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Nos résultats montrent que les mêmes aires corticales seraient impliquées dans la décision perceptive qu'il s'agisse d'une tâche de détection ou d'une tâche de catégorisation. En accord avec ces données, les études en PET et en IRMf fonctionnelle indiquent que des zones proches de celles que l'on peut localiser dans notre tâche sont activées dans les tâches de catégorisation et de détection (i.e. Gauthier et al, 1999; Haxby et al, 1996; Roland & Gulyás, 1995). Toutefois, du fait de la faible résolution temporelle de ces techniques, en IRMf et PET, il n'est possible de voir que les processus de plus forte amplitude ou de plus longue durée. Bien qu'on puisse supposer que cela soit le cas pour l'onde qu'on observe à 250 ms, il n'est pas certain que la comparaison soit possible avec notre expérience26. La localisation de la décision perceptive dans une zone cérébrale identique dans les deux tâches est un résultat qui est loin d'être trivial. On aurait pu croire par exemple que, dans la tâche de détection, les zones cérébrales impliquées dans la décision soient de plus bas niveau que dans la tâche de catégorisation. Par exemple l'aire V4 serait impliquée dans la mémoire à court terme des couleurs, les neurones de cette aire restant actifs lors d'une tâche d'appariement (McKeefry et Zeki, 1998).

La raison tient à mon avis aux stimuli que nous avons choisi d'utiliser : des images naturelles. Dans la tâche de détection, distracteurs et images-cibles partagent donc de nombreuses caractéristiques de bas niveaux comme les fréquences spatiales, les contrastes, les couleurs et la forme. La préactivation ne peut donc se baser entièrement sur les caractéristiques des images et doit faire intervenir des niveaux de représentation suffisamment abstraits pour permettre une réponse correcte. Ce niveau est bien évidemment celui du contenu de l'image. Dans le cas où les cibles flashées sont des images ne contenant pas d'animaux, il est possible que la décision perceptive soit plus difficile du fait de la plus grande similarité des distracteurs avec la cible, tant du point de vue de la forme que du contenu de l'image. Cet argument tient également pour les images d'animaux dites difficiles. Cette hypothèse s'apparente à la détection d'éléments diagnostiques dans l'image (Schyns, 1999)

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Les techniques de TEP et d'IRMf permettent de localiser les zones fortement irriguées dans le cerveau et l'on suppose que cette irrigation est directement corrélée avec l'activité des neurones sous-jacents. Ces techniques cependant ne permettent pas d'atteindre une résolution temporelle supérieure à la seconde et les dynamiques temporelles d'activation suite à la présentation d'un stimulus sont difficiles à aborder.

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dans laquelle la tâche permet de biaiser la catégorisation vers telle caractéristique ou telle autre des images. Dans une tâche de dénomination de scènes de ville où les stimuli sont construits à partir d'une combinaison des traits grossiers d'une image et des traits fins d'une autre, les sujets sont capables de répondre soit sur une image (i.e. contours fins), soit sur l'autre (i.e. contours grossiers) (Schyns et Oliva, 1994). De même les sujets peuvent chercher des objets de différentes tailles dans les images (Kinchla, 1974; Kinchla, 1992).

Les résultats concernant la similarité des images sur lesquelles les sujets commettent des erreurs dans la tâche de détection (figure 6.1) contredisent en apparence cette hypothèse, les sujets commettant plus d'erreurs sur les distracteurs similaires du point de vue de la couleur et de la forme avec la cible. Toutefois, il est possible que le maintien en mémoire de la cible se fasse dans les aires visuelles de haut niveau et biaise l'activité dans les aires de bas niveau en fonction des propriétés de la cible. Ce type de mémoire à court terme serait tourné vers l'objet et indirectement vers ses caractéristiques. Cela est compatible avec la différence précoce que l'on observe à 100-120 ms, sélective aux animaux. Ce processus se localiserait dans les aires visuelles de bas niveau comme V1 (VanRullen et Thorpe, 2000b) ce qui est compatible avec l'hypothèse d'une action descendante des aires visuelles de haut niveau.

Cette hypothèse s'accommode relativement bien des résultats que nous avons obtenus dans la tâche de détection sur les images faciles et difficiles. Les images faciles à catégoriser semble également être facile à détecter et il est donc possible que cet avantage soit dû à des propriétés de bas niveau des images comme la luminance ou les contrastes locaux. Nous avons en effet vérifié que les erreurs dans la tâche de détection semblent plus fortement corrélées aux caractéristiques des images pour les animaux faciles par rapport aux animaux difficiles (figure 6.1). Ces images seraient plus rapidement traitées car elles sont plus en adéquation à la fois avec la préactivation intervenant dans la tâche de détection et avec l'amorçage intervenant dans la tâche de catégorisation. Dans la tâche de détection et la tâche de catégorisation, il est possible de préactiver le système visuel pour l'optimisation de la détection de certaines caractéristiques des cibles. Dans la tâche de détection de cible unique, il est également possible de préactiver la détection de ces caractéristiques à certaines positions dans l'image. En un sens, la préactivation, dans le cas des cibles uniques, pourrait à la fois faire intervenir la voie ventrale, impliquée dans l'identification des caractéristiques des objets, mais aussi la voie dorsale qui interviendrait dans la position de ces caractéristiques. Cette double préactivation pourrait alors expliquer la différence de rapidité entre la tâche de détection et la tâche de catégorisation.

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Toutefois, cela ne signifie pas que les influences descendantes doivent provenir d'une structure située à un haut niveau hiérarchique : le niveau dont elles sont issues dépend à mon avis de la tâche à effectuer. Par exemple dans une tâche de catégorisation simple barres horizontales vs barres verticales, la préactivation pourrait intervenir entre aires visuelles de bas niveau. Si l'on avait demandé au sujet de catégoriser des images en couleur parmi des images en NB, les aires cérébrales activées n'auraient peut-être pas été les mêmes, la préactivation aurait pu dépendre de V4 (McKeefry et Zeki, 1998; Fize, 2000).

Les implications de ce type de préactivation pour amorcer les traitement dans le système visuel sont nombreuses. Nous avons montré dans notre expérience que l'effet lié au type de tâche réalisée était visible dès 140 ms, c'est-à-dire approximativement la latence à laquelle l'onde de décision émerge dans la tâche de décision. L'absence d'un effet lié à la tâche avant 140 ms ne signifie pas forcément que des processus de préactivation précoces dans les aires de bas niveau n'interviennent pas. Pour reprendre l'hypothèse d'amorçage des aires de bas niveau (ou de reconnaissance de formes simples) par les aires de haut niveau : l'amorçage dans le cas de la tâche de détection serait plus focalisé que dans la tâche de catégorisation, les formes à reconnaître étant mieux définies. Toutefois, il est probable qu'en moyennant les PEs sur un grand nombre d'image-cibles uniques, on ne puisse plus distinguer les différences spécifiques de chacune des deux tâches du point de vue de la préactivation.

Même s'il est probable que la préactivation provienne d'aires visuelles de haut niveau, la décision dans la tâche de détection de cible unique ferait plus fortement intervenir les aires de bas niveau. Cette différence de préactivation dans les deux tâches pourrait expliquer pourquoi la décision perceptive est plus rapide dans la tâche de détection d'une cible unique. Le niveau de confiance que le sujet a de sa réponse, même s'il est probablement inconscient, serait atteint plus rapidement dans le cas de la tâche de détection. Dans le paragraphe suivant, nous allons donc tenter d'analyser les résultats que nous avons obtenus dans le cadre de la théorie d'échange entre la précision que le sujet peut obtenir et la rapidité de ses réponses.