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Inactivation des voies de signalisation des gènes suppresseurs de tumeur

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I.3 Caractéristiques moléculaires de la carcinogénèse pulmonaire

I.3.2 Aspects moléculaires du cancer broncho-pulmonaire

I.3.2.2 Inactivation des voies de signalisation des gènes suppresseurs de tumeur

Les gènes suppresseurs de tumeur exercent à l'état normal une fonction régulatrice négative sur la prolifération cellulaire (Weinberg and van Eyck, 1991). Les produits de ces gènes sont capables de contrecarrer l'effet des oncogènes et d'inhiber le phénotype tumoral d’où leur nom de gènes suppresseurs de tumeur. De façon importante, l'inactivation des gènes suppresseurs de tumeur est l'une des étapes les plus précoces de la carcinogénèse bronchique.

Ainsi, des délétions des régions chromosomiques 3p, 9p21, 13q14 et 17p13 sont souvent observées dans les lésions précédant la transformation des cellules épithéliales bronchiques en cellules tumorales. Ces données suggèrent l’importance de gènes suppresseurs de tumeurs situés dans ces régions génomiques pour la pathogénèse pulmonaire. En 9p21, 13q14 et 17p13 sont situés les gènes de p16INK4A /p14ARF, p15INK4B, RB et p53. Leurs protéines sont fonctionnellement liées au sein des deux grandes voies de signalisation p16INK4A/RB-E2F1 et p53/p14ARF-MDM2 (Osada and Takahashi, 2002; Sekido, et al., 2003) (Figure 3). Ces voies contribuent au bon déroulement du cycle cellulaire et au maintien de l’intégrité du génome en raison de leur implication au niveau des points de contrôle activés lors du passage entre les phases G1-S et G2-M du cycle cellulaire. Ces points de contrôle (checkpoints) sont des centres décisionnels dictant à la cellule son devenir selon les signaux qu’elle reçoit (altération de l’ADN par exemple): progression dans le cycle cellulaire, arrêt du cycle pour réparation de l’ADN endommagé ou mort par apoptose si la cellule est incapable de réparer les lésions génomiques. Les voies de signalisation p53 et RB sont inactivées dans la quasi-totalité des cancers bronchiques (Tableau 2).

Figure 3: Altérations des voies suppressives de tumeur au cours de la carcinogénèse bronchique.

Deux grandes voies de signalisation (p53/p14ARF et p16INK4A/RB), impliquées dans la

carcinogénèse pulmonaire sont liées fonctionnellement par l’intermédiaire de p14 ARF et E2F1 et

jouent un rôle très important dans les points de contrôle (checkpoints) du cycle et l’inhibition de la croissance cellulaire. Des signaux de nombreux oncogènes ou facteurs de croissance sont aussi directement liés à ceux des deux voies. L’inactivation de ces voies permet à la cellule tumorale d’échapper à l’inhibition de la croissance et/ou à l’apoptose.

Adapté d’après Osada and Takahashi, 2002.

EGFR ERBB2 PI3K AKT MEK RAF RAS ERK MYC MDM2 p53 p21 CyclineE CDK2 ATM CBP p300 RB CyclineD CDK4 E2F1 DP Arrêt du cycle Apoptose p14ARF p14ARF p15INK4B P P DMP1 p16INK4A Signalisation oncogénique voie p14ARF/p53 voie p16INK4A/RB Dommages de l’ADN EGFR ERBB2 PI3K AKT MEK RAF RAS ERK MYC MDM2 p53 p21 CyclineE CDK2 ATM CBP p300 RB CyclineD CDK4 E2F1 DP Arrêt du cycle Apoptose p14ARF p14ARF p15INK4B P P DMP1 p16INK4A Signalisation oncogénique voie p14ARF/p53 voie p16INK4A/RB Dommages de l’ADN

a) La voie de signalisation p53/p14ARF

Le gène suppresseur de tumeur p53 est considéré comme l'un des gardiens du génome et joue un rôle important au niveau des points de contrôle (checkpoints) du cycle cellulaire. En réponse aux dommages de l’ADN induits par des carcinogènes, à l'hypoxie ou aux activations oncogéniques, p53 transactive l'expression de gènes cibles comme p21/WAF1, mdm2 (hdm2 humain), gadd45, bax et

cycline G conduisant à un arrêt en G1 du cycle cellulaire, à la réparation de l’ADN et/ou à la mort

cellulaire programmée par apoptose (Lavin and Gueven, 2006; Osada, et al., 2002; Sekido, et al., 1998). Situé sur la région chromosomique 17p13, p53 est le gène le plus fréquemment muté ou délété dans les cancers humains et de nombreux travaux ont démontré que les altérations du gène p53 sont des phénomènes précoces au cours de la carcinogénèse broncho-pulmonaire. L'inactivation de p53 est observée dans 75 – 100 % des CPC et dans 47 % des CBnPC dont 51% des carcinomes malpighiens, 54 % des carcinomes à grandes cellules et 39% des adénocarcinomes (Tammemagi, et al., 1999; Zochbauer-Muller, et al., 2002). Dans 60 à 80 % des cas, l'inactivation de p53 a lieu par perte d’hétérozygotie et mutations ponctuelles de l’allèle restant le plus souvent dans le domaine de liaison à l’ADN (Greenblatt, et al., 1994; Osada, et al., 2002; Sekido, et al., 2002).

