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H) II.4.1 Cas général

IV. EAUX MINERALES DU FOREZ

IV.2.3 Indices de saturation

Les diagrammes d’activité présentés en annexes (Fig. A5) sont calculés à 25°C et 150°C (température moyenne des calculs avec les géothermomètres ; cf partie IV.3). Suivant les éléments chimiques considérés, les interactions sont dans les champs de stabilité des minéraux suivants : gibbsite, kaolinite, silice amorphe, calcite, et chlorite. Cependant, ces champs ne diffèrent pas de ceux obtenus avec les eaux de surface (III.2.2) et ne permettent pas de préciser la nature des interactions eau-roche expérimentées par les eaux minérales.

Pour préciser ces interactions, on détermine une nouvelle fois les indices de saturation (SI). Les procédures sont identiques à celles employées en III.4. Ces indices sont utilisés pour essayer d’apporter un contrôle supplémentaire dans l’emploi des géothermomètres chimiques à cations (IV.2.4). Ces géothermomètres sont basés sur des rapports d’espèces cationiques dans les équilibres entre phases minérales lors de réactions phase primaire ⇒ phase secondaire. Si, au cours de la remontée du fluide, une phase minérale peut précipiter, la concentration en cations sera sous-estimée, et les températures déduites erronées.

IV.2.3.1 Indices de saturation à la température d’émergence

Dans un premier temps, les SI sont calculés à la température d’émergence de l’eau minérale, afin de déceler d’éventuelles précipitations (voir annexes Tab. A.9). La sous-saturation en une phase minérale est en effet une condition nécessaire pour estimer des températures par géothermométrie.

Chorsin est l’eau dans laquelle la plupart des phases minérales sont sous-saturées, notamment les "sels" et carbonates (Fig. 67). Cette source est la seule à avoir des SI positifs avec les

oxydes de fer : goethite et hématite ont tendance à précipiter, ce qui est confirmé par l’existence de dépôts de goethite (>95%) à l’émergence.

Toutes les sources donnent des SI négatifs avec aragonite et calcite, SD et MGT se rapprochant de la saturation, voire de la sur-saturation (dolomite pour MGT).

La silice amorphe est toujours sous-saturée, à l’inverse du quartz. La source thermale (SD) est sous-saturée en calcédoine, alors que les eaux des faciès Na-HCO3 et Ca-Mg-HCO3 sont sur-saturées. La cristobalite est la plus proche de la saturation, soit en légère sur-saturation (CH, MGT, S/C, SA), soit en légère sous-saturation (MTD, SD, SG).

Fig. 67 : indices de saturation calculés à la température d’émergence des sources minérales.

IV.2.3.2 Indices de saturation et dissolution imposée de phases minérales en système ouvert

Les calculs avec trois minéraux à dissolution imposée (albite, anorthite, phlogopite ; cf. III.4.2 et annexes Tab. A.10) montrent que des variations peuvent exister. Il faut donc décrire plus précisément les modifications engendrées par des dissolutions d’espèces minérales et les effets d’une augmentation de température sur les contenus en éléments dissous.

Ainsi, pour déterminer quelles phases minérales supplémentaires employer dans les calculs, on procède de la manière suivante : quelles sont les phases dissoutes lorsque l’on augmente la température d’une eau de surface à TDS proche de 130mg/l (Tarentaise) ? Cette démarche est

appliquée par intervalles de 50°C entre 50 et 250°C, mais sans changement : les phases et les SI sont identiques à ceux calculés à la température d’émergence.

On a donc choisi des phases minérales présentes ou supposées présentes dans les environnements géologiques où les eaux circulent. Dix minéraux sont choisis : albite, anorthite, feldspath-K, quartz, muscovite, annite, phlogopite, pyrite, fluorite et fluoro-apatite. Les résultats de la dissolution imposée de ces phases (SI = –1 et n = 10 moles) sont semblables pour toutes les sources quand la température est supérieure à 100°C. En conséquence, soit toutes les eaux ont une origine identique, soit l’on contraint trop le système en forçant la dissolution d’un nombre trop élevé de minéraux.

Cette deuxième optique étant plus réaliste, notamment en raison de différences de géologie entre les flanc Est et Ouest du bassin du Forez, on ne retient plus que les phases suivantes : albite, anorthite, feldspath-K, quartz, annite, phlogopite, pyrite.

