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sûretés mobilières

Section 1 : Une simplification incomplète du régime des sûretés mobilières

A. La réforme du droit des sûretés réelles mobilières pour une prise en compte du secteur informel

2. Aperçu des réformes du droit des sûretés mobilières

153. Sur le fond, le droit de l‟OHADA antérieur à la réforme, en matière de sûretés réelles mobilières, était resté très proche de l‟ancien système français qui lui-même n‟était plus adapté aux besoins des activités économiques.

La révision de l‟AUS a donc permis de redéfinir le cadre juridique de ces sûretés, afin de clarifier les différentes formes possibles de sûretés, pour se rapprocher autant que faire se peut de la Security Interest prévue par le droit nord-américain des affaires (États-Unis), tout en améliorant leur publicité et en simplifiant les modalités de leur réalisation, à l‟effet de les rendre plus efficaces.

Pour plus de clarté et de simplicité en matière de droit des sûretés réelles, l‟AUS révisé redéfinit les notions de gage et de nantissement, allège le coût des formalités de constitution des sûretés réelles mobilières, et assouplit les règles en matière de sûretés réelles mobilières. Nous insisterons plus sur les deux dernières réformes citées, en ce sens que ce sont elles qui sont censées rendre les sûretés réelles mobilières plus accessibles et plus adéquates au monde des activités informelles dans les pays OHADA.

154. Si la redéfinition des notions de gage et de nantissement amène plus de clarté et de flexibilité dans le droit des sûretés réelles de l‟OHADA, la révision de l‟AUS a surtout visé l‟allégement du coût des formalités de constitution des sûretés réelles mobilières.

155. L‟allégement du coût des formalités de constitution des sûretés réelles

L‟AUS révisé a allégé le coût des formalités de constitution des sûretés réelles mobilières en supprimant la double formalité d‟enregistrement de ces sûretés, contenue dans l‟ancien AUS. Il a également considérablement limité le nombre de sûretés réelles mobilières concernées par la formalité préalable d‟immatriculation du débiteur avant toute constitution d‟une sûreté.

156. L‟obligation, posée par l‟ancien AUS, de procéder à la fois à l‟inscription au RCCM et à l‟enregistrement au bureau d‟enregistrement des sûretés mobilières sans

63 dépossession, constituait une double formalité contraignante, notamment pour les opérateurs du secteur informel. L‟AUS révisé a supprimé cette double formalité d‟enregistrement, en maintenant seulement l‟inscription de ces sûretés au RCCM.

157. L‟ancien AUS posait l‟obligation, outre l‟immatriculation au RCCM, d‟enregistrer l‟acte constitutif de nantissement dans un bureau d‟enregistrement.

Le nantissement devait être constitué par acte authentique ou par acte sous seing privé dûment enregistré. Il en était ainsi dans le cas du nantissement des droits d'associés et valeurs mobilières173, du fonds de commerce174, du matériel professionnel et des véhicules automobiles175, et des stocks176.

158. L‟opportunité de l‟enregistrement de l‟acte constitutif de nantissement était discutable. En effet, cette formalité faisait double emploi avec l‟inscription au RCCM qui produit les mêmes effets que l‟enregistrement : date certaine et opposabilité aux tiers177. De fait, l‟existence d‟une double formalité d‟enregistrement augmentait inutilement les coûts de constitution de la sûreté.

159. En outre, il n‟y a aucune uniformité entre les pays membres l‟OHADA, s‟agissant des frais d‟enregistrement (aux impôts) et d‟inscription (au RCCM) des sûretés, dont les taux varient souvent de manière importante d‟un pays à l‟autre et qui sont parfois trop importants pour qu‟une sûreté puisse être réellement constituée en pratique.

Il faut, en effet, rappeler que l‟AUS ne s‟est pas prononcé sur le montant les modalités de paiement des frais d‟inscription au RCCM, pas plus que sur les droits d‟enregistrement, qui relèvent de la politique fiscale de chaque État membre de l‟OHADA178

.

Or, l‟enregistrement n‟a pour d‟autres objectifs que de donner une date certaine à l‟acte et non, en principe, de prélever un impôt supplémentaire sur une personne au titre d‟une opération donnée.

173 Art. 65 anc. AUS.

174 Art. 70 anc. AUS.

175

Art 94 anc. AUS.

