peuvent évaluer ce qui a influencé la réussite ou l'échec d'une innovation.

Il importe aussi ici de faire le lien avec le concept d’innovation sociale. Le Gouvernement du Canada avait fait le point en 2010 sur ce concept qu’il a alors défini comme suit : « L’innovation sociale suppose une application novatrice de certaines idées, même si celles-ci ne sont pas forcément nouvelles en soi; il s’agit souvent d’une adaptation ou d’un réassemblage novateurs de ces idées et/ou de leur application à de nouveaux domaines » (Gouvernement du Canada, 2010). Il soulignait toutefois qu’aucun consensus n’existait quant à savoir si l’expression doit forcément signifier des changements d’ordre systémique ou si elle englobe aussi des changements cumulatifs dont les répercussions peuvent se faire sentir surtout à l’échelle locale. En éducation, partant de la perspective de la théorie historicoculturelle de l’activité (Cultural- historical activity theory [CHAT]), le Centre de recherche et d'intervention sur la réussite scolaire (CRIRES) propose une définition de l’innovation en éducation qui met en scène des acteurs, les outils qu’ils utilisent dans une communauté, ainsi que les interventions et les résultats obtenus par les actions dans un système. L’innovation est définie :

(…) comme action ou un ensemble d’actions dirigées vers un but spécifique, soit la réussite d’un apprentissage ou d’un ensemble d’apprentissages réalisés par des agents (l’élève, l’enseignant, la direction d’établissement ou un autre professionnel) qui, au moyen de nouveaux outils/instruments, transforment leurs rapports à leur objet (entendre l’intervention et ses résultats) dans une communauté culturelle ou interculturelle donnée. (Laferrière et al., 2011, p.171)

C’est dire que le processus de changement en éducation gagne à être abordé selon une approche systémique qui tient compte de l’endroit dans le système où est requis l’effort de changement permettant aux intervenants pédagogiques de voir où ils se situent, ce qui sera attendu d’eux et de partager une vision commune (Banathy, 1991; Turcotte, Laferrière, Hamel, & Breuleux, 2010). Le cadre de Banathy (1991) incarne bien ce souci du changement systémique en abordant premièrement les niveaux du système qui sont au centre de l’effort de changement, puis la portée du changement et, enfin, les relations (types d’interactions) entre les systèmes.

Notre recherche s’inscrit donc dans une approche systémique qui se concentre sur la démarche de l’innovation dans la classe, plus particulièrement en matière d’adaptation de l’enseignement et de l’apprentissage.

Aspect novateur de l’activité d’enseignement et

apprentissage

Le contexte d’enseignement et d’apprentissage au 21e siècle sera d’abord abordé. Ensuite, les perceptions quant à l’aspect novateur d’une activité d’enseigner et d’apprendre avec le numérique tel que nous les entendrons dans ce projet de recherche seront définies.

Contexte d’enseignement et d’apprentissage au

21

e

siècle

Dans une recension de textes francophones traitant de la notion de compétence, Boudreault (2002) suggérait comment, à l’aube du 21e siècle, les compétences attendues des étudiants sont, et seront, de plus en plus complexes :

Un élève compétent devrait être en mesure, par lui-même, à partir des connaissances qu’il a construites et d’une problématique professionnelle donnée, d’expliciter le contexte professionnel, de formaliser et d’adapter, selon le cas, les

procédures de travail et d’accomplir les tâches conformément aux attentes professionnelles exigées par les circonstances. (p. 10)

Dans un contexte éducatif, peu importe l’ordre d’enseignement, les compétences et les habiletés tant disciplinaires que transversales sont de plus en plus mentionnées comme devant être développées puis maitrisées4.

Différents auteurs, dans des articles scientifiques ou dans des ouvrages généraux, suggèrent différents profils d’habiletés du citoyen du 21e siècle : des façons de penser pour le futur (esprit discipliné, de synthèse, créatif, respectueux et éthique) (Gardner, 2008), les sept compétences de survie (pensée critique et résolution de problèmes; collaboration; agilité et adaptation; initiative et entrepreneuriat; communication orale et écrite; recherche et analyse de l’information; curiosité et imagination) (Wagner, 2008), le « right stuff » (apprendre à apprendre, naviguer sur internet, passion et curiosité, les arts libéraux, les habiletés du cerveau droit) (Friedman, 2005). L’apport du numérique n’est pas étranger à l’émergence de ces profils (Griffin, McGaw, & Care, 2012).

L’apprentissage au sujet du numérique et avec le numérique fait en sorte que des institutions d’enseignement se sont engagées dans la transformation de leurs pratiques dans le but de permettre à un plus grand nombre d’étudiants d'acquérir des habiletés du 21e siècle : « schools must be transformed in ways that will enable students to acquire the sophisticated thinking, flexible problem solving, and collaboration and communication skills they will need to be successful in work and life » (Binkley et al., 2012, p. 18).