Les résultats des calculs sont présentés en annexe (Tab. A.11), dans la figure suivante (Fig. 68), ainsi que dans le tableau 20. Dans ces calculs, le système eau – roche est ouvert, car on ne contraint ni le volume d’eau réactante ni les proportions de minéraux à dissoudre. Cela représente une approximation d’un système réel (où les minéraux sont présents en certaines proportions) mais permet de prendre en compte le déplacement souterrain de l’eau (pas de limitation des quantités de matériel).

Fig. 68 : indices de saturation calculés à différentes températures pour les sources minérales – cas TDS maximal. La dissolution d’albite, anorthite, feldspath-K, quartz, annite, phlogopite, pyrite est imposée. Les flèches

Tab. 20 : changements d’indices de saturation calculés à différentes températures pour les sources minérales – cas TDS maximal ; + pour un SI positif (sur-saturation), – pour un SI négatif (sous-saturation).

La dissolution des phases minérales varie selon la température, la source considérée et sa concentration. Plusieurs tendances peuvent être observées (Fig. 68 et Tab. 20) :

- espèces carbonées : toutes les sources présentent un passage d’un état de sur-saturation à la température d’émergence à une sous-saturation à température plus forte. Les températures de changement de saturation sont plus faibles de #50°C avec le couple calcite/aragonite qu’avec la dolomite pour les eaux des faciès Ca-Mg-HCO3 et Na-HCO3, alors qu’elles sont voisines pour SD (Na-Cl-HCO3). Au delà de 100°C, toutes

les eaux sont sous-saturées vis à vis des carbonates sédimentaires (présents dans la plaine du Forez) ou métamorphiques et peuvent donc les dissoudre.

- CO2 gaz : les pressions partielles de gaz n’étant pas incluses dans les calculs, il s’agit uniquement d’une indication sur la présence ou non de gaz à une température donnée. Les eaux à minéralisation supérieure à 1g/l sont sous-saturées à des températures inférieures à 100°C, et peuvent donc exprimer du CO2 libre. Deux sources font exception : CH (sensible à des mélanges) et SD (non gazeuse), sous-saturées.

- gypse : les SI sont plus négatifs quand la température augmente, aucune différence n’étant notée entre les faciès des eaux.

- oxydes : la transition sur- à sous-saturé existe vers 50 à 100°C pour la goethite (FeOOH). Les oxydes de fer plus hydratés (Fe(OH)2) sont toujours sous-saturés, alors que la gibbsite (Al(OH)3) est sur-saturée dans les mêmes conditions. Cette dernière admet un maximum de solubilité à des températures variables selon les sources (température de la source pour MTD, S/C et SD ; 50°C pour les autres), sans relation avec les TDS. Ceci explique les faibles quantités d’aluminium mesurées dans les eaux : la gibbsite précipite avant l’émergence, le fer reste en solution, sa précipitation à l’émergence étant liée au dégazage des eaux riches en CO2.

- polymorphes de la silice (calcédoine, cristobalite α) : l’état de sous-saturation varie faiblement avec l’augmentation de la température. La silice amorphe connaît une légère tendance à une diminution de la sous-saturation quand la température augmente.

- chlorites (chamosite et clinochlore) : les sources Ca-Mg (CH, SA, SG) sont toujours sur-saturées vis à vis de ces espèces. Les sources Na-HCO3 ont des comportements différents : le pôle le plus chargé (MGT) est toujours sur-saturé, alors que les eaux moins chargées (MTD, S/C) passent d’un état sur-saturé à un état sous-saturé vers 150°C avec le clinochlore (espèce riche en Mg, à enthalpie de réaction plus basse). Enfin, SD présente avec les chlorites un changement d’état de saturation vers 150 à 200°C.

- les argiles (principales phases d’altération des feldspaths) ont un comportement similaire à celui des chlorites. Les changements d’état de saturation les plus forts se font avec la montmorillonite, illite et kaolinite étant le plus souvent sur-saturées.

- le seul passage d’un état de sous-saturation à un état de sur-saturation avec l’augmentation de température est réalisé avec la cordiérite pour le faciès Ca-Mg, et pour certaines eaux Na-HCO3 (MGT, S/C) pour des échantillons à forts TDS. Cette phase étant peu présente dans la zone d’étude (hormis certains granites du Velay), ces changements n’ont pas grande signification.

