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PNRU, ainsi qu’à assurer dans la durée son financement en revenant au respect par l’Etat de ses engagements. Le CESE formule par ailleurs des propositions visant à prendre en compte dans le PNRU I le Grenelle de l’environnement, le lien avec la politique de la ville et la participation des habitants, ainsi qu’à lancer rapidement un PNRU II pour éviter le stop and go.

d’un territoire. Ils accompagnent et traduisent les mutations sociales et territoriales qui traversent la société et permettent d’identifier à une échelle fine la place de chaque territoire par rapport à la moyenne nationale.

Les structurations régionales de la mortalité ont fortement évolué : l’Ouest et une partie du Nord-est ont connu une amélioration rapide de leur situation sanitaire, traduisant des mutations économiques et sociales importantes ainsi que des modifications des comportements et des modes de vie des populations. Ainsi, l’Ouest a bénéficié de la modernisation agricole et de la progression du système éducatif. A l’Est, un tissu industriel dense et diversifié a permis de maintenir une dynamique économique, malgré la crise profonde de certains secteurs (minier, sidérurgique). Transfrontaliers, les territoires de l’Est ont su tirer partie de l’ouverture sur l’Union européenne.

A un échelon plus local, certains bassins de vie ont aussi connu une amélioration de leur taux de mortalité tels les anciens bassins industriels des vallées alpines où le tourisme a supplanté les industries métallurgiques ou bien la région stéphanoise, devenue largement tertiaire et universitaire. Toutefois, les auteurs notent que le dynamisme économique ne suffit pas à enrayer la mortalité : une large part du littoral méditerranéen a connu une forte croissance de son taux de mortalité, initialement bas, mais qui s’est accru pour dépasser la moyenne nationale, tel le Languedoc-Roussillon qui a connu un développement des situations de précarité. Des zones rurales enclavées, comme l’Aveyron, le Nivernais, le Charolais ou le Mâconnais subissent la même progression. Les zones rurales vieillies, peu denses, à dominante agricole comme l’Auvergne ou le Finistère, au faible niveau sanitaire, peinent à rejoindre la moyenne nationale. Les campagnes ouvrières situées au nord d’une ligne Le Havre-Strasbourg, dont la Champagne-Ardenne ou la Lorraine, durablement marquées par l’empreinte industrielle traditionnelle, sont aujourd’hui en phase de fort déclin et de précarisation des populations, non sans influence sur leur santé.

Si l’étude met en lumière des blocs régionaux bien identifiés en matière de mortalité, elle identifie également une multitude de situations locales infrarégionales : la Picardie, l’Île-de-France, la Bourgogne ou la Franche-Comté sont marquées par une forte hétérogénéité des profils d’évolution de leur situation, en particulier entre les centres urbains, en situation plus favorable et leur périphérie urbaine et rurale caractérisée par des taux de mortalité élevés.

La cartographie servant d’appui à cette étude met en relief les traces des conditions de vie passées et de l’organisation sociale ou culturelle particulières des bassins industriels hérités de la première révolution industrielle du nord et de l’est de la France. Elle met de même en exergue les spécificités du littoral méditerranéen associant haute technologie et précarisation d’une partie de la population, ainsi que la persistance de comportements régionaux en ce qui concerne l’alimentation, la boisson, la manière de se soigner etc. Il existe aussi des liens entre regain de natalité et diminution de la mortalité : les territoires attractifs pour des raisons économique, touristique etc. favorisent l’implantation de populations jeunes, actives et en meilleure santé alors que les territoires les plus fragiles conservent captives des populations plus précaires.

Si, comme le notent les auteurs, il n’existe aucun déterminisme régional en matière sanitaire, la variété des situations locales constitue un marqueur des inégalités territoriales.

En ce sens, les dynamiques urbaines ont un impact réel sur les dynamiques sanitaires : la situation sanitaire est globalement meilleure en ville qu’à la campagne et meilleure dans les grandes villes que dans les petites villes. Les situations sanitaires entre les principales

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métropoles régionales ont tendance à s’homogénéiser. Les petites villes bien reliées au réseau urbain évoluent positivement en matière de santé ; à l’inverse, lorsque le système urbain est plus diffus, les petites et moyennes villes connaissent des situations plus contrastées, certaines basculant dans des situations sanitaires préoccupantes, comme en Bretagne hors bassin rennais.

