Un autre paramètre au sujet duquel on peut se demander quel effet il a sur le gain est la
durée du champ électrique utilisé. En effet, nous avions décidé arbitrairement de fixer cette
dernière à vingt cycles optiques, mais si ce paramètre s’avérait avoir une forte influence sur le
gain, le domaine de validité de nos cartes de gain, et de tous les ajustements en provenant, s’en
trouverait limité.
0 0.1 0.2 0.3
α
0 0.1 0.2 0.3
α
N
c=12
N
c=20
N
c=8
N
c=4
N
c=16
ln
(G
)
ln
(G
)
0
2
4
6
8
10
0
1
2
3
4
0
2
4
6
8
-1
0
1
2
a) b)
d)
c)
F
IGURE
2.16: ln(G) en fonction deαcorrespondant à des impulsions composées d’un nombre
de cycles optiques : N
c=20 (en bleu),N
c=16 (en vert), N
c=12 (en rouge),N
c=8 (en cyan)
etN
c=4 (en noir). Première ligne : pour∆ϕ
3=π, deuxième ligne : pour∆ϕ
3=0. Colonne de
gauche : à 15 TW.cm
−2, colonne de droite : à 92 TW.cm
−2.
Pour vérifier cela, nous calculons de nouvelles cartes de gain en employant des durées de
champ électrique correspondantes à 4, 8, 12 et 16 cycles optiques. Nous comparons les valeurs
alors obtenues pour ln(G) pour ces différents cas, avec celles présentées précédemment pour
vingt cycles optiques, en régime de champ faible [figure2.16(a),(c)] et en régime de champ fort
[figure2.16(b),(d)], pour les phases relatives extrêmes. Un écart conséquent avec notre courbe
de référence, correspondante àN
c
=20 cycles optiques, est visible dans tous les cas pourN
c
=4.
En effet, dans ce cas, les deux cycles optiques de montée et de descente prennent une
impor-tance vis-à-vis des autres cycles du champ (également au nombre de deux) bien plus grande
que lorsque l’impulsion est plus longue. En dehors de ce cas, les écarts les plus forts sont
ob-servés en régime de champ faible, même si l’on arrive juste à distinguer les différentes courbes,
ce qui indique que la différence est loin d’être critique. Dans le cas du champ fort, peu importe
la phase relative, les courbes (hormis celle pourN
c=4) se superposent pratiquement les unes
les autres. On remarque cependant qu’à mesure que la valeur de αaugmente, les courbes se
séparent. Malgré tout, d’une part l’écart reste faible ; d’autre part ces quantités de TH ne sont,
en pratique, pas atteintes. Nous aurons l’occasion d’y revenir par la suite.
Ces différentes considérations nous permettent d’estimer que, tant que la durée de
l’impul-sion n’est pas trop courte, le domaine de validité des formules, découlant des cartes de gain
établies pour vingt cycles optiques, n’est pas restreint à cette unique durée d’impulsion. Ainsi,
les appliquer à des impulsions d’une durée de 100 fs (en éclairement), comme il sera fait dès le
prochain Chapitre, est tout à fait acceptable.
4 Conclusion du Chapitre
Le Chapitre qui s’achève ici a permis de mettre en lumière l’impact qui est celui de la
troi-sième harmonique au niveau du processus d’ionisation, et ceci même si un faible pourcentage
de cette fréquence est présente dans le champ électrique. D’abord déduite de la résolution de
l’E.S.D.T., cette observation a ensuite été confirmée expérimentalement, prouvant sans
ambi-guïté sa justesse. Par la suite, cette forte influence de la TH a été mise en formule. Pour
n’im-porte quelle valeur (présente dans la gamme de valeurs étudiées) des paramètres, l’évaluation
numérique de cette influence est accessible rapidement.
De plus, ce fort impact dû à la présence de TH n’est pas sans conséquences sur la variation
de l’indice∆n. La figure2.17représente cette dernière en fonction de l’éclairement picI
0, pour
les cas fondamental et fondamental+TH (en phase et en opposition de phase,R
3étant alors égal
à 1 %).
I
0 (TW.cm-2)
10 30 50 70 90
.10-6
∆
n
4
0
-4
-8
En
phase
En opposition de phase
Fondame
ntal se
ul
F
IGURE
2.17: Variation∆n de l’indice de réfraction en
fonc-tion de l’éclairement pour les cas : sans TH (en vert), avec
TH en phase (en bleu) et avec TH en opposition de phase
(en rouge).
Ainsi, on peut constater que
lorsque le champ fondamental
est seul, ∆n sature autour de
57 TW.cm
−2 et s’annule ensuite
à environ 77 TW.cm
−2. Or, dans
le cas où le champ fondamental
est accompagné de TH en phase
avec lui, ∆n sature cette fois-ci
autour de 37 TW.cm
−2 et
s’an-nule à environ 53 TW.cm
−2.