Des cadres de référence ont été développés au collégial et à l’université, tant pour discuter des habiletés informationnelles que des habiletés technologiques. Notons le programme de

4 Sur la scène internationale, de nombreux programmes scolaires en font maintenant mention. Ils réfèrent notamment à différents

profils, dont celui des Compétences clés pour l'éducation et la formation tout au long de la vie du Parlement européen, le P21 [Partnership for the 21st century skills] aux États-Unis et l’ATC21S [Assessment & Teaching of 21st century skills] en Australie. À

noter que le PISA, épreuve internationale administrée aux élèves de 15 ans par les pays participants et dont la grande majorité sont membres de l’OCDE, inclut en 2015 l’évaluation de la compétence de résolution de problèmes en collaboration. Nommées compétences ou habiletés en français, elles sont souvent identifiées comme des « skills » en anglais. Ici, nous les entendons comme des habiletés.

développement d’habiletés informationnelles développé à l’Université du Québec et le Profil TIC des étudiants du collégial qui propose des habiletés essentielles (habiletés informationnelles, méthodologiques, cognitives, éthiques) dont la maitrise est soutenue par des habiletés technologiques. Ces cadres de référence permettent d’aborder les outils technologies et les façons de travailler.

Binkley et al. (2012) ont analysé les habiletés dites du 21e siècle contenues dans une douzaine de documents qui recensent les références portant sur les habiletés du 21e siècle (dont P21 [Partnership for Twenty-First Century Skills, 2015]; The Melbourne Declaration on Educational Goals for Young Australians [Ministerial Council on Education, Employment, Training and Youth Affairs 2008]; Standards for students [ISTE, 2007]). Ils parviennent sensiblement aux mêmes conclusions que le référentiel des habiletés du 21e siècle de l’organisme Partnership for 21st Century Skills (2003, 2011, 2015) qui énonce trois grandes familles d’habiletés : les habiletés à apprendre et à innover, les habiletés à gérer l’information, à interpréter les médias et à utiliser les technologies et, enfin, les habiletés sociales, professionnelles et citoyennes. Dans Assessment & Teaching of 21st Century Skills (ATC21S), Binkley et al. (2012) présentent les habiletés en quatre groupes: les façons de penser, les façons de travailler, les outils de travail et les façons de vivre adaptées au 21e siècle. L’ajout des habiletés liées aux façons de penser et à l’ouverture sur le monde permet de dresser un portrait plus global des habiletés. Ces habiletés sont celles qui, selon ces auteurs, devraient se retrouver dans le profil de sortie d’un étudiant aux cycles supérieurs. Le Tableau 1 présente les habiletés du 21e siècle selon Binkley et al. (2012) telles que présentés dans l’ouvrage Assessment and Teaching of 21st Century Skills.

Tableau 1

Habiletés du 21e siècle selon Binkley et al. (2012)

Assessment & Teaching of 21st Century Skills Ways of Thinking

• Creativity and innovation

• Critical thinking, problem-solving, decision making

• Learning to learn/metacognition (knowledge about cognitive processes) Ways of Working

• Communication

• Collaboration (teamwork) Tools for Working

• Information literacy • ICT literacy Living in the World

• Citizenship – local and global • Life and career

• Personal and social responsibility – including cultural awareness and competence

La particularité du modèle de Binkley et al. (2012) est le degré d’analyse et de précision des habiletés qui sont proposées : chacune des composantes se décline selon des savoirs, des habiletés et des attitudes. Leur modèle permet d’obtenir une base de réflexion solide, qui pourra être adaptée, comme le mentionnent les auteurs, aux besoins et contextes d’apprentissage.

Perceptions quant à l’aspect novateur

Plusieurs modèles se côtoient en innovation. Celui de Rogers définit le niveau d’innovation (innovativeness) comme étant « the degree to which an individual or other unit of adoption is relatively earlier in adopting new ideas than the other members of the system » (Rogers, 2003, p. 279). Toujours selon Rogers (2003), l’innovation comporterait différents niveaux : a) sensibilisation et connaissance (exposition à une innovation, conscience d’une possible innovation, mais pas d’inspiration pour trouver plus d'information sur l'innovation); b) persuasion (intérêt pour l'innovation et recherche active d’information, opinion favorable ou défavorable de

