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E2F1 : facteur pro-apoptotique et anti-apoptotique

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II.2 Activités biologiques des E2Fs et régulation de leur fonction

II.2.3 Apoptose et E2F1

II.2.3.4 E2F1 : facteur pro-apoptotique et anti-apoptotique

a) E2F1 : facteur pro-apoptotique

Parallèlement à l’induction d’une entrée en phase S, la présence d’un haut niveau d’expression de E2F1 résulte en une mort cellulaire par apoptose dans diverses conditions expérimentales (Qin, et al., 1994; Shan and Lee, 1994; Wu and Levine, 1994) et l’inactivation de E2F1 s’accompagne d’une résistance à la mort programmée dans certains types cellulaires. Selon certains auteurs, cette fonction pro-apoptotique serait spécifique à E2F1 (DeGregori, et al., 1997; Kowalik, et al., 1998; Leone, et al., 2001; Lissy, et al., 2000) tandis que pour d’autres, E2F2 et E2F3 possèderaient aussi cette capacité (Dirks, et al., 1998; Vigo, et al., 1999; Ziebold, et al., 2001). De façon intéressante, il a été récemment montré que l’activité apoptotique mediée par E2F3 dépendait de E2F1 (Lazzerini Denchi and Helin, 2005). De plus, une boucle de rétro-contrôle négatif exercée par les protéines E2F7 et E2F8 pour inhiber l’apoptose induite par E2F1 (Li, et al., 2008; Moon and Dyson, 2008) a récemment été décrite. Ce sont les phénotypes observés chez les souris E2F1 -/- qui apportent des arguments convaincants pour un rôle physiologique de E2F1 au cours du processus apoptotique (Field, et al., 1996; Garcia, et al., 2000; Zhu, et al., 1999). Chez ces animaux, la perte de E2F1 entraîne effectivement une résistance à l’apoptose des thymocytes matures ayant pour effet l’accumulation anormale de lymphocytes T CD4+/CD8+ par défaut de sélection négative. Le facteur E2F1 est aussi impliqué dans l’apoptose résultant de la perte de RB. Ainsi, dans les embryons Rb-/- (le phénotype Rb-/- étant létal), l’inactivation de E2F1 résulte en une diminution nette de l’apoptose par rapport à la population témoin et augmente de manière significative la vie fœtale bien que ces derniers meurent encore avant la naissance (Saavedra, et al., 2002; Tsai, et al., 1998).

Les voies de signalisation pro-apoptotiques médiées par E2F1 potentiellement mises en jeu lors de la mort cellulaire sont multiples, interconnectées et coopèrent très probablement pour induire l’apoptose. Elles impliquent aussi bien la voie mitochondriale que la voie extrinsèque (Figure 17). Ainsi, parmi les nombreuses cibles transcriptionnelles de E2F1 on trouve des acteurs clés de la voie intrinsèque incluant les protéines pro-apoptotiques à domaine BH3 incluant PUMA, Noxa, Bim et HRK (Hershko and Ginsberg, 2004). SIVA représente un autre effecteur récemment décrit de l’apoptose mediée par E2F1, dont l’expression est directement stimulée par la liaison de E2F1 sur un site consensus au niveau du promoteur du gène cible (Fortin, et al., 2004). La surexpression de E2F1 résulte également en une accumulation d’un certain nombre de caspases initiatrices dont les caspases-9 et -2 ou effectrices telles que les caspases-7 et -3 par un mécanisme d’activation directe de la transcription de ces gènes (Afshar, et al., 2006; Cao, et al., 2004; Moroni, et al., 2001; Nahle, et al., 2002). La protéine APAF-1 est un autre effecteur classiquement décrit au cours de la mort cellulaire dépendante de E2F1 qui contrôle

directement son expression (Furukawa, et al., 2002; Moroni, et al., 2001). La protéine Smac/DIABLO qui neutralise l’action des facteurs anti-apoptotiques IAPs a aussi été récemment identifiée comme une cible effectrice directe de la mort cellulaire mediée par E2F1 (Xie, et al., 2006).

Figure 17: Différentes voies pro-apoptotiques dépendantes de E2F1.

E2F1 peut induire l'apoptose par transactivation de ses cibles de manière dépendante ou indépendante de p53. E2F1 peut également induire l'apoptose par répression de facteurs anti- apoptotiques (Mcl-1) ou inhibition de voies de signalisation anti-apoptotiques (NFκB).

