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la garantie immobilière

B. Une procédure lourde et conflictuelle en pratique

3. Les incidents de la saisie immobilière

380. De tous les aspects de la saisie immobilière, les incidents de la saisie immobilière constituent un domaine instable, toujours insaisissable, aux multiples facettes. Peut-être parce que cette notion d'incident de la saisie immobilière continue d'alimenter un contentieux important, peut-être aussi parce son évolution est faite de remise en cause388, de réorganisation, et de revirements jurisprudentiels. L‟Acte uniforme n‟a apporté aucune solution à cette interrogation. Mieux, il replace les États parties au traité dans la logique des revirements jurisprudentiels connus dans la jurisprudence française.

En s‟abstenant de donner une définition389 de la notion d‟incidents de saisie immobilière, l‟AUPSRVE laisse le soin au juge de l‟organisation pour définir cette notion, pour donner sa compréhension du phénomène. L‟Acte uniforme étant récent dans son application, la jurisprudence, n‟a pas donné des indications sur la question.

387 Ceux du créancier saisissant et du débiteur-saisi.

388 Cons Civ 2° 21 mai 1954 D. 54, 550 -S, 1954 -1 201 note R. BERINGER.

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C‟est pourquoi, nous nous référons à la jurisprudence française de la Cour de Cassation pour définir la notion d‟incident de saisie immobilière, en indiquant les étapes essentielles.

Avant 1954, l‟arrêt du 21 mai 1954, la jurisprudence de la Cour de Cassation considérait par « incident de la saisie immobilière toute demande née au cours de la procédure de saisie et de nature à exercer une influence sur celle-ci ». Cette jurisprudence, appuyée par une certaine doctrine a été largement critiquée du fait que «toutes les contestations relatives aux formes de la procédure ou tirées du fond du droit qui tendent à arrêter ou à suspendre de quelque façon que ce soit le cours de la saisie» étaient considérées comme incident, et les jugement relatifs à la validité du titre invoqué pour saisir étaient considérés comme statuant sur incidents. Ils étaie Ils étaient donc insusceptible de voies de recours en application de l‟article 731 CPC. En raison de ces inconvénients, la jurisprudence va opérer un revirement . La Cour de Cassation va opérer une distinction entre les incidents de saisie immobilière et les contestations sur le fond du droit.

Pour la Cour de Cassation, «seules constituent des incidents de saisie immobilière au sens des articles 718 et 721 CPC, les contestations qui sont nées de la procédure de saisie et s‟y réfèrent directement; que dès lors n‟ont pas ce caractère les contestations portant sur le fond même du droit ».

Ainsi donc toutes les contestations relatives au fond du droit vont relever d‟une autre nature. Pour la Cour de Cassation, n‟ont pas le caractère d‟incidents de saisie, les contestations relatives à des demandes extérieures ou antérieures à la procédure de saisie. Ce serait le cas des contestations qui portent sur le fond du droit, c‟est à dire sur l‟existence même de la créance du saisissant.

144 Les difficultés d‟interprétation ou de définition de la notion d‟incident vont-elles amener la jurisprudence, ou la CCJA à choisir entre les deux conceptions larges et restrictives de la notion d'incident, ou à définir une troisième voie ?

381. Une définition précise de la notion d‟incident présente un intérêt certain. Lorsque la contestation est qualifiée d‟incident de la saisie immobilière, il y a des règles particulières qui s‟appliquent et qui sont différentes dès l‟instant où la contestation n‟a pas cette qualité d‟incident.

Les incidents de la saisie immobilière sont très nombreux et sont source de nombreux contentieux. On les regroupe en quatre catégories :

Les incidents provenant de la saisie elle-même ; les demandes en distraction ; les incidents provenant de la pluralité des créanciers ; et les incidents nés de l‟adjudication par la procédure de la folle enchère.

382. En dépit de la prévoyance du législateur de l‟OHADA sur les incidences éventuelles à savoir des cas de pluralité de saisies390 des demandes en distraction provenant des tiers 391; des demandes en annulation de la procédure antérieure à l‟audience éventuelle392; d‟ouverture de la folle enchère contre l‟adjudicataire qui a manqué aux obligations citées par l‟article 314393, la procédure de saisie immobilière tel que prévu par le droit communautaire n‟est pas toujours facile à mettre en œuvre.

L‟article 13 des Actes uniformes sur la procédure de recouvrement et des voies d'exécution, en mettant à charge de celui qui a demandé l‟injonction de payer la preuve de sa créance, fragilise la procédure d‟injonction de payer en lui enlevant ses caractères de simplicité et de rapidité. Cela est d‟autant plus vrai que l‟opposition ne pourra être examinée qu‟après l‟échec d‟une tentative de conciliation rendue obligatoire394

.

