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H) II.4.1 Cas général

III. SOURCES SUPERFICIELLES ET RIVIERES DU MASSIF CRISTALLIN DU PILAT, DES MONTS ET DE LA PLAINE DU FOREZ

III.5 INDEX DE SATURATION

III.5.1 Méthode

Afin de mieux cerner les évolutions des eaux et les modifications chimiques qu’elles subissent dans les aquifères de surface, on recourt au calcul d’indices de saturation des minéraux (SI). L’utilisation de ces indices (précipitation/dissolution) est utile pour déterminer l’environnement géologique dans lequel percolent des eaux. Les SI sont définis par (Chapelle, 1993) :

SI = log (PAI / Ksp)

avec PAI le Produit d’Activité Ionique et Ksp le Produit de Solubilité de l’espèce minérale considérée. Une valeur positive de SI indique une sur-saturation de l’espèce minérale vis à vis du fluide considéré, donc une précipitation possible. A l’inverse, une valeur négative implique une sous-saturation de la solution en cette espèce minérale et sa possible dissolution.

Dans cette partie, seules des eaux faiblement minéralisées sont traitées. On peut donc considérer qu’elles n’ont été en contact et n’ont interagi qu’avec les roches connues à l’affleurement ou leurs produits d’altération.

Les calculs d’indice de saturation sont effectués en utilisant la base thermodynamique la plus complète (Llnl) incluse dans le programme PhreeQC 2.10 (http://wwwbrr.cr.usgs.gov/projects/GWC_coupled/phreeqc/). Ce programme est basé sur l’équilibre chimique de solutions aqueuses interagissant notamment avec des minéraux, et permet de déterminer les phases pouvant précipiter ou être dissoutes pour atteindre l’équilibre avec le fluide, ainsi que la prise en compte des effets d’un changement de température.

Qu’il s’agisse des sources et ruisseaux du Furan ou de la plaine du Forez, la stratégie de calcul utilisée est identique. Dans un premier temps, chaque composition est employée, en ne tenant compte que des éléments majeurs et du fluor. Ensuite, puisque les percolations se font majoritairement en domaine de socle, la dissolution de trois phases (albite, anorthite et phlogopite) est imposée. Ces phases peuvent expliquer une part non négligeable de la minéralisation des eaux de surface, par libération de Na, Ca, Mg, K, F et Si. Enfin, les derniers calculs prennent en compte le signal chimique de l’impluvium, pour cerner son influence sur les sources les moins minéralisées. Les résultats des estimations d’indice de saturation sont reportés en annexe, l’approche graphique étant privilégiée dans le texte.

Afin d’être cohérent avec les lithologies observées à proximité des sources et rivières échantillonnées, les phases minérales non vraisemblables en contexte granitique faillé et en contexte sédimentaire détritique sont exclues. Ainsi, les phases feldspathiques (albite, anorthite, feldspath K), carbonatées (aragonite, calcite, dolomite), les polymorphes de la silice (calcédoine, cristobalite basse température (α), quartz, silice amorphe), les phases micacées (muscovite, phlogopite), les oxydes (gibbsite, goethite), les sels (halite), les sulfures/sulfates (gypse, pyrite) et les argiles (illite, kaolinite, montmorillonite) sont privilégiées.

III.5.2 Résultats

Les indices de saturation (SI) calculés sans restriction sur la nature des roches encaissantes sont présentés sous forme de moyennes dans la figure 39 (moyenne calculée sur toutes les analyses complètes disponibles –les échantillons à mauvaise balance ionique n’induisent pas de changements significatifs dans le calcul des SI). Ces SI sont calculés en utilisant la composition de l’eau en sortie de l’aquifère ou celle du ruisseau au point de prélèvement, en tenant compte du pH, de la température et du pe lors du prélèvement. En première approche, les spectres obtenus dans les secteurs Furan et Forez sont similaires. La précipitation des sels et carbonates est peu vraisemblable dans ces eaux et non observée dans l’environnement granito-gneissique de la zone d’étude.

