• Aucun résultat trouvé

2 Le virus de l’hépatite C (VHC)

2.5 Facteurs cellulaires nécessaires à la réplication du VHC

2.5.1 Régulation du VHC par des facteurs de la cellule hôte

Outre les protéines virales, de nombreux facteurs de la cellule hôte sont indispensables à la réplication virale. Plus de 500 interactions entre des protéines du VHC et des protéines de l’hôte ont été mises en évidence par différentes méthodes de détection des interactions protéines- protéines (GST pull down, co-immunoprécipitation, double hybride, RMN, ITC, SPR…). La base de donnée HCV pro : http://cbrc.kaust.edu.sa/hcvpro/index.php (Kwofie et al., 2011) répertorie l’ensemble des interactions protéines du VHC – protéines de l’hôte connues dans la littérature.

Le métabolisme glucido-lipidique de la cellule hôte est essentiel à différentes étapes de cycle de vie du VHC. De manière non exhaustive, des screens réalisés par siRNA ont mis en évidence le rôle essentiel du facteur de l’hôte, la phosphatidylinositol 4-kinase III alpha (PI4KIIIα) pour la réplication virale. Le knock-down de l’expression de PI4KIIIα perturbe la formation d’un réseau membranaire indispensable à la réplication de l’ARN viral. NS5A stimule la PI4KIIIα et la

Un autre facteur cellulaire essentiel pour la réplication de l’ARN viral est la Cyclophiline A. Il a été montré par RMN dans notre laboratoire que les domaines D2 et D3 désordonnés de NS5A interagissent directement avec la CypA et que ces domaines sont des sites substrats pour son activité PPIase (Hanoulle et al., 2009b ; Hanoulle et al., 2010).

2.5.2 La Cyclophiline A est un cofacteur essentiel à la réplication du

VHC

Caractérisation des Cyclophilines 2.5.2.1

Les Cyclophilines humaines (CypA, CypB, CypC, CypD, Cyp40…) possèdent une homologie de séquence primaire et une structure tridimensionnelle très conservée. Elles diffèrent par leurs localisations cellulaires ainsi que par leur abondance relative au sein de la cellule. Elles se caractérisent par leur capacité à fixer la Cyclosporine A (CsA), un inhibiteur connu des Cyclophilines, et par leur activité peptidyl-prolyl cis/trans isomérase (PPIase). Elles forment avec les FKBPs (FK506-binding proteins) la famille des Immunophilines. Les FKBPs ont également une activité PPIase mais fixent d’autres molécules immunosuppressives, le FK506 et la Rapamycine (Schreiber, 1991; Ryffel, 1993; Galat, 1999).

La première Cyclophiline décrite est la Cyclophiline A, la plus abondante dans la cellule, elle est principalement localisée dans le cytosol (Handschumacher et al., 1984; Harding et al., 1986). Sa structure a été déterminée par cristallographie aux rayons X pour la première fois en 1991 (Figure 14). Elle adopte une structure en tonneau composée de 8 feuillets β antiparallèles, fermée par deux hélices alpha. Les brins B3 à B6 ainsi qu’une boucle allant de K118 à H126 forment une poche hydrophobe constituant le site de liaison à la CsA et le site catalytique PPIase (Ke et al., 1991).

Figure 14. Représentation schématique A, et représentation «cartoon» B, de la Cyclophiline A. (Ke et al., 1991)

La CypA possède la structure de base des Cyclophilines sur laquelle viennent se greffer des extensions N-terminale et C-terminale spécifiques des autres membres de la famille. Ces différences structurales leurs confèrent des localisations subcellulaires différentes. La Cyclophiline B (CypB), décrite en 1991 par Spik et al., est principalement localisée dans les vésicules du RE (Arber et al., 1992), et elle est exprimée à des taux 5 à 10 fois inférieurs à la CypA. Elle possède 65 % d’identité de séquence avec la CypA. D’autres membres de la famille des Cyclophilines ont été décrits, dont la Cyclophiline C (CypC) (Friedman and Weissman, 1991), principalement localisée dans le rein, elle possède 48 % d’identité de séquence avec la CypA. La Cyclophiline D (CypD) est localisée dans la mitochondrie et possède 76 % d’identité avec la CypA (Bergsma et al., 1991).