Du fait de la lourdeur et de la lenteur procédurale des voies d‟exécution en vue de la réalisation de la garantie, la dépréciation probable des hypothèques constitue parfois un problème.

390 Cf. les articles 302-307 des actes uniformes sur la procédure de recouvrement et voies d'exécution.

391

Cf. les articles 308-310 des actes uniformes sur la procédure de recouvrement et voies d'exécution.

392 Cf. les articles 3 11-313 des actes uniformes sur la procédure de recouvrement et voies d'exécution

393 Cf. les articles 314-323 des actes uniformes sur la procédure de recouvrement et voies d'exécution.

394

A. BA, directeur du centre de formation judiciaire, Dakar, Sénégal, in L‟AUPSRVE : communication présentée lors de la session de formation des magistrats Module 3 du 18 au 30 mai 2001.

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383. Les voies d‟exécution telles que réglementées par l‟OHADA restent une procédure complexe, formaliste et coûteuse qui prétend protéger le débiteur, mais qui en réalité le fait imparfaitement. De plus, le patrimoine immobilier des créanciers institutionnels (banques) conjugué au coût élevé de la constitution d‟hypothèque (frais de notaire, d‟enregistrement) ne facilite pas la prise d‟une telle garantie.

En effet, à l‟étape de la réalisation de l‟hypothèque, il faut payer les honoraires d‟avocat, de notaire, les frais d'huissier et autres taxes. Au cas où on arriverait à avoir un adjudicataire, la difficulté qui survient est celle des créanciers privilégiés (frais de justice, super-privilège des salaires et du fisc) venant accaparer la presque totalité des sommes rapportées par la vente si bien que le créancier poursuivant se retrouve avec des miettes après tant d'efforts consentis. C‟est donc au moment de la réalisation que le créancier se rend compte que la garantie bancaire la plus recherchée n‟a finalement que peu de valeur. L‟estimation qui en est faite au moment de la vente l‟atteste largement.

Aussi semble-t-il que, la question de la réalisation des hypothèques n‟ait pas véritablement retenu l‟attention du législateur communautaire, qui s‟est contenté de la renvoyer tout simplement aux règles relatives à la procédure de saisie immobilière395. Le législateur OHADA mériterait plus de s‟y pencher en l‟incluant dans l‟AUS dans un souci de clarté et de simplicité.

384. Certes, l‟heure n‟est pas encore au bilan. Néanmoins, après plus de dix ans d‟application de cette nouvelle législation communautaire, il n‟est pas inutile de marquer un arrêt afin de dégager un bilan ne serait-ce que partiel.

La réalisation de la garantie immobilière est extrêmement difficile qu‟elle ne parait l‟être au moment où les parties s‟engageaient à sa constitution. Outre, les difficultés découlant du texte applicable à la matière de saisie immobilière, la protection quelque peu exagérée dont bénéficie le débiteur n‟est pas sans conséquence dans la pratique.

Mais les difficultés rencontrées dans la réalisation de l‟hypothèque ne sont pas irrémédiables. Pour les résorber, des solutions sont envisageables.

385. L‟entrée en vigueur de l‟AUPSRVE en 1998 avait nourri beaucoup d‟espoir dans les États membres, surtout chez les praticiens du nouveau droit communautaire que sont les juges, les avocats, les huissiers et les notaires. En effet, tous semblaient unanimes sur la révolution apportée par la législation communautaire du point de vue de la simplicité et de la

146 rapidité des procédures prévues. Ont-ils eu raison de le croire ? Peut-être oui, car l‟intitulé396 de cet Acte uniforme lui-même concourt légitimement à cette croyance.

Pour l‟heure, force est de reconnaitre que, si l‟hypothèque est aujourd‟hui plus facilement admise, elle apparaît souvent au créancier et au banquier comme une garantie qui n‟en est pas une, dans la mesure où la réalisation judiciaire, sur saisie immobilière de l‟immeuble hypothéqué se révèle extrêmement difficile à mener à une bonne fin pour des raisons qui, outre juridiques, sont aussi, le cas échéant, des raisons d‟ordre social.

386. Il est vrai que, comme ont eu à le souligner certains auteurs397, avec l‟adoption de cet Acte uniforme, l‟OHADA a doté les États membres d‟un texte beaucoup plus clair et accessible en matière de saisie immobilière. Mais ce droit de saisie immobilière est-il en harmonie avec le monde des affaires, la culture juridique et sociologique de l‟époque? N‟est-il pas un peu en déphasage avec la culture juridico-judiciaire des peuples auxquels il est destiné à servir ?