l'innovation); c) décision (prise de position quant aux avantages et inconvénients de l'utilisation de l'innovation et décision d'adopter ou de rejeter l'innovation); d) mise en œuvre (utilisation de l'innovation, détermination de l'utilité de l'innovation et recherche d’informations complémentaires); e) confirmation (évaluation des résultats et décision quant à la poursuite de l'innovation). Le modèle TARGET5 permet quant à lui d’aborder différents aspects des climats motivationnels qui ne sont pas étrangers à l’innovation (Ames, 1992). La capacité d'innovation des gens qui adoptent une nouvelle façon de faire et les caractéristiques décrivant l'innovation sont importantes pour comprendre le processus de diffusion de l'innovation (Rogers, 2003, p. 219). Ce qui peut être considéré comme novateur pour un individu peut ne pas l’être pour un autre. En matière d’intégration du numérique, l’utilisation de présentations numériques ou la présence d’un tableau numérique dans une classe peuvent être considérées comme novatrices ou pas selon les aptitudes techniques et l’intérêt des individus. Les classes dans lesquelles les apprentissages sont collaboratifs et soutenus par le numérique et dont les activités sont centrées sur les étudiants peuvent paraitre novatrices à certains enseignants adeptes d’un enseignement plus centré sur l’enseignant, et ce, même si ces approches pédagogiques ont été adoptées bien avant que la technologie ne leur donne un aspect renouvelé.

Cuban (2013) notait que les réformes des dernières années en éducation ont cherché à mettre sur pied une pédagogie centrée sur l'élève et intellectuellement exigeante :

In short, generations of reformers sought a student-centered, intellectually demanding pedagogy that would engage children and youth in learning basic academic content and lead to their accumulating sufficient social and intellectual skills to enter into and participate successfully in communities, jobs, and a democratic society. They wanted to “improve” teaching. (…) These efforts to create engaging, student-centered, even adventurous, teaching have led to some incremental changes that have slightly modified traditional classroom practices (e.g. small group work, student-directed projects, use of laptops in daily lesson) by creating mixes of old and new practices – hybrids. (p. 112).

5 TARGET, acronyme pour tâche (nature et structure du matériel à apprendre), autorité (délégation ou non de certaines prises de

décisions aux étudiants), reconnaissance (renforcement des comportements valorisés par l’enseignant), groupement (organisation et fréquence des regroupements), évaluation (modalité et standard pour la notation) et temps (gestion du temps d’apprentissage).

Les preuves d'une pratique transformée en classe restent rares comparativement à celles où des enseignants ont intégré des technologies novatrices à leur activité d’enseignement (Cuban, 2013). De plus, les changements dits fondamentaux que sont susceptibles d’apporter des innovations ne tiennent pas toujours leurs promesses, devenant parfois que de modestes compléments aux pratiques existantes (Cuban, 1992). Dans cette conception de l’innovation pédagogique, les technologies ne sont pas nécessairement mises au premier plan, mais elles sont toutefois bien présentes et visent à modifier les façons de faire de la salle de classe. C’est une façon d’aborder l’innovation et la place des technologies dans une activité novatrice à laquelle nous adhérons.

La perception des technologies dans des classes centrées sur les étudiants a été documentée par des équipes de chercheurs à l’international et au Québec. L’équipe du projet de recherche du Massachusetts Institute of Technology (MIT) qui s’intéresse à la classe d’apprentissage actif résume ainsi les répercussions possibles de l’intégration des TIC dans un environnement basé sur l’apprentissage collaboratif des étudiants : la capacité des étudiants à résoudre des problèmes est améliorée, leur compréhension conceptuelle est augmentée, leur attitude est meilleure, le taux d'échec (en particulier pour les femmes et les minorités) est considérablement réduit et les élèves jugés « à risque » réussissent mieux dans les cours qu’ils suivent par la suite (Beichner et al., 2007, p. 37). Leurs résultats indiquent aussi que les étudiants jugés les plus forts (le premier tiers) montrent la plus grande amélioration de leur compréhension conceptuelle (Beichner et al., 2007). Au Québec, la communauté de pratique Supporting Active Learning & Technological Innovation in Studies of Education (SALTISE) s’intéresse aux classes centrées sur les étudiants en sciences de la nature. Leurs recherches s’inspirent de la documentation du projet Student-Centered Active Learning Environment with Upside-down Pedagogies (Scale-Up) du MIT.

L’équipe de recherche SALTISE note toutefois que, pour un environnement et une pédagogie semblables à ce que nous voulons observer dans ce projet, la perception de l’innovation par les étudiants est mitigée (Charles, Lasry, Whittaker, Dedic, & Rosenfield, 2011). Les projets documentés par SALTISE démontrent qu’alors que presque tous les étudiants ont affirmé que les activités en lien avec les classes d’apprentissage actif représentaient plus de travail pour eux, seulement la moitié a estimé que l’effort en valait la peine estimant avoir appris davantage. Quant aux étudiants qui ont mentionné ne pas apprécier la classe d’apprentissage actif, ils ont affirmé qu’ils auraient sans doute pu obtenir une meilleure note, probablement avec moins

d’effort, dans une classe dite traditionnelle. Selon l’équipe SALTISE, l’innovation dans une classe d’apprentissage actif est vécue à la fois par les enseignants et les étudiants. L’équipe précise que les enseignants deviennent responsables de la modélisation, du coaching et du