St-Rambert et la rivière Vollon, circulant respectivement dans les terrasses de la Loire et dans des marnes et marno-calcaires, ont des SI proches de zéro pour les sels et carbonates. Ces eaux sont plus proches de la saturation que les eaux de granites situées en altitude (Furan et Forez ont des SI plus négatifs).

Les polymorphes de la silice sont soit proches de la saturation, soit légèrement sur-saturés (calcédoine, quartz) ou sous-saturés (silice amorphe, cristobalite). Si quartz et silice amorphe ont un comportement homogène quelque soit l’eau examinée, la calcédoine est le polymorphe dont le SI varie le plus. Les points peu riches en silice (Barbanche, Tarentaise) sont aussi légèrement sous-saturés en calcédoine. Les lavoirs les plus minéralisés du Furan sont donc déficitaires en silice par rapport aux eaux moins chargées.

Fig. 39 : indices de saturation calculés pour les sources superficielles et les ruisseaux drainant le bassin versant du Furan et la plaine du Forez.

La deuxième étape abordée lors du calcul des indices de saturation permet de mieux définir la minéralogie des zones percolées. Puisque la grande majorité des points de prélèvement est caractérisée par des interactions avec les altérites de socle, il semble raisonnable d’imposer, lors du calcul des SI, la dissolution de trois phases ubiquistes dans un granite. Ces trois phases dissoutes sont l’albite et l’anorthite pour le pôle feldspath, la phlogopite pour le pôle mica. Le quartz n’est pas pris en compte, sa dissolution étant peu vraisemblable compte tenu de la saturation des eaux vis à vis de la silice (Fig. 39). Un SI égal à –1 (pas de précipitation possible) est donc imposé pour les trois minéraux précédents, dans une proportion maximale de 10 moles à la température d’émergence. Les modifications engendrées par cette hypothèse sont présentées dans la figure 40.

Ce calcul n’a pas d’influence sur les SI des phases évaporitiques, ce qui conforte l’idée d’une présence hypothétique. Par contre, la présence de sulfures (minéralisations secondaires en pyrite notamment), d’argiles pouvant contrôler des substitutions (Cl) et de feldspaths libérant du sodium est plus réaliste. La présence des phases argileuses issues de la dissolution de feldspaths est bien mise en évidence (Fig. 40). Néanmoins, cette simulation ne peut refléter fidèlement les processus de précipitation / dissolution au sein des aquifères. En effet, il faudrait alors déterminer la Capacité d’Echange Cationique et Anionique pour Na et Cl respectivement, et procéder à des lixiviations de sols ou d’arènes, ce qui n’a pas été entrepris. Les résultats marquants de ces nouveaux calculs sont les suivants :

- les phases carbonatées sont moins sous-saturées que dans le cas présenté Fig. 39. Les augmentations de SI s’étagent de +4 (passage de SI = –6 à SI = –2 pour la calcite à Tarentaise) pour les phases calciques à +9 (–12 à –3 pour la dolomite à Vassalieu) pour les phases à calcium et magnésium ; voire, pour St-Rambert et Vollon, un passage dans le domaine des SI positifs. Cet état de sur-saturation vis à vis du calcium dans ces eaux traduit la présence de carbonates dans l’aquifère.

- les polymorphes de la silice sont dorénavant sous-saturés, ce qui est peut-être à relier avec la relative faible charge en silice dissoute observée dans les prélèvements. La précipitation de phases amorphes ou microcristallines à basse température régulerait donc la quantité de silice dissoute (Busenberg, 1978).

- la précipitation d’oxydes (gibbsite, goethite) résultant de l’altération de la matrice rocheuse est indiquée par les calculs. Fer et aluminium sont présents en faible quantité, et la précipitation d’oxydes et les variations de pCO2 diminuent leur teneur dans les eaux.