Adapté d'après Stanelle and Putzer, 2006.

Apoptose Extracellulaire Intracellulaire Apoptose Extracellulaire Intracellulaire

Concernant la voie extrinsèque, plusieurs travaux impliquent le facteur E2F1. L’expression de E2F1 est en effet induite lors de l’activation du récepteur FAS par son ligand dans les lymphocytes murins. En outre, les lymphocytes T E2F1 -/- sont nettement plus résistants à ce stimulus apoptotique que la population contrôle (Bi, et al., 2001; Cao, et al., 2004). Dans des cultures primaires de neurones, la neutralisation de E2F1 corrèle également avec une résistance à l’apoptose mediée par FAS (Hou, et al., 2002). De plus, E2F1 induit l’expression de la caspase-8 et son activation en réponse à l’irradiation d’astrocytes tumoraux humains (Afshar, et al., 2006). Ces données suggèrent qu’E2F1 participe à la voie mediée par l’activation du récepteur de mort FAS. Nous avons confirmé cette implication au laboratoire dans des lignées cellulaires d’adénocarcinome pulmonaire (Salon, et al., 2006). Nos résultats démontrent un mécanisme par lequel E2F1 induit l’apoptose d’une manière indépendante de p53 par activation de la voie des récepteurs de mort. Ainsi, dans nos modèles cellulaires, E2F1 inhibe spécifiquement l’expression de l’isoforme c-FLIPCourt conduisant ainsi au recrutement de la caspase-8 au niveau du

DISC et à son activation (Salon, et al., 2006).

Dans les modèles animaux comme dans les systèmes de culture cellulaire, E2F1 est capable d’induire l’apoptose de manière dépendante ou non de la protéine p53 ou de son domaine de transactivation (Bell and Ryan, 2004; Trimarchi and Lees, 2002). Cette activité p53-dépendante ou indépendante pourrait dépendre du contexte cellulaire, mais aussi du stimulus puisqu’il a été montré chez la drosophile que l’apoptose médiée par E2F1 en réponse aux lésions sur l’ADN dépendait de p53, alors que l’apoptose dépendante de E2F1 en réponse à l’inactivation de RB non (Moon, et al., 2008). Différents mécanismes pour l’apoptose dépendante de p53 ont été proposés. E2F1 peut induire l’expression de p14ARF, classiquement décrit comme l’un de ses gènes cibles, qui a son tour, séquestre et neutralise l’oncoprotéines hDM2, empêchant ainsi la dégradation de p53 (Aslanian, et al., 2004; Bates, et al., 1998; de Stanchina, et al., 1998; DeGregori, et al., 1997; Parisi, et al., 2002; Robertson and Jones, 1998). Néanmoins, des études menées chez la souris ou sur des fibroblastes en culture montrent qu’E2F1 est également capable d’engager un processus apoptotique via p53 en l’absence de p14ARF, suggérant l’existence de mécanismes alternatifs pour l’induction de p53 (Lindstrom and Wiman, 2003; Rogoff, et al., 2002; Russell, et al., 2002; Tolbert, et al., 2002; Tsai, et al., 2002). La stabilisation de p53 pourrait faire intervenir alternativement une interaction directe avec E2F1 (Hsieh, et al., 2002) ou l’induction de sa phosphorylation sur différents résidus serine en fonction du stress subi et/ou du type cellulaire (Hershko, et al., 2005; Rogoff, et al., 2002). De manière intéressante, l’équipe de Nip et collaborateurs décrit une stabilisation de p53 par E2F1 ne faisant pas intervenir son domaine de transactivation (Nip, et al., 2001).

Parallèlement, en l’absence de p53, l’induction de l’expression de son homologue, p73, reconnue comme cible de E2F1 (Irwin, et al., 2000; Stiewe and Putzer, 2000) a été rapportée dans divers types cellulaires transformés ou non (Irwin, et al., 2000; Lissy, et al., 2000). L’induction de p73 par E2F1

pourrait intervenir entre autre, lors de l’apoptose qui suit l’activation du récepteur TCR des lymphocytes T (Lissy, et al., 2000). Une autre étude suggère qu’en réponse à un dommage de l’ADN, E2F1 est acétylé et spécifiquement dirigé sur le promoteur de p73 afin d’induire l’expression de ce gène (Pediconi, et al., 2003).

