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Couplage entre transcription et épissage

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III.1 Généralités sur l’épissage

III.1.4 Couplage entre transcription et épissage

Il est établi depuis quelques années que la transcription et l'épissage des ARN pré- messagers sont des événements cellulaires couplés dans le temps et dans l'espace (Bauren and Wieslander, 1994; Beyer and Osheim, 1988). De plus, comme nous le verrons dans le chapitre suivant, des inter-relations ont aussi lieu avec des étapes ultérieures à l'épissage, comme le transport des ARN et la traduction. L'ARNm produit lors de la transcription est immédiatement pris en charge pour sa maturation; mise en place de la coiffe, épissage et polyadénylation, sont ainsi concomitants de la transcription. Le couplage transcription/épissage repose sur diverses observations. La première est que les acteurs régulant la transcription et l'épissage co-localisent à l'intérieur de la cellule. Ainsi, les facteurs d'épissage s'accumulent au sein de structures nucléaires appelées speckles (20 à 40 par noyau) (Huang and Spector, 1991; Zhang, et al., 1994) et les marquages des transcrits poly (A) avec un oligo (dT) marqué ou le marquage d'une sous-unité de l'ARN polymérase II ont montré leur localisation dans les speckles (Carter, et al., 1993; Carter, et al., 1991; Mortillaro, et al., 1996). De plus, plusieurs gènes se localisent à la périphérie ou à l'intérieur des speckles (Brown, et al., 2008; Huang and Spector, 1991; Jolly, et al., 1999; Lawrence, et al., 1993; Lawrence and Clemson, 2008). De façon intéressante, il a été récemment montré que cette localisation de gènes activement transcrits au sein des speckles dépendait aussi de l'environnement chromatinien suggérant un rôle des facteurs de remodelage de la chromatine dans les processus d'épissage (Brown, et al., 2008). En accord avec ces données, il a été montré que la trichostatine A (un inhibiteur de HDAC) affecte l'épissage (Nogues, et al., 2002), et que le complexe de remodelage SWI/SNF régule l'épissage de divers gènes, incluant la E-cadhérine, BIM, la cycline D1 ou CD44 (Batsche, et al., 2006). Cet effet met en jeu l'ARN polymérase II et son domaine C-terminal (CTD) qui agit comme une plateforme de recrutement de nombreux facteur d'épissage et joue un rôle crucial dans la coordination de la transcription, l'épissage et la polyadénylation (Bentley, 2005; Che, et al., 1997; Hirose and Manley, 1998; Listerman, et al., 2006; Misteli and Spector, 1999). Le domaine CTD de l'ARN polymérase II est constitué chez l'homme de 52 répétitions de 7 acides aminés contenant 3 résidus sérine (YSPTSPS). Un jeu de phosphorylation /déphosphorylation des résidus sérines des éléments des séquences répétées du domaine CTD ponctue les phases successives de son activité (Orphanides and Reinberg, 2002) (Figure 26).

Figure 26: Modèle du couplage transcription/épissage.

Le domaine C-terminal de l'ARN polymérase II couple la transcription et l'épissage des ARNs pré- messagers. Le CTD sert de plateforme à l'assemblage des facteurs responsables de la transcription, de la mise en place de la coiffe, de l'épissage et de la maturation de l'extrémité 3' à différentes étapes de la synthèse du transcrit naissant.

Adapté d'après Orphanides and Reinberg, 2002.

A la fin de l'initiation de la transcription, les sérines en position 5 de chaque répétition sont progressivement phosphorylées, ce qui conduit à la dissociation des facteurs d'initiation de la transcription et à l'association des enzymes synthétisant la coiffe. L'ARN en cours de synthèse a alors une longueur de 20 à 40 nucléotides. Des expériences d'épissage "in vitro" ont montré qu'en plus d'avoir une action protectrice de l'ARN, la présence de la coiffe augmente l'efficacité d'épissage (Proudfoot, et al., 2002). Les protéines fixées sur la coiffe interagiraient avec des facteurs d'épissage afin de faciliter la reconnaissance du premier exon (Lewis and Izaurralde, 1997; Maniatis and Reed, 2002; Proudfoot, et al., 2002). Pendant l'étape d'élongation, les sérines

Avant l'initiation de la transcription, le CTD de l'ARN polymérase II (RNAP II)

est déphosphorylé et associé avec les composants de la machinerie

d'initiation.

La phosphorylation partielle du CTD pendant l'initiation de la transcription permet le recrutement de l'enzyme qui

coiffe l'ARN naissant en 5'

L'ARN polymérase II atteint le signal de terminaison de la transcription et les

facteurs requis pour le clivage et la polyadénylation en 3' du transcrit s'associent au CTD et reconnaissent

des séquences dans l'ARN Les phosphorylations ultérieures du CTD

permettent le recrutement des composants de la machinerie d'épissage

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Avant l'initiation de la transcription, le CTD de l'ARN polymérase II (RNAP II)

est déphosphorylé et associé avec les composants de la machinerie

d'initiation.