La protéine p53 a une courte demi-vie et est très faiblement exprimée dans les cellules normales, mais elle est stabilisée et surexprimée dans les cellules subissant des dommages génotoxiques. Des mutations "non sens" de p53 provoquent l'augmentation de la demi-vie de sa protéine conduisant à un niveau très élevé de la protéine détecté par immunohistochimie (IHC) dans les cellules cancéreuses pulmonaires. L’expression anormale de p53, détectée par IHC, est rapportée dans 40 – 70 % des CPC et 40 – 60 % de CBnPC (Geradts, et al., 1999; Zochbauer-Muller, et al., 2002)

Des altérations affectant les partenaires de p53 peuvent aussi conduire à une inactivation de la voie p53 et sont observées dans les tumeurs bronchiques. Le gène suppresseur de tumeur p14ARF identifié comme ARF (Alternative Reading Frame) est situé dans le même locus que p16 INK4a sur le chromosome 9p21. Induit par des signaux oncogénique (Myc, RAS et E2F1), p14 ARF inhibe l’activité ubiquitine E3 ligase de MDM2 (HDM2) en le séquestrant dans le noyau (Honda and Yasuda, 1999). La perte de p14ARF a été décrite dans notre laboratoire par des techniques d’immunohistochimie, dans 25 % des adénocarcinomes et dans 30 – 40 % des carcinomes neuroendocrines de haut grade (Gazzeri, et al., 1998). MDM2 (HDM2) est un proto-oncogène, amplifié et surexprimé très fréquemment dans les cancers. En interagissant avec p53, MDM2 réduit son niveau d’expression et conduit p53 vers la voie de dégradation par le protéasome. Nous avons décrit la surexpression de MDM2 dans 30 % des cancers pulmonaires (Eymin, et al., 2002).

b) La voie de signalisation RB/p16INK4A dans les tumeurs bronchiques

La voie de signalisation p16INK4A /cycline D1/CDK4/RB est considérée comme une voie essentielle pour le contrôle de la transition entre les phases G1 et S du cycle cellulaire. Il a été démontré qu’au moins un de ces quatre gènes est muté ou fonctionnellement altéré dans les tumeurs humaines. Les deux protéines suppressives de tumeur affectées dans les cancers pulmonaires sont p16 INK4A (dans les CBnPC) et RB (dans les CPC).

Des altérations de RB sont détectées dans presque tous les CPC (>90 %). L'absence d'expression de RB attestée par son absence d'expression en immunohistochimie est majoritairement liée à la perte d'un allèle au niveau du locus 13q14 et aux altérations structurelles de l'autre allèle comprenant des délétions, des mutations non-sens et/ou des anomalies de l'épissage (Gouyer, et al., 1998; Harbour, et al., 1988; Hensel, et al., 1990). A l'inverse, la perte d'expression de RB est beaucoup plus rare dans les CBnPC (15 – 30 %) avec une fréquence plus considérable dans les stades avancés. Dans ces tumeurs, la voie de signalisation de p16INK4A–cycline D1-CDK4-RB est très souvent inactivée par mutation de p16INK4A (50 % des CBnPC) (Brambilla, et al., 1999; Sekido, et al., 1998). Dans la majorité des CBnPC, RB reste inactivée sous sa forme hyperphosphorylée, résultat de la perte de la protéine p16 INK4A. Enfin, des altérations oncogéniques et amplifications géniques portant sur la cycline D1, la kinase CDK4 ou la cycline E et conduisant à leur surexpression peuvent maintenir RB dans un état hyperphosphorylé inactif, favorisant la prolifération cellulaire (Brambilla, et al., 1999; Fukuse, et al., 2000; Sekido, et al., 2002).

A côté des anomalies touchant les voies RB/p53, la très haute fréquence de la perte allélique au niveau du bras court du chromosome 3 (3p) (90 % des CPC et 70 % des CBnPC) a permis d’identifier plusieurs gènes suppresseurs de tumeurs, candidats dans cette région du génome, parmi lesquels FHIT (Fragil Histidin Trial), RARβ (Retinoid Acid Receptor β), RASSF1 (Ras Association domain Family 1A),

Robbo1/DUTT1(Roundabout 1/Deleted in U Twenty Twenty1), SEMA 3F et SEMA 3B (Semaphorin).

L'importance des voies de signalisation p53/RB et de leur inactivation au cours de la carcinogénèse bronchique nous à conduit depuis plusieurs années à étudier au sein du laboratoire les protéines situées à l'interface de ces voies et à analyser leur rôle potentiel au cours du développement tumoral. Dans ce contexte, je me suis intéressée au cours de mon travail de thèse à l'une de ces protéines d'interface - le facteur de transcription E2F1. C'est pourquoi dans une deuxième partie de mon introduction je vous présenterai cette protéine, ses fonctions biologiques, ainsi que la replacerai dans le contexte de la famille des facteurs de transcription E2F.

II LE FACTEUR DE TRANSCRIPTION E2F1 - UNE

PROTEINE AMBIVALENTE

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