En dehors du cas de l’hydrogène, certes très utile pour vérifier la validité de la méthode des
B-splines mais de peu d’intérêt dans le contexte de la filamentation, nous nous intéresserons à
des gaz monoatomiques tels l’argon et le krypton. Dans le cadre des simulations numériques,
ceux-ci seront alors modélisés grâce à des pseudo-potentiels, chargés de rendre compte des
ef-fets de cœur dûs aux électrons remplissant les couches internes.
Dans le cas des systèmes multi-électroniques, tels que ces deux gaz, nous nous placerons
dans l’approximation dite S.A.E., pourSingle-ActiveElectron [47]. Celle-ci considère qu’un seul
électron est susceptible d’être excité ou ionisé, les autres étant "gelés". En effet, prendre en
compte tous les électrons de ces systèmes, ainsi que toutes les corrélations possibles entre eux,
requerrait d’avoir recours à des simulations extrêmement lourdes. Les formules de ces
pseudo-potentiels (V
Arpour l’argon,V
Krpour le krypton) peuvent être trouvées enAnnexeG.
4.3.1 Etats de cœur
En e rg ie (e V) l=0 l=1 l=2 -14000 -12000 -10000 -8000 -4000 -6000 -2000 -100 -15 -10 -5 0 5 10 15F
IGURE1.26: Energie des états du
kryp-ton, évalués grâce àV
Kr.
Les pseudo-potentielsV
Ar(r) etV
Kr(r) renvoient
des valeurs d’énergies et de fonctions propres tout à
fait acceptables, permettant de bien modéliser le gaz
monoatomique correspondant. Ils présentent
cepen-dant une anomalie : des états de cœur, c’est-à-dire
des états dont l’énergie est inférieure à celle (nulle)
de l’état fondamental, subsistent.
Dans le cas du krypton, et pour une boîte
numé-rique constituée de 300 splines d’ordre 7 discrétisant
un intervalle de 40 u.a., ceux-ci sont représentés par
les losanges rouges sur la fig.1.26. Le carré noir (resp.
les ronds bleus) représente l’état fondamental (resp.
les quelques états excités décrits par la boîte
numé-rique). La boîte numérique est volontairement
choi-sie petite, pour faire apparaître le plus d’états de cœur
possibles : en effet, ceux-ci possédant une énergie
en-core plus négative que le fondamental, ils sont donc
encore plus localisés près du noyau que les autres
états.
Pour distinguer l’état fondamental des états de
cœur présents pourl=1 (i.e. pour les étatsp), il suffit
de connaître les écarts d’énergie approximatifs entre
le fondamental et quelques états liés : on peut alors
facilement trouver l’état fondamental en identifiant
lequel des états p permet de faire le mieux coller la structure atomique renvoyée par les
B-splines à la réalité.
4.3.2 Suppression des états de cœur, première étape
Censés être remplis, ces états de cœur sont donc pourtant susceptibles de participer
acti-vement à l’évolution dynamique du système durant la simulation, et ainsi rendre la pertinence
de cette-dernière plus que discutable. Pour surmonter cette difficulté, Muller [48] a établi un
protocole, illustré sur la figure1.27dans le cas deV
Kr, permettant d’éliminer (la plupart de) ces
états de cœur : observant que les fonctions d’onde associées aux états de cœur, qu’il souhaitait
éliminer, partageaient un nœud commun avec quelques fonctions d’onde d’états liés localisés
principalement proche du noyau, il décida de fixer la borne inférieure de l’intervalle des
posi-tionsr
0en ce nœud. Les fonctions d’ondes renvoyées par la méthode des splines s’annulant aux
extrémités de l’intervalle défini, les états de cœur n’étaient alors plus décrits (comme on peut
le voir grâce au rectangle grisé dans l’encart de la figure1.27), tandis qu’un impact négligeable
avait lieu sur les états liés les plus proches du noyau. L’extension spatiale des fonctions d’onde
des états liés de plus haute énergie faisait qu’elles demeuraient, pour leur part, inchangées.
0 5 10 15 20 25 -2 -1 0 1 2 3 4 5 Ψc1 Ψc2 Ψc3 Ψc4 Ψ5s 0 0.6 1. .8
F
o
n
ct
io
n
s
d
’o
n
d
e
r (u.a.)