Outre la stimulation directe de l’expression d’effecteurs pro-apoptotiques, il existe un second mécanisme utilisé par E2F1 pour induire la mort cellulaire : il s’agit de l’inhibition de signaux anti- apoptotiques ou de survie. Ainsi, E2F1 sensibilise les cellules d’ostéosarcome humain SaoS2 à l’apoptose par la voie de survie dépendante du facteur de transcription NF-κB (Phillips, et al., 1999). Dans ce modèle, la liaison du TNF α (Tumor necrosis factor) sur son récepteur TNFR stimule la voie NF-κB par l’intermédiaire d’un adaptateur, TRAF2 (TNF Receptor Associated Factor 2) (Chen and Goeddel, 2002). C’est à ce niveau qu’intervient E2F1 en induisant une diminution de l’expression de TRAF2. Par son effet inhibiteur sur TRAF2, E2F1 dirige donc les cellules vers un état de sensibilisation au ligand de mort TNF α. Dans ce système, E2F1 inhibe aussi l’activité des kinases IKK α et β conduisant à la rétention dans le cytoplasme de la sous-unité p65 de NF-κB, alors incapable de transactiver ses gènes cibles nucléaires (Phillips, et al., 1999). De plus, un autre mode d’inhibition de NF-κB par E2F1 a été décrit, par interaction directe de E2F1 avec les sous-unités Rel A/p65 de NF-κB, résultant en une diminution de l’affinité de liaison à l’ADN du complexe (Tanaka, et al., 2002). Un autre exemple d’inhibition de signaux anti-apoptotique mediée par E2F1 concerne la répression du promoteur du gène codant pour MCL-1, un membre anti-apoptotique de la famille BCL2 (Croxton, et al., 2002; Elliott, et al., 2001).

b) E2F1 : facteur anti-apoptotique

A l’inverse des études décrivant une fonction apoptotique de E2F1, des données plus récentes, assez inattendues, ont mis en évidence une activité anti-apoptotique de cette protéine. Ainsi, la surexpression de E2F1 peut induire l’expression de gènes de survie (Dimova and Dyson, 2005). De plus, les résultats issus de l’inactivation ou de la surexpression de E2F1 dans des modèles murins suggèrent qu’elle exerce une activité anti-apoptotique dans les keratinocytes où l’on a induit une mort cellulaire par irradiation aux ultra-violets B (Berton, et al., 2005; Wikonkal, et al., 2003). Cette forme d’apoptose pourrait représenter un mécanisme important de protection de l’épiderme contre les mutations induites par l’exposition aux ultraviolets. De façon importante, d’autres expériences d’inactivation de E2F1 au cours du développement chez la drosophile démontrent également l’existence d’activités simultanées anti-apoptotiques et/ou pro-apoptotiques du facteur en fonction du type tissulaire envisagé (Dimova and Dyson, 2005; Moon, et al., 2005).

Ces données, en apparence contradictoires, réhaussent donc le caractère ambivalent de la protéine E2F1 qui ne peut être simplement classée comme pro- ou anti-apoptotique. Au contraire, les fonctions exercées par E2F1 sont complexes et dépendent bien du contexte tissulaire, cellulaire et du stimulus. Ainsi, dans un contexte de croissance normale ou en présence de facteurs de croissance, l’activation de E2F1 pourrait contribuer à la progression dans le cycle cellulaire plutôt qu’à la survenue de l’apoptose, sa capacité à activer des signaux anti-apoptotiques de survie contribuant à cet effet. Dans ce contexte, il a été montré que l’activité pro-apoptotique de E2F1 était neutralisée par activation de la voie de survie cellulaire Ras-PI3 Kinase (Hallstrom, et al., 2008; Hallstrom and Nevins, 2003). De façon intéressante, il a aussi été montré qu’E2F1 active AKT (Chaussepied and Ginsberg, 2004), suggérant l’existence d’une boucle de rétrocontrôle anti-apoptotique initiée par E2F1. A l’inverse, l’activation anormale ou inappropriée de E2F1 en l’absence de signaux de croissance pourrait conduire à l’apoptose. L’importance de cette balance prolifération/apoptose contrôlée par E2F1 dans le maintien de l’homéostasie tissulaire est attestée par des données récentes montrant qu’une altération de cet équilibre coïncide avec un mauvais pronostic dans les cancers du sein et de l’ovaire (Hallstrom, et al., 2008).

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