- enfin apparaissent plusieurs phases argileuses (Fig. 40). Illite, kaolinite et montmorillonite sont en état de sur-saturation, ce qui entraîne vraisemblablement une néoformation d’argiles au sein du réservoir rocheux. Les phases qui peuvent précipiter sont donc identiques à celles présentes dans les produits d’altération des roches et sols.

Cependant, ces calculs donnent des valeurs de pH plus élevées que celles mesurées en sortie (pH calculés atteignant 8 à 9), surtout pour les prélèvements du Furan. Si le pH est dépendant des espèces en solution, il est aussi dépendant de la température du milieu lors des interactions fluide – roche. Aussi, à titre d’exemple et uniquement pour les pôles les plus minéralisés (Barbanche, Tarentaise et St-Rambert), des variations de la température ont été introduites dans le modèle, afin d’observer les variations de pH induites par une augmentation de température. Les températures utilisées sont entre 20 et 50°C, valeurs suggérées par l’utilisation des géothermomètres à cations sur les trois eaux considérées (Quartz Fournier, 1977 et K/Mg Giggenbach 1983 ; voir chapitre IV).

Fig. 40 : indices de saturation calculés pour les sources superficielles et les ruisseaux drainant le bassin versant du Furan et la plaine du Forez. Dissolution imposée d’albite, anorthite et phlogopite (SI=–1).

Fig. 41 : indices de saturation calculés pour trois sources à TDS > 100mg/l. Dissolution imposée d’albite, anorthite et phlogopite (SI=–1), gamme de variation de température de 20 à 50°C. Les pH indiqués en légende

Les variations d’indice de saturation en fonction d’une augmentation de température sont reportées dans la figure 41. Pour les trois sources considérées, les SI sont maximaux vers 20 à 30°C, et indiquent soit une sous-saturation renforcée soit une sur-saturation suivant les espèces considérées (St-Rambert). Cette méthode n’est pas appropriée pour les eaux à faible minéralisation et teneur élevée en tritium (Barbanche et Tarentaise) (III.6.6), l’obtention d’un pH proche de celui mesuré à l’émergence nécessitant des températures trop élevées. Par contre, le pôle de surface le plus riche en éléments dissous (St-Rambert) donne, pour des températures raisonnables (30°C), un pH conforme à celui mesuré (Fig. 41).

Enfin, on peut aussi retrancher les compositions chimiques des pluies de la Limagne d’Allier à celles de nos sources (TDS = 23mg/l ; Négrel et Roy, 1998). Les calculs sont présentés figure 42. Certaines sources, auparavant sur- ou sous-saturées vis à vis d’espèces minérales (aragonite, calcite, dolomite), ne sont plus "réactives". Le contenu en élément de ces pluies devient supérieur ou égal au contenu de la source : certains éléments peuvent disparaître (Ca, K et HCO3), sauf pour St-Rambert (minéralisation météorique de 0,6 à 7,6% du TDS). Cette approche de calcul des SI n’induit, hormis ce qui précède, pas de changement majeur dans les interprétations préalablement proposées.

Fig. 42 : indices de saturation calculés pour les sources superficielles du Furan et du Forez. Dissolution d’albite, anorthite et phlogopite imposée (SI=–1). Les compositions chimiques des sources employées sont minorées de la

Les différents calculs d’indice de saturation permettent d’exclure pour la quasi totalité des points de prélèvement une interaction avec des sels et des carbonates. Ceci est en accord avec les lithologies observées en surface (cf chapitre I). La dissolution imposée des trois phases minérales (feldspaths et micas), que l’on prenne ou non en compte les éléments chimiques apportés par les précipitations, induit la présence d’oxydes, de sulfures et de phases argileuses néoformés. Ces dernières constituent en effet une part non négligeable des arènes observées en surface.

Les systèmes étudiés montrant encore une fois des caractères superficiels, il est intéressant d’observer les éventuelles relations eau météorique – eau de surface d’un point de vue isotopique (III.6).

III.6 COMPOSITION ISOTOPIQUE