0
1
2
3
4
5
-1
-2
0 5 10 15 20 25
0 0.6 1.2 1.8
U
c4U
5sU
c3U
c2U
c1F
IGURE1.27: Procédure pour l’élimination des états de cœur (notés cn, n = 1 à 4) renvoyés
parmi les états s grâce àV
Kr: un nœud commun à plusieurs fonctions d’onde est repéré en
r=0.615 u.a. (rond noir). Fixerr
0à cette valeur élimine toutes les fonctions d’onde
majoritaire-ment localisées entre 0 etr
0(partie foncée de l’encart). La fonction d’onde de l’état 5sn’est pas
perturbée par ce choix der
0, et est donc seule à subsister avec celle de l’étatc4.
Il appliqua cette procédure au cas deV
Ar, décrivant la structure atomique de l’Argon. Au
moment de travailler dans le Krypton, nous avons nous-mêmes utilisé cette technique au sujet
deV
Kr(cf figure1.27). Les pseudo-potentielsV
Ar(r) etV
Kr(r) ont ainsi pu être utilisés dans toutes
les simulations numériques d’E.S.D.T. des Chapitres 2 et 3, grâce aux valeurs der
0suivantes :
V
Ar=⇒ r
0=0.5 u.a. (1.117)
4.3.3 Suppression des états de cœur, deuxième étape
Cependant, même après avoir effectué ce traitement il demeure malgré tout encore un état
de cœur, renvoyé parmi les étatsl=0, en l’occurrence l’état notéc4 sur la figure1.27), dont on
peut voir que la fonction d’onde n’est pas très perturbée par le fait de fixerr
0=0.615 u.a.. Situé
à 12.3 eV (resp. 15.2 eV) en-dessous du fondamental dans le cas du Krypton (resp. de l’Argon), il
a été vérifié qu’il n’agissait aucunement au cours de nos études concernant l’influence des
har-moniques sur le processus d’ionisation (Chapitres 2 et 3). Néanmoins, au moment de traiter la
filamentation résonante (Chapitre 4), une résonance à trois photons (àλ
c) entre le fondamental
et cet état de cœur avait lieu sur la plage de longueurs d’onde investiguées, à la fois dans le cas
de l’Argon (λ
c=244.7 nm) et du Krypton (λ
c=302.4 nm). Cette résonance avait une influence
aussi importante qu’irréaliste sur les résultats alors obtenus. Il nous a donc fallu empêcher toute
transition vers cet état de cœur. La solution qui a été envisagée consiste simplement à
suppri-mer ce dernier état de cœur. Pour ce faire, nous avons ajouté une correction àV
AretV
Kr, portant
uniquement sur les étatss, l’état de cœur se trouvant parmi eux. Les pseudo-potentiels alors
ob-tenus sont nommésV
Ar,metV
Kr,m("m" pour "modifié") et ont été utilisés pour les simulations
d’E.S.D.T. présentées dans le Chapitre 4, avecr
0toujours défini selon (1.117) et (1.118). De plus,
ces pseudo-potentiels dépendent du moment angulaire, et à ce titre la résolution de l’E.S.D.T.
doit être effectuée dans la jauge des longueurs. Les formules associées à cette correction, pour
chacun des deux gaz, peuvent également être trouvées enAnnexeG.
4.3.4 Comparaison E.S.D.T./réalité
Précisons à ce stade que la méthode des splines ne renvoie qu’un seul état par paire de
nombres quantiques (n,l), ce qui ne représente pas la réalité de la situation (même pour le
cas analytique de l’hydrogène). En effet, la définition d’un état quantique est effectuée par la
donnée de son moment cinétique total J résultant du couplageL−S, en plus de ses nombres
quantiquesn etl. Plusieurs valeurs peuvent être prises par J : c’est la structure fine. C’est de
cette multiplicité des états de mêmes nombres quantiquesnetl dont ne rend pas compte notre
méthode de résolution. On peut constater la limitation de cette dernière sur la figure.1.28,
per-mettant de comparer les énergies des états du Krypton renvoyés grâce au pseudo-potentielV
Kr,
en rouge, avec les "vrais" états [49], en noir. On se limite pour cette illustration au premier état
excité pour chaqueltel que 0≤l≤3 (i.e., dans le cas du Krypton, les états 5s, 5p, 4det 4f).
De fait, cette méthode échouera donc à rendre compte quantitativement de l’effet étudié
en expérience. On montrera toutefois par la suite, dans le cas de la filamentation résonante par
exemple, que le résultat qualitatif obtenu sera tout à fait probant.
En e rg ie (e V) 13 12 11 10 5s 5p 4d 4f Etats liés