L’augmentation de la température se traduit donc souvent par un passage d’une sur-saturation à une sous-saturation, la transition entre ces états se produisant entre 100 à 200°C. Cela apporte deux contraintes sur l’utilisation des géothermomètres à cations. D’une part, une contrainte de température, car ceux-ci ne sont utilisables qu’en présence d’un état de dissolution (SI négatif). D’autre part, les espèces minérales qui connaissent des changements d’état de saturation renferment la majorité des cations utilisés en géothermométrie : Na, K, Mg, Ca ainsi que la silice. Les autres espèces impliquées (Fe, Al) n’étant pas toujours décelées à l’émergence, il faut sans doute voir le jeu d’une mise en solution en profondeur et d’une précipitation durant la remontée vers l’émergence (Chorsin notamment).

IV.2.3.3 Indices de saturation et dissolution imposée de phases minérales en système clos

La démarche précédente implique la considération d’un système ouvert dans lequel une eau percole et interagit avec 7 minéraux en proportions identiques, sans restriction de quantité à dissoudre. Dans le calcul maintenant envisagé, on passe en système fermé. La dissolution des phases est limitée à leurs proportions relatives dans la roche encaissante. La circulation souterraine des eaux comprenant une interaction avec le socle, on utilise les compositions modales de granites locaux (granite d’anatexie du Forez ; Barbarin, 1983). Cette roche associe 23,5% de quartz, 27,5% de feldspath potassique, 33% de plagioclase, 10,5% de biotite, 5% de cordiérite et enfin 0,5% de muscovite. La dissolution de ces 6 phases est imposée (SI = –1), les nombres de moles respectant les proportions des différents minéraux. Ces calculs sont conduits pour 3 sources correspondant aux 3 faciès précédemment définis (CH, MGT et SD), pour les TDS minimaux et maximaux mesurés. Les différences entre ces deux approches sont indiquées dans la figure 69 pour CH, MGT et SD à leur TDS maximal.

Fig. 69 : indices de saturation calculés à différentes températures (Tsource, 50°C et 250°C) pour Chorsin, Moingt et Salt-en-Donzy – cas TDS maximal. La dissolution de 23,5% de quartz, 27,5% de feldspath potassique, 33% de

plagioclase, 10,5% de biotite, 5% de cordiérite et 0,5% de muscovite est imposée (SI = –1) pour les histogrammes à barres blanches (interaction avec granite du Forez) ; pour ceux à barres grises (dissolution de 7

En système clos, aragonite et calcite peuvent précipiter, alors que la dolomite est dissoute. Les polymorphes de la silice ne connaissent pas de variations de SI, tout comme Fe(OH)2 et gypse. Les chlorites et les argiles sont maintenant dissoutes, et non plus précipitées.

Le logiciel utilisé (PhreeQC) suppose un temps de contact suffisant entre eau et roche pour qu’un équilibre thermodynamique soit atteint. Dans les calculs précédents, la première approche est caractéristique d’un système ouvert : lors d’une circulation de fluide, une quantité non finie d’éléments peu donc être mobilisée. La seconde approche est celle d’un système fermé, où l’altération se trouve limitée à un volume fini de roche. Aussi l’approche en système ouvert, moins contrainte, est mieux adaptée. En effet, les eaux minérales étudiées ont des temps de parcours longs (IV.5.2), où une composante de déplacement de fluide intervient. Par contre, les phénomènes type adsorption, échange d’espèces chimiques ne sont pas pris en compte. On peut donc seulement évoquer une gamme de températures entre 100 et 200°C qui apparaît souvent comme synonyme de passage d’un état sur- à sous-saturé.

IV.2.3.4 Indices de saturation et comportement vis à vis du CO2

L’introduction de CO2 dans les eaux aux pressions calculées en surface a été testée. Ce calcul représente la quantité minimale de CO2 pouvant être introduite en profondeur dans l’eau, puisque les mesures de pCO2 sont réalisées après le passage du point de bulle. Les seuls changements notables concernent la goethite et la dolomite, en sur-saturation plus franche. La dolomite est la seule représentante du système carbonaté à admettre des variations différentes (Fig. 70). Ainsi, pour CH et MGT, la prise en compte de la pression partielle de CO2 a pour effet d’augmenter sensiblement l’état de saturation, alors que pour SD (pCO2 très faible).

Fig. 70 : comparaison des évolutions des indices de saturation vis à vis de la dolomite pour 3 sources CH (faciès Ca-Mg-HCO3), MGT (Na-HCO3) et SD (Na-Cl-HCO3), à température croissante (Tsource puis de 50 à 250°C par