387. En tout état de cause, on note que le législateur OHADA n‟a pas consacré une protection suffisante au regard des droits du créancier. Il s‟est plutôt confiné dans l‟ancienne logique qui, très souvent, a la fâcheuse tendance de présenter un créancier comme un mauvais riche houspillant un pauvre diable. Cela a fait que, si l‟hypothèque est aujourd‟hui plus facilement admise, elle apparaît souvent au créancier (les banques surtout) comme « une

garantie qui n‟en est pas une», dans la mesure où la réalisation d‟hypothèque se révèle

extrêmement difficile, non seulement en raison de la complexité de la procédure, mais surtout pour des raisons d‟ordre social. Ainsi, au surplus, cette « protection en béton » dont bénéficie le débiteur saisi n‟est pas sans graves conséquences dans la pratique. En effet, très facilement le créancier peut se trouver à la merci de son débiteur. Et, lorsqu‟il engage la procédure afin de réaliser la garantie, cette procédure présente des contours que le juge et les auxiliaires de la justice ont du mal à cerner pour des raisons souvent inhérentes à la législation elle-même398.

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Cet Acte Uniforme est intitulé : Acte Uniforme portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement des Créances et des Voies d‟Exécution.

397 « Avec cet Acte Uniforme, l‟OHADA a réalisé un grand pas dans l‟œuvre d‟uniformisation des législations des pays membres signataires du Traité relatif à l‟harmonisation du droit des affaires en Afrique », A.-M. ASSI-ESSO et N‟Diaw DIOUF : OHADA, recouvrement des créances, Bruylant, 2002, n° 427, p.191.

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À titre illustratif, une curieuse contradiction peut être facilement décelée à la lecture des articles 284, alinéa 2 et 286, alinéa 1er de l‟AUPSRVE. L‟article 284, al. 2 dispose que : « ...l‟avocat poursuivant ne peut se rendre personnellement adjudicataire ni surenchérisseur à peine de nullité de l'adjudication ou de la surenchère et de dommages-intérêts envers toutes les parties ». Pour sa part, l‟article 286 al. 1er dispose que : « L‟avocat dernier enchérisseur, est tenu dans les trois jours de l‟adjudication, de déclarer l‟adjudicataire et de fournir son

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388. Malgré sa perte d‟efficacité due à son formalisme, son coût et les délais qu‟elle implique aussi bien dans sa constitution que dans sa réalisation, l‟hypothèque reste cotée et des perspectives existent pour l‟améliorer

§.2. Les nouvelles alternatives à la réalisation de la sûreté immobilière instaurées par l’AUS

389. En dehors de la procédure de saisie immobilière déjà prévue par l‟ancien texte, le législateur de l‟OHADA vient de consacrer pour les créanciers hypothécaires à travers les articles 198 à 200 du NAUPOS, deux autres voies de recouvrement de leur créance à savoir la demande d‟attribution judiciaire de l‟immeuble et l‟insertion de pacte commissoire dans les actes constitutifs de garantie.

Désormais, si l‟attribution judiciaire donne au créancier le droit de demander au juge que le bien lui demeure en paiement, le pacte commissoire aboutit à ce même résultat, sans le recours au juge, mais du seul fait de la volonté des parties contenue dans la convention.

390. L‟intérêt d‟une réflexion sur le pacte commissoire réside donc dans sa finalité et dans l‟impact que cette stipulation contractuelle peut avoir sur l‟efficacité et l‟effectivité de la réalisation de la sûreté consentie et plus généralement, sur le recouvrement efficace de la créance.

L‟introduction en droit OHADA du pacte commissoire a constitué à l‟évidence, l‟une des innovations majeures du nouvel Acte uniforme sur les Sûretés, entré en vigueur dans l‟ensemble des États membres de l‟espace OHADA, le 15 mai 2011.

Cette nouvelle construction contractuelle, accessoire du mode de sûreté, a en effet pour finalité, le transfert direct de la propriété du meuble ou de l‟immeuble au créancier, et ce pour le paiement de sa créance ; tout comme une dation en paiement, il permet au débiteur de voir s‟éteindre à la fois, sa dette et la sûreté qui la garantit.

En ce qui concerne plus particulièrement les sûretés immobilières, il y avait lieu de rendre leur régime juridique plus pertinent, notamment par la mise en place d‟une assiette plus

acceptation ou de représenter son pouvoir, lequel demeure annexé à la minute de la déclaration judiciaire ou notariée, sinon il est réputé adjudicataire en son nom ».

148 large des garanties, mais aussi, en facilitant leur mise en œuvre par l‟introduction de dispositions à caractère contractuel, tel le pacte commissoire.

Encore convenait-il aussi de traiter la question délicate du transfert de propriété, avec pour finalité d‟échapper à l‟aléa judiciaire et aux multiples inconvénients des procédures de saisie mobilière ou immobilière devant les juridictions des pays membres de l‟OHADA.

391. Les procédures nouvelles de réalisation de l‟hypothèque en droit OHADA présente donc à priori un caractère efficace (A) mais au fond elles connaissent de nombreuses limitations (B) qui ternissent cette efficacité.