Enfin, lorsque le champ
fon-damental et la TH sont en
oppo-sition de phase,∆nsature à
pré-sent autour de 65 TW.cm
−2et ne
s’annule même pas sur la plage
d’éclairements employés. Ainsi, la valeur de l’éclairement pour laquelle s’annule la variation de
l’indice de réfraction diffère fortement de la valeur trouvée pour un champ fondamental seul.
Ces résultats montrent sans ambiguïté la nécessité de prendre en compte la troisième
har-monique dans le calcul de l’indice, remettant en cause les modèles de filamentation existants.
Etablis à l’échelle microscopique, ces résultats seront ainsi pleinement utilisés au prochain
Cha-pitre pour étudier quelle répercussion ils sont susceptibles d’avoir à l’échelle d’une propagation.
D’autres harmoniques ont également été employées. De la cinquième harmonique a alors
été ajoutée aux champs fondamental et de TH, sans pour autant que des ajustements des cartes
de gain alors obtenues n’aient été réalisés à ce jour, ne permettant donc pas pour le moment de
les injecter dans une simulation de propagation. Les résultats ne constituant pas le
développe-ment majeur de ce Chapitre, ils ont été consignés au niveau de l’AnnexeJ.
Toujours dans le but d’aller plus loin, il pourrait être envisagé de continuer à inclure plus
d’harmoniques. Toutefois, à chaque nouvelle harmonique ajoutée, le temps de calcul des études
paramétriques associées augmente très fortement. En effet, ajouter une harmonique revient à
multiplier le temps de calcul par autant de points (R,∆ϕ) associé à cette dernière.
L’optimisa-tion de la discrétisaL’optimisa-tion utilisée vis-à-vis de chaque paramètre (de phases relatives, de ratios en
éclairement et d’éclairement de fondamental) deviendra alors de plus en plus critique.
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C
H
A
P
I
T
R
E
3
INFLUENCE DES HARMONIQUES SUR LA
FILAMENTATION : APPROCHE
MACROSCOPIQUE
Vous vous rendez compte ? Que le temps que
la lumière met à atteindre notre œil, on voit
que des choses passées...
—Perceval, Kaamelott,Livre II, Tome 2,
Episode 18« Stargate ».
L
ORS
de la propagation d’un faisceau laser dans un milieu atomique, le champ
élec-trique qui lui est associé crée un dipôle (nuage électronique-noyau), oscillant sous
son action. Il rayonne alors un champ électromagnétique, lequel s’ajoute au champ
initial. Comme nous l’avons expliqué lors du premier Chapitre, dans le cas de
sys-tèmes centrosymétriques, il y a notamment génération d’harmoniques d’ordres impairs du champ
électrique. En particulier, il a été démontré que de la troisième harmonique (TH) était générée :
il s’agit d’un processus non-linéaire fabriquant une onde électromagnétique oscillant à trois
fois la fréquence fondamentale, et dont le facteur de conversion en énergie est estimé à une
valeur de l’ordre du pourcent [1, 2]. Cependant, il était observé que cette production de
nou-velles fréquences avait une action négligeable sur la suite de la propagation [3]. Or, nous avons
démontré lors du Chapitre précédent que les champs secondaires−en particulier s’ils sont des
harmoniques du champ fondamental−peuvent avoir de forts impacts sur la réponse optique
du milieu, notamment à travers le processus d’ionisation.
Il est alors légitime de se demander quelles conséquences peut avoir cet effet d’origine
mi-croscopique à l’échelle de la propagation de l’impulsion. Le présent Chapitre cherchera à
ré-pondre à cette question. On se restreindra ici à l’utilisation d’une seule harmonique du champ
fondamental : la troisième.
Deux situations différentes seront ainsi envisagées : la première, à travers une étude
pure-ment numérique, examinera l’influence de la TH auto-induite, c’est-à-dire créée au cours de
la propagation du champ fondamental lui-même ; la deuxième, alliant simulations numériques
et surtout expériences, s’intéressera à la manipulation des différentes propriétés du filament
par ensemencement de TH qui sera, à ce moment, fabriquée de manière externe. L’idée
sous-jacente repose sur une technique d’ingénierie au niveau du cycle optique, utilisée en
spectro-scopie sub-femtoseconde [4] et pour la génération de hautes harmoniques [5]. Dans un
pre-mier temps, nous utiliserons cette technique pour contrôler la longueur du filament ainsi que
le supercontinuum alors généré. Dans un second temps, nous parviendrons à moduler le canal
plasma grâce à cet ensemencement de TH, contrôlée en phase, au niveau du filament.
Des limitations dans la description du processus de filamentation, notamment au niveau
des taux d’ionisation utilisés, seront soulignées ici. Ainsi, dans chaque cas, deux façons d’évaluer
la valeur de l’ionisation seront utilisées, selon si un gain sera pris en compte ou pas.
1 Impact de la TH auto-induite sur la propagation