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3 Les traitements contre l’infection par le VHC

3.4 Les inhibiteurs de la Cyclophiline A

La cible cellulaire la plus étudiée pour le développement de traitement contre le VHC est la CypA. Comme elle est requise quel que soit le génotype du virus et qu’elle est une protéine de l’hôte, donc peu sujette à l’apparition de mutations de résistances, elle est une cible thérapeutique digne d’intérêt.

3.4.1 La Cyclosporine A : un immunosuppresseur

La Cyclosporine A (CsA) est un peptide cyclique hydrophobe de 11 acides aminés produit par un champignon microscopique le Tolypocladium inflatum Gams. Cette molécule possède un effet immunosuppresseur découvert en 1972 par le laboratoire Sandoz (Tedesco and Haragsim, 2012). La CsA se lie aux Cyclophilines. La CsA inhibe l’activité PPIase de la CypA en se liant au site catalytique de l’enzyme (Mikol et al., 1993). Cependant l’inhibition de l’activité PPIase de la CypA par la CsA n’explique pas son caractère immunosuppresseur. La surface moléculaire du complexe Cyclophiline-CsA permet sa liaison à la Calcineurine (CaN) inhibant ainsi son activité phosphatase (Liu et al., 1991; Cardenas et al., 1995; Fruman et al., 1992). La CaN est une sérine/thréonine phosphatase calcium calmoduline dépendante. C’est une protéine importante pour l’activation des Lymphocytes T responsable de la réponse immunitaire. Elle a pour fonction notamment de déphosphoryler le facteur de transcription nucléaire des lymphocytes T, NFAT (Nuclear Factor of Activated T-cells) qui intervient dans la transcription du gène de l’interleukine (IL2) nécessaire à l’activation des lymphocytes T (Figure 23). Le complexe CypA-CsA se liant à la Calcineurine, celle-ci se trouve séquestrée, et la réponse immunitaire est ainsi réduite.

Figure 23. Inhibition de la voie de signalisation de l’IL2 par la CsA et inhibition de la réplication du VHC par la CsA. La CsA se lie à la CypA dans le cytoplasme. Ce complexe se lie à la Calcineurine et

bloque son activité phosphatase. NFAT ne peut plus être déphosphorylé, transloqué dans le noyau et se fixer sur le promoteur de l’interleukine 2 nécessaire à la réponse immunitaire.

La découverte de l’activité immunosuppressive de la CsA en 1972 a permis son utilisation pour prévenir le rejet des allogreffes. Les premiers essais cliniques datent de 1978 (Starzl et al., 1981), et la mise sur le marché de cette molécule date de 1983. Depuis, chez les patients atteints d’hépatite C à un stade cirrhotique, la CsA est administrée pour prévenir le rejet des allogreffes lors des transplantations hépatiques.

3.4.2 La CsA a une activité anti-HCV

La première indication du caractère anti-VHC de la CsA date de 1988, lorsque Teraoka et al mettent en évidence que chez des chimpanzés infectés par une hépatite « non-A non-B » les résultats histométriques des hépatocytes s’améliorent en présence de CsA. 15 ans plus tard, l’inhibition de la réplication du VHC par la CsA est mise en évidence in vitro dans le système réplicon du VHC (Watashi et al., 2003; Nakagawa et al., 2004). Un essai clinique réalisé chez des patients atteints du VHC transplantés, à montré que la charge viral chez ces patients diminue quand on remplace le Tacrolimus (un autre immunosuppresseur inhibant les FKBPs) par la CsA (Lorho et al., 2005). L’inhibition de la CypA par la CsA empêche la réplication du VHC sans qu’une interaction avec la Calcineurine soit en jeu. La découverte que l’effet anti-VHC de la CsA soit indépendante de sa fonction immunosuppressive était prometteuse pour traiter le VHC (Tang, 2010). Des dérivés non immunosuppresseurs de la Cyclosporine A sont actuellement en phase d’essais cliniques (Hopkins and Gallay, 2012).

3.4.3 Analogues non-immunosuppresseurs de la CsA : Alisporivir,

NIM 811, SCY-635, CsD

L’effet immunosuppresseur de la CsA l’empêche d’être utilisée comme molécule anti-VHC. Les chercheurs ont cherché à développer des analogues non-immunosuppresseurs de la CsA ayant une activité anti-VHC, comme Debio025 (ou Alisporivir), NIM811, SCY-635 et CsD (Figure 24). L’inhibition de la réplication du VHC par ces molécules dans des essais cliniques a été mise en évidence (Paeshuyse et al., 2006; Inoue et al., 2007; Mathy et al., 2008; Coelmont et al., 2009; Hopkins et al., 2012). L’efficacité anti-VHC des dérivés de la CsA s’est avérée plus efficace que celle de la CsA.