La phosphorylation partielle du CTD pendant l'initiation de la transcription permet le recrutement de l'enzyme qui

coiffe l'ARN naissant en 5'

L'ARN polymérase II atteint le signal de terminaison de la transcription et les

facteurs requis pour le clivage et la polyadénylation en 3' du transcrit s'associent au CTD et reconnaissent

des séquences dans l'ARN Les phosphorylations ultérieures du CTD

permettent le recrutement des composants de la machinerie d'épissage

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en seconde position des répétitions sont à leur tour phosphorylées, ce qui provoque la dissociation des protéines de la coiffe et l'association des facteurs d'épissage. Par exemple, les protéines de la famille SR interagissent avec l'ARN polymérase II (Das, et al., 2007), de même que d'autres composants du splicéosome incluant PSF/p54nrb, U2AF, et une ou plus des 5 protéines snRNPs (U1, U2, U4, U5 et U6) (Corden and Patturajan, 1997; Emili, et al., 2002; Kameoka, et al., 2004; Mortillaro, et al., 1996). Ces interactions permettraient le positionnement des facteurs d'épissage en proximité étroite avec l'ARN naissant, et favoriserait un épissage co-transcriptionnel plus efficace. A côté de son rôle en tant que plateforme de recrutement, la vitesse d'élongation de l'ARN polymérase II joue également un rôle dans la régulation de l'épissage alternatif (de la Mata, et al., 2003; Kadener, et al., 2002; Kornblihtt, 2005; Kornblihtt, 2006). Ainsi, une ARN polymérase II peu processive ou faisant des pauses internes au cours de l'élongation favoriserait l'inclusion d'exons alternatifs possédant des sites d'épissage sous-optimaux. Il a été montré que les changements dans la vitesse d'élongation de l'ARN polymérase II mettent en jeu des modifications de la phosphorylation de son domaine CTD (Batsche, et al., 2006; Kornblihtt, 2006). Ainsi, une étude récente a montré que le facteur d'épissage de la famille des protéines SR, SC35, régulait positivement l'étape d'élongation de la transcription au niveau de gènes spécifiques via une augmentation de la phosphorylation du CTD de l'ARN polymérase II au niveau du second résidu sérine (Lin, et al., 2008). A l'inverse, il a été observé que le ralentissement de la vitesse d'élongation de l'ARN polymérase II au niveau du gène CD44 en réponse à l'expression de Brm, la sous-unité catalytique du complexe de remodelage SWI/SNF, s'accompagnait d'une accumulation de sa forme phosphorylée sur la sérine en position 5' du CTD (Batsche, et al., 2006). Finalement, une dernière observation en faveur du couplage entre transcription et épissage repose sur les résultats démontrant que l'épissage alternatif peut aussi être modifié par des variations dans la région du promoteur (Auboeuf, et al., 2002; Cramer, et al., 1999; Cramer, et al., 1997). Ces résultats indiquent que des facteurs de transcription pourraient aussi réguler l'épissage des transcrits. En accord avec cette hypothèse, il a été montré que les co-régulateurs transcriptionnels de certains facteurs de transcription recrutés au niveau des promoteurs de leurs gènes cibles étaient non seulement capables d'augmenter la quantité de transcrit, mais aussi de modifier la nature des variants d'épissage synthétisés par ces gènes (Auboeuf, et al., 2005; Auboeuf, et al., 2004a; Auboeuf, et al., 2004b; Auboeuf, et al., 2002). Dans certains cas, les effets sur l'épissage de ces co-régulateurs transcriptionnels sont dépendants du promoteur. De plus, certains facteurs de transcription interagissent directement avec des facteurs d'épissage (Davis, et al., 1998; Ge, et al., 1998; Hallier, et al., 1998) et modifient l'épissage tels que le facteur de transcription SP1/PU (Hallier, et al., 1998; Hallier, et al., 1996) qui contrôle l'épissage de façon dépendante de sa liaison

au promoteur de ses gènes cibles (Guillouf, et al., 2006). Enfin, il a été récemment montré que le facteur de transcription oncogénique EWS-FLi1 affectait le ratio des variants d'épissage de la cycline D1 en diminuant la vitesse d'élongation de l'ARN pol II au niveau de ce gène (Sanchez, et al., 2008).

L'ensemble de ces données confirme donc l'existence d'un couplage entre transcription et épissage et indique une inter-connexion étroite et fonctionnelle entre les protéines régulant la transcription, les facteurs de la transcription notamment, et celles contrôlant l'épissage (Figure

27).

Figure 27: Transcription et épissage, deux événements couplés pour un meilleur contrôle de l’expression des gènes.

Outre la protéine oncogénique Spi-1/PU.1, plusieurs exemples de protéines impliquées dans les deux processus, transcription et épissage, sont déjà connues : P52, un activateur transcriptionnel, est capable d’interagir avec le facteur d’épissage ASF/SF2 (Ge, et al., 1998). U1 snRNP, facteur d’épissage essentiel du splicéosome, peut se lier à plusieurs protéines impliquées dans la transcription : le facteur d’élongation TAT-SF1 (Fong and Zhou, 2001; Tian, 2001), le facteur de transcription TFIIH, et même l’ARN polymérase II (ARNpol II) (Kwek, et al., 2002). La protéine E2, activateur transcriptionnel des gènes viraux, peut elle aussi interagir avec des facteurs d’épissage de la famille des protéines SR ou avec des protéines associées aux snRNP (Lai, et al., 1999).

CAP: capping de l’ARNm

CTD: domaine carboxyterminal de l’ARN polymérase II.

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