176 Art. 101 anc. AUS.

177 Cabinet LOVELLS et P.CROCQ, Étude portant sur l‟Acte uniforme du 17 avril 1997 portant organisation des sûretés : solutions aux difficultés pratiques de mise en œuvre, Rapport final révisé du 12 mai 2009 p. 10.

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160. Dans tous les cas, l‟existence d‟une double formalité d‟enregistrement ne paraissait guère conforme aux besoins de la pratique, car cela alourdissait inutilement la procédure et augmentait les coûts de constitution des sûretés réelles mobilières.

Notamment pour les opérateurs du secteur informel, qui subissent déjà la méfiance des banques du fait de la précarité de leurs activités, double formalité d‟enregistrement leur limitait encore plus l‟accès au crédit. Du fait de la lourdeur et du coût élevé de la procédure, ils ne pouvaient être en mesure de constituer des sûretés pour garantir leur emprunt.

Afin de faciliter la constitution à moindre coût de sûretés réelles mobilières, l‟AUS révisé a supprimé l‟obligation d‟enregistrement de ces sûretés.

161. La suppression de la formalité d‟enregistrement des sûretés réelles mobilières. L‟AUS révisé a supprimé l‟obligation d‟enregistrement pour toutes sûretés mobilières, car cet enregistrement faisait double emploi avec l'obligation d‟inscription de ces sûretés au RCCM. Ainsi, en ce qui concerne le gage, l‟article 97 de l‟AUS prévoit que « le contrat de gage est

opposable aux tiers, soit par l‟inscription au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier, soit par la remise du bien gagé entre les mains du créancier gagiste ou d‟un tiers convenu entre les parties ».

Concernant le nantissement des biens meubles incorporels, il est simplement prévu que ceux-ci doivent être constatés dans « un écrit »179, et non plus dans « un acte authentique ou sous seing privé dûment enregistré » comme c‟était le cas avant la réforme.

162. Dès lors, la publicité au RCCM suffit à donner date certaine à la constitution des sûretés réelles mobilières, et à les rendre ainsi opposables aux tiers.

La suppression de la nécessité d‟un enregistrement permet alors d‟éviter d‟avoir à payer des droits d‟enregistrement dont les taux sont variables selon les États.

Le souci de limiter les coûts de constitution des sûretés réelles mobilières a également conduit le législateur de l‟OHADA à limiter le nombre de sûretés concernées par l‟obligation faite au débiteur d'être préalablement immatriculé au RCCM avant de constituer ce type de sûreté. L‟ancien AUS posait l‟obligation au débiteur, pour toutes les sûretés réelles mobilières sans dépossession, d‟être préalablement immatriculé au RCCM avant de les constituer, ce qui alourdissait les coûts de constitution de ces sûretés.

L‟AUS révisé a donc limité le champ d‟application de cette formalité.

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163. Par ailleurs, le législateur de l‟OHADA avait mis à la charge du débiteur qui constitue un nantissement sans dépossession, une obligation préalable d‟immatriculation au RCCM avant la constitution de cette sûreté. Cependant, la teneur de cette obligation variait en fonction du nantissement en cause.

164. Concernant le nantissement des stocks, l‟ancien article 101, alinéa 1er de l‟AUS imposait, sous peine de nullité, de mentionner : « [...] s‟il y a lieu, le numéro

d‟immatriculation au Registre du commerce et du crédit mobilier du débiteur qui constitue le nantissement ». Les mots « s‟il y a lieu » laissaient penser que pour le nantissement des

stocks, l‟immatriculation préalable du débiteur au RCCM n‟était pas obligatoire. Ainsi, semblait-il que si le débiteur était un commerçant qui était immatriculé au RCCM, il devait indiquer numéro d‟immatriculation dans l‟acte de nantissement. Mais dans le cas où le débiteur n'était pas immatriculé au RCCM, cela ne l‟empêchait pas de constituer ce type de sûreté. Un opérateur du secteur informel pouvait donc en théorie constituer un nantissement des stocks.

165. Finalement, il n‟y avait que pour le nantissement du matériel professionnel et des véhicules automobiles pour lesquels l‟immatriculation au RCCM n‟était pas stipulée. L‟AUS révisé est venu restreindre davantage le champ d‟application de l‟obligation d‟immatriculation préalable du débiteur.

