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sûretés mobilières

Section 1 : Une simplification incomplète du régime des sûretés mobilières

A. Une identité technique

119. Un retour dans l‟histoire du droit français nous enseigne qu‟à l‟origine était la fiducie.

Ce rappel au droit romain peut paraître paradoxal, dans le cadre d‟une étude sur les nouvelles formes de garanties pour le crédit et pourtant il est essentiel, car il comporte en germe les mécanismes auxquels se réfèrent la plupart de ces nouvelles techniques qui sont fondamentalement des répliques de la fiducie137.

sûreté réelle soit un droit réel accessoire, et enfin, une raison d‟opportunité : la propriété sûreté gaspille crédit du débiteur.

À ces raisons théoriques s‟ajouteraient des raisons pratiques : la publicité de telles sûretés est rudimentaire ou inexistante ; d'autres part, le créancier demeuré propriétaire risque de disposer du bien, et enfin, le transfert d‟une telle garantie est difficile. Or une sûreté doit pouvoir suivre la créance qu‟elle garantit ». V. Les garanties du financement, 82e congrès des notaires de France, n° 96, p. 541 ; V. C. MOULY, Procédures collectives :

Assainir le régime des sûretés, Études ROBLOT, LGDG, 1984, p. 529-564, et spéc., p. 538, Le Professeur

MOULY, a répondu à toutes les objections soulevées par les auteurs classiques sur la question de savoir si la propriété peut être considérée comme une sûreté ? Pour lui les conditions étaient réunies pour que la propriété puisse être utilisée comme une garantie.

135 V. N. BORGA, op. cit., n° 493 et s.

136 Les propriétés sûretés n‟était pas citées dans l‟AUS notamment en son art. 39 qui énumérait les sûretés réelles mais apparaissait dans l‟AUDCG au chapitre de la réglementation de l‟inscription des sûretés réelles au RCCM.

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120. Dans l‟ancien droit, les contrats étaient soumis à un formalisme excessif. Le débiteur qui voulait donner sa chose en garantie devait procéder par voie détournée. Il devait d‟abord transférer la propriété de la chose qu‟il se proposait d'engager par l‟un des modes d'acquérir reconnus par la loi, la mancipatio ou Vin jure cessio, suivant qu‟il s‟agissait d'une chose mancipi ou nec mancipi. Là chose devenait ainsi la propriété exclusive du créancier; mais celui-ci devait alors s‟engager, par un contrat appelé fiducie, à rémanciper ou rétrocéder la chose, lorsque la dette qu‟elle devait garantir aurait été acquittée. Ce second contrat,

fiducia, était une sorte de nexum, engagement solennel qui liait le créancier et le mettait dans

l‟obligation de transférer de nouveau un jour, l‟objet dont la propriété avait été transmise. Ce procédé, qui porte l‟empreinte du formalisme du droit primitif des Romains, était encore en vigueur du temps des jurisconsultes classiques.

121. La dette une fois payée, le débiteur avait, pour obtenir la restitution de sa chose, l‟action fiducioe directa que GAÏUS nous dit être une action bonae fidei138. Cette action était personnelle. Le débiteur, qui avait transmis à son créancier la propriété, ne pouvait plus faire usage de la rei vindicatio; il était à la merci de son créancier. Dans ce contrat de fiducie, c‟était lui qui se fiait; non seulement il se privait de la possession de sa chose, mais encore il en abandonnait la propriété à son créancier. Si celui-ci, au mépris de son engagement de fiducie, aliénait la chose, ce qu‟il pouvait faire puisqu‟il était propriétaire, le débiteur n‟aurait pas pu revendiquer contre les tiers. Il en eût été réduit à une simple action personnelle contre son créancier, action illusoire au cas d‟insolvabilité de ce dernier. Pour éviter ou amoindrir ce grave inconvénient, le législateur facilitait au débiteur les moyens de recouvrer la propriété de sa chose. S‟il venait à en reprendre la possession, il pouvait l‟usucaper malgré sa mauvaise foi, par le laps de temps d‟une année.

