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Anomalies affectant les protéines régulant l'épissage

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III.2 Les protéines SR

III.3.2 Anomalies affectant les protéines régulant l'épissage

Ces anomalies vont soit affecter des constituants de la machinerie basale d'épissage, soit des facteurs d'épissage ou des protéines interagissant avec eux (Figure 36, C et D). Bien que très peu documenté, des modifications post-traductionnelles, telles qu'une phosphorylation anormale des protéines SR, ou des modifications de la localisation subcellulaire de ces protéines pourrait aussi contribuer au processus de carcinogénèse. D'ailleurs, la kinase SRPK1 est surexprimée dans les cancers du sein, du colon, du pancréas et des testicules et est un facteur de résistance à l'apoptose induit par la gemcitabine et le cisplatine (Hayes, et al., 2006; Hayes, et al., 2007; Sanz, et al., 2002; Schenk, et al., 2004). De plus, une augmentation de l'expression des protéines SR de faible poids moléculaire et de leurs formes hyperphosphorylées a été observée dans les cancers ovariens (Fischer, et al., 2004). Lors de certains cancers comme les sarcomes d'Ewing, des translocations chromosomiques affectent les gènes EWS et TLS qui produisent des protéines liant l'ARN. Celles-ci sont impliquées dans le contrôle de l'épissage puisqu'elles interagissent avec certaines protéines SR. Les translocations entre ces gènes et des facteurs de transcription de la famille ETS (comme FLI-1) produisent des protéines chimériques possédant des propriétés oncogéniques (Janknecht, 2005). De façon importante, il a été montré que la protéine EWS-FLI-1 influence l'épissage alternatif de la cycline D1 en faveur de son isoforme oncogénique en modifiant la vitesse d'élongation de l'ARN polymérase II (Sanchez, et al., 2008). Dans la leucémie, la protéine BCR-ABL conduit à des défauts d'épissage par un mécanisme qui pourrait mettre en jeu sa capacité à induire la surexpression de la kinase SRPK1 (Salesse, et al., 2004). Les anomalies détectées dans les cancers peuvent aussi toucher certains composants de la machinerie basale d'épissage. Par exemple, la protéine U2AF35 qui reconnaît le site d'épissage 3' est sous- exprimée dans les cancers pancréatiques. Cette sous-expression conditionne la synthèse d'une isoforme constitutivement active du récepteur CCK-B (Cholecystokinin–B/gastrin) et stimule la prolifération cellulaire (Ding, et al., 2002).

Enfin, des anomalies touchant les protéines SR ont été décrites, et certains de leurs gènes cibles identifiés dans les cancers. Ainsi, une dérégulation de l'expression des protéines hnRNP et SR a été montrée pour la première fois dans les cancers du colon (Ghigna, et al., 1998). De plus, une augmentation de l'expression de certaines protéines SR dont SR2/ASF a été associée à la progression tumorale (Fischer, et al., 2004; Stickeler, et al., 1999; Zerbe, et al., 2004). Cette observation corrèle avec des modifications de l'épissage alternatif de CD44, une glycoprotéine membranaire impliquée dans les processus de migration et d'adhésion cellulaires, dans les cancers du sein chez la femme (Ghigna, et al., 2008). Une modification de la balance hnRNP A1/SF2/ASF dans les adénocarcinomes pulmonaires a aussi été décrite (Zerbe, et al., 2004). Ces données

suggèrent que des altérations dans l'expression protéique des protéines SR pourraient participer au processus du tumorigénèse. En accord avec cette hypothèse, il a été récemment montré que SF2/ASF est un proto-oncogène dont l'expression est augmentée dans les cancers du poumon, du colon et du foie et est suffisante pour transformer des fibroblastes immortels murins via le contrôle de l'épissage du gène suppresseur de tumeur BIN1 et des oncogènes MNK2 et S6K1 (Karni, et al., 2007). SF2/ASF est aussi capable de réguler l'épissage alternatif du proto-oncogène Ron conduisant à l'accumulation d'une isoforme constitutivement active ∆Ron, qui augmente la mobilité cellulaire impliquée dans le processus de métastases (Ghigna, et al., 2005). De plus, SC35 régule l'épissage du suppresseur de tumeur KLF6 en réponse à la cafféine (Shi, et al., 2008). En conclusion, des mutations affectant le choix des sites d'épissage, l'assemblage du splicéosome ou les facteurs régulant l'épissage pourraient participer au développement des cancers, via la modification de processus cellulaires cruciaux comme la prolifération cellulaire, l'apoptose ou l'invasion (Figure 37). Il reste maintenant à déterminer: (1) quelles sont les voies de signalisation impliquées dans ces effets; (2) quels facteurs protéiques contrôlent l'expression des facteurs d'épissage dans les cancers; (3) quels sont les facteurs d'épissage dérégulés dans les cancers et leurs gènes cibles dans ce contexte.

