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sûretés mobilières

Section 1 : Une simplification incomplète du régime des sûretés mobilières

A. Les circuits dits parallèles d’obtention de crédit

3. Le développement du microcrédit

209. Les microentreprises du secteur informel sont des acteurs importants dans le développement des économies africaines. Or leur développement passe par l‟accès au crédit, et le microcrédit, par sa fonction socio-économique, répond à ce besoin .

210. Le microcrédit a une existence ancienne, il s‟est toujours pratiqué dans les sociétés africaines et repose sur la solidarité familiale et l‟entraide sociale. Il avait donc un caractère informel. Mais les besoins financiers de plus en plus nombreux éprouvés par les opérateurs qui se livrent au petit commerce et par les artisans expliquent que soit devenu courant le recours à des structures plus ou moins élaborées appelées tontines219.

Le mécanisme de la tontine220 ne répondant plus de manière optimale aux besoins financiers croissants des populations marginalisées par le système financier classique, faute de répondre aux conditions exigées dans ce cadre, les gouvernements africains221, dans les années quatre-vingt, ont mis en place des structures formelles de microcrédit pour leur venir en aide : les institutions de micro finance (IMF).

219 I. ADJAGBA -ICHOLA, « Aspects socio-économiques du microcrédit », 3e colloque de l‟Association du notariat Francophone : micro-économie et sécurité juridique, le rôle du notaire au service du développement dans une économie de marché, p. 134.

220 La tontine est un mécanisme financier fondé sur l‟épargne solidaire et les cotisations de ses membres, en vue de consentir à l‟un d‟eux des prêts moyennant un remboursement par rotation.

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sous la pression des partenaires au développement et partant de l‟expérience réussie de la Grameen Bank au Bangladesh (en moins de dix ans, un tiers des clients de cette banque est parvenu à sortir de la pauvreté),

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211. La micro finance se définit par l‟offre de services financiers (épargne, crédit, assurance, etc.) à destination des plus pauvres. Elle s‟adresse à des personnes à faible revenu n‟ayant pas accès aux institutions financières classiques, et sans activités salariales régulières222

.

Le microcrédit, qui est une composante de la micro finance se traduit par des prêts de sommes de faibles montants, et selon des formalités simplifiées, à des personnes démunies, en vue de leur permettre de démarrer une petite activité génératrice de revenus (une micro entreprise)223

. Le crédit peut donc se définir comme l‟ensemble des dispositifs formels permettant d‟offrir de petits crédits à des familles pauvres et à des microentreprises, lesquelles sont généralement exclues du circuit bancaire classique, pour aider à conduire des activités productives ou génératrices de revenus224.

Ainsi, le microcrédit est un concept plus restreint que le concept de micro finance, car la micro finance englobe d‟autres services financiers que le crédit tel que le transfert d‟argent, l‟assurance, etc.

212. Quatre traits distinctifs du microcrédit peuvent être retenus de cette définition225:

 la première caractéristique est (comme son nom l‟indique) la taille du crédit. Il s‟agit d‟un petit crédit, d'un montant peu élevé, sensiblement inférieur aux niveaux planchers des prêts qu‟une banque peut accorder à un ménage ou à une micro entreprise. Sur le plan financier, cela soulève un certain nombre de problèmes, liés notamment au coût de gestion d‟un tel crédit par rapport aux revenus qu‟il peut générer pour le prêteur ;  le microcrédit est sollicité par des personnes à faible revenu, le plus souvent des

femmes qui sont exclues du système bancaire classique. C‟est pourquoi il est souvent considéré comme « un crédit pour les pauvres » ;

 le microcrédit peut être demandé pour toutes sortes de raisons, mais il l‟est principalement pour développer une activité génératrice de revenus. C‟est sous cet aspect que le microcrédit est considéré comme un moyen de lutter contre la pauvreté ;

222

V. I. ADJAGBA- ICHOLA, op. cit., p. 134.

223 Idem.

224 J.-M. VIANNEY NYIRIHIMIGO, « Les aspects financiers du microcrédit », 3e colloque de l‟Association. du Notariat Francophone : micro-économie et sécurité juridique ..., op. cit., p. 153.