166. À l‟exception du cas du nantissement des droits d‟associés et valeurs mobilières180, l‟AUS révisé abandonne l‟exigence d‟immatriculation préalable du débiteur au RCCM pour la constitution de toutes les autres sûretés réelles mobilières sans dépossession. C‟est surtout en matière de nantissement de fonds de commerce que cette mesure se fait ressentir. En effet, c‟est en cette matière que le législateur de l‟OHADA posait clairement l‟obligation pour toute personne physique ou morale commerçante d‟être préalablement immatriculée au RCCM avant toute constitution de cette sûreté181. Or, le nouvel article 163, alinéa 1er de l‟AUS exige simplement que soit désigné le débiteur ou le constituant du nantissement si celui-ci n‟est pas le débiteur.

180

L‟exigence d‟immatriculation préalable en vertu de l‟article 141 de l‟AUS, n‟est requise, comme par le passé, que si le débiteur est une personne morale. Ce type de nantissement ne peut donc, en pratique, être consenti que par une entreprise immatriculée au RCCM, ce qui exclut les sociétés étrangères ou oblige ces dernières à constituer une succursale pour les besoins de l‟opération .

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167. Toutefois, en matière de gage de biens meubles corporels, la seule exigence relative au débiteur est qu'il soit propriétaire du bien remis en gage.

Le nouvel article 95 de l‟AUS dispose en effet que « le constituant d‟un gage de biens

présents doit être propriétaire de la chose gagée. S‟il ne l‟est pas, le créancier gagiste peut s‟opposer à la revendication du propriétaire dans les conditions prévues pour le possesseur de bonne foi ».

Lorsque le gage porte sur un bien ou un ensemble de biens futurs, le droit du créancier s‟exerce sur le bien gagé aussitôt que le constituant en acquiert la propriété, sauf convention contraire182.

168. L‟AUS révisé opère enfin un assouplissement des règles régissant le droit des sûretés réelles mobilières de l‟OHADA.

Cet assouplissement se traduit par la simplification des règles de constitution des sûretés et des règles régissant l‟exploitation des biens mis en garantie.

C‟était le cas de la mention des conditions d‟exigibilité. Il est nécessaire que les contrats de sûretés ainsi que les différents bordereaux d‟inscriptions contiennent un certain nombre de mentions permettant une identification sans équivoque de la créance garantie et de l‟objet de la sûreté. Pour autant, certaines des mentions obligatoires qui étaient prévues à cet effet dans l‟ancien AUS étaient source d‟incertitudes et de difficultés considérables en pratique.

169. On retrouvait l‟exigence de la mention, dans l‟acte constitutif de la sûreté, des conditions d‟exigibilité183

de la créance garantie et de ses intérêts, en matière de nantissement des droits d‟associés et valeurs mobilières184, du fonds de commerce185, du matériel professionnel et des véhicules automobiles186

et des stocks187 .

Cette exigence était, en pratique, source de difficultés. En effet, il se posait la question de savoir jusqu‟à quel degré de précision il fallait aller pour définir ces « conditions d‟exigibilité » de la créance garantie. Fallait-il reprendre toute la liste des cas de remboursements anticipés et les événements susceptibles de déclencher la déchéance du terme ? Fallait-il procéder à une inscription modificative chaque fois que le contrat était modifié sur ces clauses?

182 Art. 96 alinéa 2 AUS.

183

V. aussi art.96 al. 1er AUS.

184 Cf. art 65 al. 5 anc. AUS

185 Cf. art.70 al. 6 anc. AUS

186

Cf. art 94 al.4 anc. AUS

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170. L‟AUS révisé a donc supprimé l‟obligation de mentionner, dans l‟acte constitutif de la sûreté, les conditions d‟exigibilité de la créance garantie et de ses intérêts.

171. En définitive, la réforme du droit des sûretés a permis d‟organiser les garanties portant sur des biens meubles autour de principes facilitant leur formalité de constitution et élargissant leur assiette. De ce fait, elle rend la constitution des sûretés réelles en théorie plus accessible pour les opérateurs du secteur informel, ce qui permet de leur faciliter l‟accès au microcrédit.

Des efforts ont ainsi été effectués par le législateur afin de rendre les sûretés réelles accessibles mêmes aux acteurs de la vie économique informelle. Mais ces réformes bien qu‟importantes restent insuffisantes à favoriser l‟accès au crédit à tous à travers l‟usage des garanties dites traditionnelles.