Figure 37: Causes et possibles conséquences fonctionnelles des anomalies affectant l'épissage des pré-ARNm.

Des mutations touchant des séquences agissant "en cis" ou des modifications de l'expression et/ou de l'activité des facteurs régulant l'épissage ou bien de la balance entre ces facteurs, modifient les patrons d'épissage de gènes spécifiques et conduisent à la dérégulation de processus cellulaires cruciaux tels que la prolifération cellulaire ou l'invasion cellulaire et au cancer. Des exemples de gènes dont l'épissage est anormal dans les tumeurs sont présentés

Adapté d'après Srebrow and Kornblihtt, 2006.

Les protéines SR/hnRNP Mutations agissant en -cis Altérations de l'épissage alternatif des transcrits

Dérégulation des processus cellulaires Prolifération FGFR Adhérence cellulaire Différenciation FGFR2 FGFR3 Invasion cellulaire CD44 VEGF KLF6 Rac1 Apoptose Caspase-2 Caspase-8 Caspase-9 Voies de signalisation Cancer BRCA1 KLF6 KIT

Cancer

Les protéines SR/hnRNP Mutations agissant en -cis Altérations de l'épissage alternatif des transcrits

Dérégulation des processus cellulaires Prolifération FGFR Adhérence cellulaire Différenciation FGFR2 FGFR3 Invasion cellulaire CD44 VEGF KLF6 Rac1 Apoptose Caspase-2 Caspase-8 Caspase-9 Voies de signalisation Cancer BRCA1 KLF6 KIT

Cancer

Le cancer du poumon résulte de l'accumulation séquentielle d'anomalies génétiques et épigénétiques au niveau de gènes clés contrôlant la division cellulaire, l'apoptose et/ou la sénescence. L'identification des événements moléculaires impliqués dans le développement tumoral offre des perspectives pour mieux connaître l'évolution de la maladie, pour identifier d'éventuels facteurs pronostiques mais aussi pour développer de nouvelles approches préventives et outils de détection précoce et thérapeutique.

Depuis plusieurs années, l'équipe qui m'a accueillie concentre ses efforts sur les voies de signalisation des deux gènes suppresseurs de tumeur, p53 et Rb, et travaille sur les mécanismes moléculaires conduisant à l'invalidation de ces voies dans les tumeurs bronchiques, résultant en une perte du contrôle de la prolifération cellulaire et/ou de l'apoptose. Comme je l'ai décrit dans l'introduction (Figure 3), les protéines p53 et RB se trouvent au centre d'un réseau de signalisation qui agit comme un "verrou moléculaire" protégeant la cellule de l'ensemble des activations oncogéniques situées en amont et qui peut inactiver ou déréguler ces voies. Le facteur de transcription E2F1, de part ses interactions directes avec les protéines p53 et RB, est un facteur situé à l'interface de ces deux voies et apparaît comme une protéine potentiellement impliquée dans la carcinogenèse broncho- pulmonaire. Des résultats préliminaires à mon travail obtenus au laboratoire avaient démontré l'existence d'une expression différentielle de E2F1 dans les cancers pulmonaires de différents types histologiques (Eymin, et al., 2001). Ainsi, E2F1 est faiblement exprimé dans les carcinomes pulmonaires non à petites cellules (CBnPC), et notamment les adénocarcinomes. A l'inverse, il est surexprimé dans les carcinomes neuroendocrines pulmonaires. Sur la base de ces résultats, une hypothèse avait été émise selon laquelle E2F1 posséderait des fonctions ambivalentes au cours de la carcinogenèse pulmonaire. Ainsi, dans les CBnPCs, la perte d'expression de E2F1 pourrait contribuer au processus de carcinogenèse par perte d'une activité bénéfique de la protéine. Inversement, dans les tumeurs neuroendocrines pulmonaires de haut grade, la surexpression de E2F1 contribuerait au statut hautement aggressif de ces tumeurs. Dans ce contexte, un des objectifs de mon travail visait à identifier de nouvelles cibles et voies de signalisation de la protéine E2F1 afin de mieux comprendre les conséquences biologiques pouvant découler de la dérégulation de son expression dans les cancers bronchiques.