Figure 24. Structure des Inhibiteurs de Cyp inhibant la réplication du VHC. CsA et analogues non

immunosuppresseur de la CsA : Debio025, NIM811, SCY635, et CsD.

L’analogue non immunosuppresseur de la CsA le plus avancé dans la recherche clinique est Debio025, développé par la société pharmaceutique Debiopharm et racheté sous le nom d’Alisporivir en 2010 par la société Novartis. Les droits de cet inhibiteur ont été récupérés par Debiopharm en janvier 2015. Les traitements anti-VHC ne font plus partie de la stratégie de Novartis. L’activité anti-VHC de cette molécule a été étudiée en culture cellulaire (Paeshuyse et

caractérisée par RMN au laboratoire pour mieux comprendre son caractère non- immunosuppresseur (Landrieu et al., 2010). L’interaction entre la CaN et le complexe CypA- Alisporivir est entravée par des contraintes stériques entre la chaine latérale N-éthylvaline en position 4 de l’Alisporivir et la CaN. Avec la CsA ce n’est pas le cas, la chaine latérale du résidu de N-méthylleucine 4 peut entrer dans une cavité hydrophobe à la surface de la CaN et ainsi former un complexe ternaire CypA-CsA-CaN (Landrieu et al., 2010).

Figure 25. Différences entre la CsA et l’Alisporivir (Landrieu et al., 2010).

Les modifications structurales de l’Alisporivir par rapport à la CsA n’abolissent pas uniquement ces fonctions immunosuppressives, en effet son activité anti-réplication de l’ARN viral est environ dix fois plus efficaces que celui la CsA dans un modèle cellulaire (Paeshuyse et al., 2006). De nombreuses études ont cherché à expliquer cette efficacité par la mesure des constantes thermodynamiques de dissociation des différents complexes enzymes-inhibiteurs (Copeland et al., 2006). Une méthode RMN permettant de déterminer les constantes de dissociation thermodynamiques relative entre la CsA et Alisporivir a été mise au point et a permis de montrer que ces deux molécules ont une constante de dissociation thermodynamique du même ordre de grandeur, de l’ordre de nM, (KD CsA-CypA= 1,4 KD Alisporivir-CypA) (Landrieu et al., 2011). La meilleure efficacité anti-VHC de l’Alisporivir ne peut donc pas s’expliquer par une affinité plus élevée de cette molécule pour la CypA. Une nouvelle méthodologie RMN, permettant de mesurer la constante cinétique de dissociation absolue (koff) (Launay et al., 2013) montre que le complexe CypA-Alisporivir a un koff 10 fois moins grand que le complexe CypA-CsA. Ces données sont cohérentes seulement si on considère que les constantes cinétiques d’association (kon) des deux complexes présentent une différence d’un facteur 10 également. La durée de vie des complexes est différente ce qui pourrait expliquer la meilleur activité anti-VHC de l’Alisporivir.

Les inhibiteurs de la CypA non immunosuppresseurs sont prometteurs en tant que nouvelle classe d’inhibiteurs du VHC. L’analyse des résultats d’une étude clinique chez des patients à qui l’on administre l’Alisporivir en association avec la Ribavirine a montré un taux de réponse virologique soutenu de plus de 90 % (Lim and Gallay, 2014). Les mutations de résistances aux inhibiteurs de Cyclophiline sont relativement rares. Des études récentes in vitro ont montré que la combinaison d’Alisporivir avec un inhibiteur de NS5A (Daclatasvir ou Ledispavir) permet d’agir en synergie pour éviter l’apparition de mutations de résistance, ces résultats devront être confirmés dans des études cliniques (Chatterji et al., 2014).

La CsA et ses analogues non-immunosuppresseurs se lient aux Cyclophilines et inhibent la réplication de l’ARN du VHC. Cette découverte a permis de montrer que la Cyclophiline est essentielle pour la réplication du VHC (Ma et al., 2006; Watashi et al., 2005) et plus précisément la forme cytoplasmique, la CypA (Yang et al., 2008).

4 Le complexe ternaire NS5A-NS5B-CypA est