L’activité PPIase des Cyclophilines 2.5.2.2

L’activité PPIase des Cyclophilines correspond à l’isomérisation cis/trans de la liaison peptidique précédant un résidu de proline (Fischer et al., 1984; Takahashi et al., 1989) (Figure 15).

A B

Les acides aminés sont majoritairement sous conformation trans dans le squelette peptidique. En moyenne, pour un peptide ou une protéine désordonnée le ratio cis/trans est de 0,1 % de conformation cis et 99,9 % de conformation trans. La proline est le seul acide aminé dont la chaine latérale forme un cycle avec le squelette peptidique. Cette structure confère à la proline la remarquable propriété d’être représentée au sein des protéines sous formes de deux conformères limites et stables, les conformères cis et trans qui s’interconvertissent par simple rotation autour de la liaison peptidique qui la précède. Le ratio cis/trans d’une liaison peptidique Xaa-Pro, pour un peptide ou une protéine désordonnée est beaucoup plus élevé par rapport aux autres liaisons peptidiques, il peut varier de 10 à 30 % de conformation cis en fonction de la nature la liaison Xaa-Pro. Le ratio le plus élevé est observé lorsque l’acide aminé en i-1 de la proline est un acide aminé aromatique. L’isomérisation cis/trans de la liaison Xaa-Pro est un évènement moléculaire lent (de l’ordre de la minute) mais essentiel, ce qui explique l’intervention d’enzymes spécialisées qui catalysent cette isomérisation. Camilloni et al ont récemment étudié le mécanisme d’action de la CypA. Grâce à des mesures RMN et des simulations de dynamiques moléculaires, ils ont pu montrer que la CypA catalyse l’isomérisation de la liaison peptidique précédant un résidu de proline par un mécanisme dit « electrostatic handle » où rien n’est covalent. Dans ce mécanisme, l’enzyme PPIase crée un environnement électrostatique au niveau du site catalytique qui provoque la rotation de la liaison peptidique du substrat en « tirant » le dipôle électrique du groupement carbonyle de la liaison peptidique (Camilloni et al., 2014).

Les Cyclophilines, sont impliquées dans de nombreux processus physiologiques comme la réponse immunitaire, l’apoptose, la régulation du cycle cellulaire, le repliement des protéines, mais également dans le cycle de réplication de plusieurs virus dont le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et le virus de l’hépatite C (VHC).

La liaison et l’activité enzymatique des PPIases sont en soi étroitement couplées, soulevant la question de leurs rôles respectifs dans les processus biologiques dans lesquels elles sont impliquées (Fischer et al., 1998). Dans le cas de l’infection d’Escherichia coli par le phage filamenteux fd, il semble que la Cyclophiline 18 régule l’isomérisation cis/trans de la Proline 213 (Eckert et al., 2005; Weininger et al., 2009). Tandis que dans le cas de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), il semble que ce soit la liaison de la CypA à une unique proline en conformation trans (Pro 90) de la protéine de capside Gag du VIH qui soit importante pour la réplication (Gamble et al., 1996).

La Cyclophiline A est un cofacteur indispensable à la réplication du 2.5.2.3

VHC

La CsA inhibe la réplication du VHC. Les études in vitro sur la CsA et ses dérivés ont montré une corrélation entre l’inhibition de la réplication de l’ARN du VHC et la liaison des dérivés de la CsA à la Cyclophiline (Ma et al., 2006), suggérant que les Cyclophilines sont les cibles directes de l’action inhibitrice de la CsA sur la réplication virale. Cette découverte a permis de montrer que les Cyclophilines sont essentielles pour la réplication du VHC (Ma et al., 2006; Watashi et al., 2005). C’est la Cyclophiline B qui initialement fut décrite comme le principal isoforme nécessaire pour la réplication du VHC. Watashi et al., en 2005 ont montré que la CypB interagissait avec NS5B et qu’elle pouvait moduler la capacité de l’ARN polymérase à lier les ARN. Ces résultats ont permis de proposer un mécanisme moléculaire de l’action anti-VHC de la Cyclosporine A qui avait été observée bien plus tôt (Nakagawa et al., 2004). Cependant des données plus récentes, issues de plusieurs laboratoires, ont montré que l’isoforme le plus important pour la réplication du VHC est la CypA (Yang et al., 2008; Kaul et al., 2009). Les auteurs ont montré que l’extinction de l’expression des gènes, CypB ou CypC, par siRNA n’avait pas d’effets sur la réplication du VHC contrairement à l’extinction du gène de la CypA.