En accord avec l'hypothèse faite que la faible expression de E2F1 détectée dans les CBnPCs pourrait contribuer à leur développement par perte d'une activité bénéfique, des travaux préliminaires à ma thèse ont démontré que la réintroduction de E2F1 dans différentes lignées cellulaires d'adénocarcinomes bronchiques induit leur apoptose (Salon, et al., 2006).

Au niveau moléculaire, ces travaux ont montré que E2F1 permet l'activation de la caspase-8 en diminuant spécifiquement l'expression de l'isoforme courte de la protéine anti-apoptotique c- FLIP et restaure ainsi la sensibilité des cellules tumorales à l'apoptose induite par les ligands des récepteurs de mort Fas et TRAIL (Salon, et al., 2006). L'observation qu'E2F1 régule différemment l'expression des transcrits alternatifs codant pour les isoformes longue et courte de la protéine FLIP nous a conduit à rechercher le rôle potentiel de E2F1 dans le contrôle des processus d'épissage alternatif des ARN pré-messagers dans le contexte de l'apoptose. Nous avons défini nos premiers objectifs qui étaient de rechercher si E2F-1 pourrait moduler l’expression de certains facteurs d’épissage. Nous nous sommes concentrés plus particulièrement sur la famille des protéines SR décrite dans mon introduction. Pour mettre en œuvre cette étude, nous avons utilisé comme modèle cellulaire d'étude un système Tet-On d'expression stable et contrôlée de E2F1 dans une lignée cellulaire issue d'adénocarcinome pulmonaire humain, déjà établie au laboratoire. Les résultats de cette étude ont permis d'identifier la protéine SR, SC35, comme une nouvelle cible transcriptionnelle de E2F1 et ont fait l'objet d'une publication dans Cell Death and Differentiation (Merdzhanova, et al., 2008 2008, Pages 1815-1823).

Dans un second temps, nous avons recherché si E2F1 en coopération avec SC35 pourrait moduler l'épissage alternatif d'autres gènes jouant un rôle important au cours du processus tumoral. Dans ce contexte, la seconde partie de mon travail de thèse a porté sur l'analyse du rôle potentiel des protéines E2F1 et/ou SC35 dans le contrôle de l'épissage du VEGF, un facteur de croissance primordial au cours du processus de néo-angiogénèse tumorale. Comme discuté dans l'introduction, deux groupes de variants d’épissage du VEGF possèdant des fonctions opposées: pro-angiogéniques (VEGFxxx) et anti-angiogéniques

(VEGFxxxb) ont été découverts (Bates, et al., 2002). Nous avons émis l'hypothèse que E2F1 en

coopération ou non avec SC35 pourrait jouer un rôle dans le contrôle de l'épissage alternatif des isoformes pro- et anti-angiogéniques du VEGF. Nous avons montré qu’E2F1 et SC35 modulent la balance des variants VEGFxxx et VEGFxxxb dans différents modèles des lignées de

carcinomes pulmonaires, et étendu ces résultats chez la souris nude, en démontrant que E2F1 inhibe la croissance tumorale « in vivo » via une modification du ratio VEGF165/VEGF165b.

Ces résultats font l'objet d'une seconde publication actuellement en préparation (Merdzhanova,

en préparation).

Finalement, sur la base de nos travaux démontrant la coopération entre E2F1 et SC35 au cours de l'apoptose, nous avons émis l'hypothèse d'un rôle de SC35 dans le contrôle des fonctions prolifératives de E2F1. Nous discuterons le résultat de ces recherches, faisant l'objet

d'un manuscript actuellement en préparation (Edmond, Merdzhanova et al), ainsi que présenterons certains des résultats préliminaires que nous avons obtenus, indiquant que E2F1 modifie le niveau de phosphorylation de SC35.

I E2F1 CONTROLE L’EPISSAGE ALTERNATIF DE

GENES IMPLIQUES DANS L’APOPTOSE EN

STIMULANT L’EXPRESSION DU FACTEUR

D’EPISSAGE SC35

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