82  le microcrédit est un crédit offert par des structures généralement distinctes des institutions financières classiques, tant dans leur financement, leur fonctionnement que dans leur finalité. Ces institutions sont de statuts juridiques différents (fondations, ONG, coopératives d‟épargne et de crédit, banques publiques, sociétés anonymes) et leurs objectifs, les systèmes de gouvernance, les critères d'évaluation de leurs performances peuvent différer fortement.

213. Du point de vue des bénéficiaires des microcrédits, en milieu urbain, ce sont principalement des petits entrepreneurs hommes et femmes exerçant une activité génératrice de revenus et quelquefois des salariés du secteur structuré ne remplissant pas certaines conditions d'ouverture d'un compte bancaire226. En milieu rural, c‟est quasiment toute personne capable (et désireuse) d‟entreprendre une activité génératrice de revenus (petit commerce, transformation des produits alimentaires, etc.). Certaines IMF ou programmes de microcrédit s‟adressent à des catégories spécifiques de population, en particulier les femmes (ou les jeunes , les artisans, les commerçants, etc.)227.

Pour les bénéficiaires de microcrédits, il est un souci qui se rapporte à la rentabilité des projets financés. Les crédits doivent être accordés en faveur des projets générateurs de revenus, être suffisamment rentables pour couvrir le niveau de taux d‟intérêt généralement élevé et permettre l‟accumulation du capital, car sans cela, le bénéficiaire sera un éternel emprunteur jusqu‟à ce qu‟il soit défaillant.

214. En pratique, les IMF utilisent des techniques de prêt différentes de celles des banques commerciales classiques. En outre, elles ont une préférence pour les sûretés personnelles, plutôt que pour les sûretés réelles228.

En effet, dans le but de s‟assurer le remboursement du prêt et d‟alléger le poids de la dette, la plupart des IMF accordent des prêts collectifs à des groupes solidaires de trois à cinq personnes, chacune garantissant en quelque sorte l‟emprunt de l‟autre, selon une formule pratiquée dans le monde entier par certains groupes d‟épargne et de crédit informel. Le prêt est consenti à l‟ensemble du groupe, à charge pour ses membres de le répartir entre eux et d‟en assumer collectivement la gestion. Il en résulte que les IMF privilégient les garanties personnelles, notamment le cautionnement, plutôt que les garanties réelles.

226 Par exemple l‟exigence d‟un dépôt minimum.

227

J.-M. VIANNEY NYIRIHIMIGO,op. cit., p. 159.

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215. Cette préférence s‟explique par le fait que le législateur de l‟OHADA a opéré des simplifications en matière de sûretés personnelles, qui semblent témoigner d'une prise en compte du secteur informel, et expliquent l'intérêt des IMF pour ce type de sûreté.

216. En effet, l‟une des innovations majeures en droit des sûretés de l‟OHADA réside dans la consécration du principe de la solidarité en matière de cautionnement. L‟AUS dispose ainsi en son article 10 que « le cautionnement est réputé solidaire. Il est simple

lorsqu‟il en est ainsi décidé, expressément, par la loi de chaque État partie ou la convention des parties » . L‟article 15 de l‟AUS indique les conséquences de ce principe de solidarité

notamment le fait que « la caution solidaire est tenue de l'exécution de l‟obligation principale

dans les mêmes conditions qu‟un débiteur solidaire » .

En d‟autres termes, ce principe de la solidarité permet aux IMF de poursuivre, en cas de besoin, la caution de leur choix, en paiement de la totalité la dette de leur débiteur. La caution choisie sera tenue de payer, et elle pourra ensuite se retourner contre les autres coobligés229. Cette disposition renforce davantage la sécurité des IMF et enlève du même coup à la caution deux prérogatives dont elle pouvait jouir à savoir le bénéfice de la discussion et celui de la division.

217. L‟admission par le législateur de l‟OHADA de la caution illettrée est une autre innovation majeure en droit des sûretés. L‟article 4, alinéa 3 de l‟AUS dispose en effet que «

la caution qui ne sait ou ne peut écrire doit se faire assister de deux témoins qui certifient, dans l‟acte de cautionnement son identité et sa présence et attestent, en outre, que la nature et les effets de l‟acte lui ont été précisés ».

Cette disposition renforce l'intérêt du recours aux sûretés personnelles pour les IMF, car de nombreux opérateurs du secteur informel sont illettrés, ce qui ne les empêchera pas pour autant de se porter caution.