122. Bien que le créancier fût constitué propriétaire, il ne jouissait pas néanmoins de tous les droits inhérents à la propriété.

Malgré les tempéraments qui avaient été apportés à la rigueur du contrat de fiducie, il présentait cet immense inconvénient que le débiteur, en transmettant à son créancier la propriété de sa chose, se livrait à sa merci. Aussi quand les formalités rigoureuses du droit primitif allèrent s‟affaiblissant, la fiducie tomba peu à peu en désuétude et finit par

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V. L. GACHASSIN-LAFITE, Étude sur le pignus en droit romain, sur le gage commercial et les warrants en

51 disparaître. Le pignus se substitua alors à la fiducie. Dans ce contrat, l‟emprunteur conserve la propriété de sa chose; il n‟en transmet plus que la possession.

123. Les auteurs classiques n‟ont jamais nié que la propriété était un moyen, et le premier technique de sûreté, accordant au créancier un droit plus fort que celui résultant du gage général. Ainsi, pour eux, « Le moyen le plus énergique et le plus rudimentaire pour

aboutir à ce résultat consiste à transférer au créancier la propriété lui-même. C‟est le procédé de la fiducie qui paraît avoir été employé le premier […]. C‟était une véritable aliénation à titre de garantie »139.

124. Ces auteurs lui reprochaient essentiellement d‟être une garantie rudimentaire. Or la fiducie s‟est étendue depuis de nombreuses années dans des techniques de garanties sur créances utilisées par les banquiers et dont la plus connue est celle des bordereaux DAILLY, réglementée et créée par la loi du 2 janvier 1981.

Pour faire jouer à la propriété un rôle de garantie, deux voies sont possibles140 :

On peut recourir à des techniques contractuelles classiques, en les détournant de leur but, afin de réaliser par un même contrat l‟opération financière et l‟attribution de la propriété du bien au fournisseur de crédit, c‟est le crédit-bail, la vente à des fins de crédit.

On peut aussi ériger la propriété en une véritable sûreté, distincte et accessoire du rapport principal d'obligation qu'il faut garantir. C‟est la fiducie-sûreté.

125. Loin de faire l‟apologie141

de la fiducie-sûreté, l‟idée que nous soutenons est qu‟elle constitue la genèse de toutes les techniques modernes.

Les sûretés réelles actuelles ne sont donc que des formes évoluées ou affinées de cette technique de garantie qui compte tenu des contraintes qu‟elle faisait peser sur le débiteur a été ôtée du Code civil pour renaitre plus forte aujourd‟hui. Raison pour laquelle pour certains auteurs contemporains142, militer pour une suppression pure et simple du nantissement ne serait que la bienvenue au regard de l‟évolution et de l‟affinement de la technique fiduciaire.

139 G. MARTY, P. RAYNAUD, t. III, vol. 1. Les sûretés, S, 1971, n° 9, p. 7.

140 C. WITZ, « La Fiducie, sûreté en Droit français », in L‟évolution du droit des sûretés, Revue de jurisprudence commerciale, février 1982, p. 67.

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C. WITZ, La Fiducie en droit français, th. , Economica, 1980 et spéc., 171 et s. et 184 et s.

142 V. V. PINTO HANIA, Les biens immatériels saisis par le droit des sûretés mobilières conventionnelles, th., Paris- Est, 2011, n°226 et s. Pour elle, il faudrait que le droit des sûretés français « adopte une approche fonctionnelle du droit des sûretés sur biens immatériels en supprimant le nantissement au bénéfice de la fiducie et du gage ».

52 Cette voie nous parait être la meilleure. L‟usage de la fiducie en lieu et place du nantissement de créance ou de la cession de créance à titre de garantie apporterait au sein des sûretés réelles OHADA une certaine cohérence voire plus d‟efficacité.