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Dans le but de montrer que les conclusions auxquelles nous sommes arrivés dans le

kryp-ton sont extensibles à n’importe quel gaz rare, des simulations numériques de résolution de

l’E.S.D.T. ont été effectuées en remplaçant ce dernier par de l’argon. La durée FWHM de 7 fs

en éclairement était à nouveau choisie pour l’impulsion gaussienne, afin d’éviter un temps de

calcul trop long. Ces simulations ayant été effectuées en parallèle de la rédaction du présent

manuscrit, d’une part la durée de 50 fs n’a pas été testée et d’autre part l’exploration en

lon-gueur d’onde de pompe s’est faite sur une fourchette moins étendue, n’allant notamment que

de 235 nm à 535 nm. La discrétisation en longueur d’onde était de 1 nm entre 235 nm (longueur

d’onde en-dessous de laquelle le seuil d’ionisation à trois photons est franchi) et 400 nm, et est

de 5 nm au-delà, tandis que celle en éclairement se fait tous les TW.cm

2

. De la même manière

que pour l’étude précédente dans le krypton, le potentiel que l’on utilisait jusqu’alors,V

Ar

, a dû

être modifié pour supprimer un état de cœur qui aurait faussé les résultats. Le potentielV

Ar,m

,

dont la formule est elle-aussi donnée enAnnexeG, était alors employé.

La variation de l’indice∆nen fonction de la longueur d’ondeλ

0

et de l’éclairement crêteI

est représentée sur la figure4.9. La valeur de I

inv

est soulignée par la courbe blanche. L’allure

de cette courbe est très semblable à celle obtenue dans le krypton à ceci près, bien sur, que les

pics de résonance ne sont pas localisés aux mêmes valeurs de longueurs d’onde. Ainsi, alors

qu’en-dessous de 265 nm le seuil d’ionisation à trois photons est franchi dans le krypton, on

peut observer qu’un pic de résonance est présent dans l’argon à λ

0

=259 nm, et correspond

au pompage conjoint à trois photons des états 5s et 3d, très proches en énergie. Ce pic de

ré-sonance en camoufle presque entièrement un autre, toutefois discernable à 245 nm et relié au

pompage à trois photons des états 6set 4d, également très proches en énergie. Remarquons que

parmi les états de l’argon correspondant à des longueurs d’onde de cette région spectrale et

ré-férencés par le N.I.S.T. [12], tenant compte de la structure fine de l’atome, plusieurs pourraient

être pompés à 266 nm (i.e. la troisième harmonique de la longueur d’onde de notre source

la-ser). Il pourrait donc être expérimentalement intéressant d’étudier le phénomène dans l’argon.

En allant vers les plus grandes longueurs d’onde, un troisième pic de résonance correspondant

au pompage à trois photons d’un état, en l’occurrence le 4s, apparaît pour une longueur d’onde

de pompe de 307 nm. Il est donc relativement proche de celui observé lors de nos expériences

dans le krypton. Il s’agit bien sur d’une coïncidence, et le test expérimental a d’ailleurs été

rapi-dement effectué (mais sans enregistrer de résultats) dans l’argon : la conclusion était alors que

le renforcement résonant de la filamentation avait lieu pour des longueurs d’onde de pompe

certes proches mais différentes dans le krypton et dans l’argon, prouvant par la même

qu’au-cun artefact n’entrait en jeu lors de nos expériences.

500 300 400 600 700 ×10-6 0 1 3 2 4 5 ∆ n 10 70 50 30 90 Ecl a ire me n t (T W /cm²) 500 300 400 Longueur d’onde (nm) -2 -1

F

IGURE

4.9: Indice de réfraction non-linéaire∆nde l’argon calculé en fonction de l’éclairement

crête et de la longueur d’onde centrale de l’impulsion, d’une durée de 7 fs. La courbe blanche

représente l’éclairement crêteI

inv

pour lequel∆nchange de signe.

En continuant à progresser vers les grandes longueurs d’onde, deux autres pics de résonance

sont clairement identifiables, respectivement à 357 nm et 410 nm. Ils correspondent

respective-ment au pompage à quatre photons de l’état 4p−l’état fondamental étant le 3p −et au

pom-page à cinq photons conjoint des états 5s et 3d. Du fait qu’elles impliquent plus de photons,

ces résonances amènent la variation de l’indice de réfraction∆n à s’inverser pour des valeurs

d’éclairement pic plus élevées que pour celles précédemment identifiées (de 20 à 30 TW.cm

2

contre environ 60 TW.cm

2

). Les mêmes considérations concernant le spectre large de nos

im-pulsions de 7 fs, faites précédemment dans le krypton, sont évidemment valables dans l’argon :

les valeurs des longueurs d’onde de pompe associées à chaque pic de résonance permettent

de se faire une idée assez précise, mais sont en fait quelque peu décalées − vers les courtes

longueurs d’onde−par rapport aux résonances exactes. L’identification des états pompés est,

quant à elle, correcte. Notons également que la variation de l’indice de réfraction sature dans

l’argon à des valeurs jusqu’à trois fois inférieures à celles obtenues dans le krypton.

