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sûretés mobilières

Section 1 : Une simplification incomplète du régime des sûretés mobilières

B. Une différence de régime surmontable

126. La différence de régime qui pourrait justifier la diversité des propriétés sûretés en droit OHADA n‟est pas incontournable.

En effet, une analyse des régimes des propriétés sûretés consacrées nous permet de déceler la modicité des différences autrement dit la possibilité de gommer ces particularités entre elles. Concrètement nous pourrons nous interroger sur la cohabitation entre la cession de créance à titre de garantie et le nantissement de créance ou encore la nécessité d‟avoir un transfert fiduciaire de somme d‟argent et un nantissement de compte bancaire voire un gage sans dépossession.

127. Une revue des règles régissant par exemple la cession de créance à titre de garantie et le nantissement de créance d‟une très faible différenciation. Hormis la différence de nom, les deux sûretés reposent sur le même principe à savoir le transfert au créancier de la propriété d‟une créance à titre de garantie. Les seules différences, d‟ailleurs minimales et surmontables se trouvent dans les personnes habilitées à user de ces garanties. À l‟image de la cession DAILLY143 en France, la cession de créance à titre de garantie est d‟usage limité contrairement au nantissement qui reste à la portée de tous. Ainsi, en vertu de l‟article 80 alinéa 1er de l‟AUS, « Une créance détenue sur un tiers peut être cédée à titre de garantie de

tout crédit consenti par une personne morale nationale ou étrangère, faisant à titre de profession habituelle et pour son compte des opérations de banque ou de crédit ».

La cession de créance à titre de garantie ne concerne donc que les crédits consentis par des personnes morales ou les institutions de crédit légalement reconnues. Mais contrairement à la cession DAILLY, le législateur OHADA ne fait pas de la qualité de la créance une exigence particulière dans la constitution de la cession de créance ; ce qui contribue à la rapprocher un peu plus d‟un nantissement de créance.

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128. Une réglementation commune souhaitable Ŕ Une consécration plus large de la fiducie semble nécessaire, laquelle devrait s'accompagner de l‟élaboration d‟un régime commun, tant sur le plan de la constitution de ces garanties que de leur réalisation. Quant à leur constitution, les propriétés-garanties pourraient être soumises à certaines règles gouvernant l'ensemble des sûretés réelles conventionnelles sans que cela ne remette en cause leur nature même. Sur le plan de la réalisation des sûretés, une telle démarche méconnaîtrait au contraire la nature propre de certaines garanties. Un droit commun de la réalisation propre aux propriétés-garanties est toutefois imaginable. Ainsi, les conditions de la revendication pourraient connaître une réglementation générale. Surtout, la compensation pourrait être consacrée comme le mode de dénouement normal des propriétés-garanties. Toutes les hypothèses de fiducies-sûretés consacrées par le législateur et la jurisprudence, dans le cas du gage-espèces, font en effet une place à la compensation. Il faut veiller, comme le préconisent certains auteurs144, à ce que l‟émergence progressive de la fiducie n‟aboutisse pas à une situation identique à celle connue des sûretés réelles préférentielles en droit français. Ainsi, les premiers commentaires relatifs à la loi du 19 février 2007 ont souligné son intérêt potentiel au regard de la cession DAILLY qui ne peut porter que sur des créances professionnelles. Les deux mécanismes ne doivent pas devenir concurrents. Il est important que chaque mécanisme soit doté d‟une fonction spécifique dans l‟ordre juridique. Si la fiducie a vocation à devenir une institution de droit commun et d‟un usage aussi souple que la cession de créance à titre de garantie, il faudra en tirer les conséquences et supprimer cette dernière. Deux institutions de ce type ne doivent cohabiter que si chacun se voit assigner un domaine propre.

129. Le caractère hétéroclite qui perdure dans le droit des sûretés réelles notamment mobilières tranche malheureusement avec le souci de simplification que législateur communautaire a voulu imprimer à l‟AUS suite à la réforme de 2010, or lisibilité et efficacité en matière de sûreté vont de paire. L‟élection de la voie hypothécaire ou de la fiducie pour les sûretés propriétés trouve alors sa raison pour pallier cette insuffisance qui se constate aussi par la difficile accessibilité de notre droit des sûretés réelles.

144 V. N. BORGA, op. cit., n°494.

54 Section 2 : Une accessibilité relative du droit des sûretés réelles mobilières

130. Si des efforts ont été accomplis par le législateur communautaire en vue d‟une meilleure simplification du régime des sûretés mobilières, le constat actuel n‟est pas assez reluisant. En effet, les sûretés mobilières, en dépit des réformes, n‟arrivent toujours pas à convaincre ou à se faire accepter par les acteurs des affaires ; signe de leur peine à s‟acclimater à la particularité socio-économique des États membres de l‟OHADA (§. 1). En conséquence, le recours à des voies presque non conventionnelles est priorisé par les populations en vue d‟obtenir du crédit (§. 2).

§.1 : La difficile adaptation des sûretés mobilières au contexte socio-économique de l’OHADA

131. De nombreux auteurs dénoncent la lacune principale de la législation OHADA qui réside dans son éloignement des réalités socio-économiques145 africaines. Or, comme le disait MONTESQUIEU, une bonne loi devrait découler de la nature des choses146.

Si la reproduction du modèle français147 dans le droit de l‟OHADA permet aux investisseurs et aux financiers européens d‟évoluer dans un environnement juridique familier, cette méthode ne permet pas de prendre en compte le contexte socio-économique africain. Le tissu économique des États membres de l‟OHADA se caractérise en effet par la prédominance du secteur informel, l‟analphabétisme et l‟illettrisme.

132. Le dispositif mis en place par l‟OHADA traduit le souci de restaurer la confiance des investisseurs internationaux et de capter leur intérêt. Pour autant, il est possible de faire évoluer les règles de l‟OHADA dans le sens d'un optimum correspondant à leur environnement social, tout en préservant l‟indispensable cohérence avec des objectifs économiques de portée internationale148.

145 V. dans ce sens E. M. KOUMBA, Droit de l‟OHADA, prévenir les difficultés des entreprises, L‟Harmattan, 2013, n° 293 et s., spéc., n° 295 ; S. KWEMO, op. cit., n° 25 ; N. N. MADJIWEI, Le droit pratique des affaires

au Tchad : quelle place pour le commerce informel ?, th., Paris I Panthéon-Sorbonne, 2010, p. 171.

146

MONTESQUIEU, De l‟esprit des lois, Flammarion, Paris, 2008, p. 61.

147 V. Dans ce sens, F. ANOUKAHA, op. cit., n° 12, p. 8, qui dans l‟AUS de 1999 attirait l‟attention sur le fait que le législateur communautaire n‟avait pas révolutionné le droit des sûretés des pays membres de l‟OHADA puisse que l‟influence du droit français est resté partout présente.

55 Il s‟agit en effet de concilier l‟exigence de sécurité pour tous avec des textes qui s‟appliquent aisément, et le respect de l‟égalité de tous les citoyens dans le bénéfice du service public. Autrement dit, il faut mettre en place un cadre juridique qui puisse répondre aussi bien aux exigences liées à la modernité qu‟aux spécificités des contextes socio-économiques africains.

133. Les efforts du législateur pour une prise en compte du secteur informel en matière de sûretés sont incontestables(A) même si ces efforts connaissent de nombreuses limites(B).

A. La réforme du droit des sûretés réelles mobilières pour une prise en compte du