1.4 Conclusion

Pour conclure, l’existence d’un régime de filamentation gouverné par l’effet Kerr a été

dé-montrée expérimentalement, dans le krypton à λ

0

=300 nm. Dans ce régime, la longueur du

filament est grandement allongée, les pertes optiques non-linéaires sont fortement réduites et

l’ionisation diminue d’un ordre de grandeur. Les résultats expérimentaux sont appuyés par des

calculs quantiquesab initio, en excellent accord avec les expériences.

Les résultats théoriques soulignent le rôle de transitions résonantes à trois photons

concer-nant ce processus de filamentation gouverné par l’effet Kerr dans l’ultraviolet. En particulier,

après l’interaction, les deux états excités impliqués dans les résonances (6s et 4d) sont alors

significativement peuplés. Notamment, ils le sont bien davantage que l’état excité 5p, localisé

plus bas en énergie que les deux précédents et qui ne peut pas être peuplé par un processus à

trois photons du fait de sa parité.

La résolution de l’E.S.D.T. prédit en fait une inversion de population lorsque la longueur

d’onde du laser est fixée à 300 nm, résultant alors potentiellement en un effet laser dans le

kryp-ton, à des longueurs d’onde correspondant aux transitions 6s−5p et 4d−5p. L’étude de cet

effet laser dans le krypton fait l’objet de la prochaine partie de ce Chapitre. Ce processus de

fila-mentation renforcée par résonance dans l’ultraviolet est également supposé prendre place dans

d’autres systèmes atomiques. Notamment, nos simulations numériques prédisent que cela doit

être le cas dans l’argon, gaz dans lequel ce schéma de pompage à trois photons a été récemment

utilisé pour observer un effet laser vers l’avant et vers l’arrière [17].

Enfin, il pourrait être intéressant d’étudier la possibilité d’étendre ce travail à des gaz

molé-culaires, en particulier ceux ayant un intérêt atmosphérique. En effet, même si les effets

réso-nants sont à priori moins efficaces dans les molécules, la généralisation de ce travail aux

mo-lécules d’oxygène ou d’azote pourrait permettre l’optimisation du processus de filamentation

dans l’atmosphère ainsi que des applications sous-jacentes, par un choix approprié de la

lon-gueur d’onde du laser.

2 Effet laser dans le krypton

Au cours de la partie précédente, il a été montré grâce à des simulations numériques que des

états excités du krypton (en l’occurrence, les états 6s et 4d) pouvaient être peuplés, au moyen

d’un pompage à trois photons à une longueur d’onde comprise autour de 300 nm. L’inversion

de population avec les états 5pqui en résulte nous amène donc à penser qu’un effet laser

pour-rait alors prendre place. Dans le but de confirmer ces prédictions théoriques, le spectre de la

lumière se propageant selon l’axe du laser a été relevé après la cellule. Le faisceau pompe était

alors rejeté en utilisant un miroir dichroïque, tandis que la lumière transmise était recueillie

grâce à une fibre optique, elle-même connectée à un analyseur de spectre optique (OSA), un

Yo-kogawa AQ6370. Ce dernier nous permettait d’analyser, de manière très résolue, toutes les raies

situées en-dessous de 1.7µm. Pour celle située au-dessus de cette longueur d’onde, un

spectro-mètre plus classique, de type NIRQUEST (OceanOptics) était alors employé. La plupart des raies

observées par Miller lorsqu’il étudia le processus d’émission stimulée dans le krypton [18], en

utilisant pour sa part un schéma d’excitation à deux photons, ont ainsi été retrouvées.

Nous commencerons par présenter le schéma des transitions observées lors de cette étude

de l’effet laser. De nombreuses analyses ont été menées vis-à-vis des différents paramètres

d’in-fluence sur le phénomène, mais nous faisons le choix de consigner les résultats de la plupart en

AnnexeL. En effet, notre compréhension globale du processus demeure limitée, et notre

vo-lonté est ici d’éviter un « effet catalogue ». C’est pourquoi nous ne présenterons au cours de cette

partie que les résultats de la dépendance des raies d’émission vis-à-vis de la longueur d’onde de

pompe, lorsque celle-ci est polarisée horizontalement puis circulairement. EnAnnexeL, le

lec-teur pourra ainsi trouver les résultats d’études menées sur les raies d’émission en fonction de la

pression du gaz, sur la lumière rétro-propagée, sur la polarisation des raies d’émission ainsi que

d’une expérience pompe-sonde. Les résultats présentés ici n’ont pas encore fait l’objet d’une

publication.