Les zones où se concentrent les difficultés sanitaires comprennent donc des populations moins nombreuses mais plus éparses. Ce constat pose la question des politiques publiques les mieux adaptées : faut-il concentrer des moyens sur des zones démunies mais à faible population ou au contraire privilégier des zones très peuplées, touchant plus de personnes, même si elles sont moins touchées ?

L’étude du rapport d’Eloi Laurent montre que les zones périurbaines, porteuses de facteurs négatifs (distance élevée pour bénéficier des équipements, usage intensif de la voiture, facteur de pollution, d’accident et de diminution de l’activité physique) connaissent des situations différentes selon l’organisation initiale du semis urbain et les choix locaux de modèles de développement.

L’Île-de-France illustre les ségrégations spatio-temporelles issues de l’étalement urbain : les catégories les plus aisées de population résident dans les espaces les mieux desservis, offrant le plus d’agréments. Les disparités de santé qu’on y observe sont souvent plus importantes que celles observées entre la ville et l’espace rural. Les variations au sein du Bassin parisien y sont aussi grandes que celles qui existent entre le Nord et le Sud de la France.

L’offre de soins et l’accès aux soins sont aussi des facteurs déterminants de la santé des populations. Aux classiques et persistantes inégalités entre un Sud bien doté et un Nord défavorisé, s’ajoutent les inégalités pôles urbains/zones périphériques, quartiers aisés/

pauvres, zones touristiques/industrielles. Le choix d’implantation des médecins joue un grand rôle, s’ancrant dans une trame territoriale qu’il contribue fortement à modeler. Si les médecins n’ont jamais été aussi nombreux (214 000 en 2009), leur répartition sur le territoire est inégale : pour une densité médicale moyenne de 327/100 000 habitants, on en trouve 255/100 000 habitants en Picardie et 402/100 000 en Ile-de-France181.

L’Observatoire des territoires182 identifie une grande zone mal pourvue en médecins généralistes sur la moitié nord de la France et dans certains bassins de vie comme l’est du Cantal, le centre de la Lozère, l’Allier, l’Ain, la Haute-Savoie. Les bassins de vie où la densité de médecins est la plus élevée sont en revanche formés de territoires plus discontinus. Ils se situent surtout sur la frange littorale atlantique et méditerranéenne, dans certaines zones de montagne (Alpes et Pyrénées) et dans les chefs-lieux de départements. L’attractivité résidentielle et les aménités qui se trouvent sur ces territoires attirent plus qu’ailleurs les médecins qui y trouvent également une clientèle en partie fournie par les populations touristiques saisonnières.

Sachant que le nombre de médecins (facile à mesurer eu égard à la longueur des études et au numerus clausus) devrait diminuer de 10 % jusqu’en 2019 alors que celui de la population française va s’accroitre dans la même proportion (projections INSEE), le risque d’accroissement du nombre de « déserts médicaux » s’amplifie. Cette pénurie devrait

181 La France et ses régions, édition INSEE 2010 : quelles perspectives pour la démographie médicale ? Muriel Barlet, Laurent Fauvet, François Guillaumat-Tailliet, Lucie Olier.

182 Rapport 2011 de l’Observatoire des territoires.

bouleverser la répartition actuelle des médecins sur le territoire : la densité médicale régresserait plus vite que la moyenne nationale en Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées et serait très marquée en Ile de France, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, en Corse alors qu’elle diminuerait de façon plus modérée en Auvergne, Poitou-Charentes, Bretagne, Franche-Comté.

Les auteurs de ce volet consacré aux perspectives de la démographie médicale appellent l’attention sur la nécessité d’un pilotage plus prospectif de la répartition des postes aux « épreuves classantes nationales » (ECN), afin de réduire les inégalités régionales.

D’une manière plus générale, ces enquêtes démontrent que les services de soin participent pleinement aux structurations territoriales de la société. Inscrire la santé dans les outils d’évaluation du développement d’un territoire, c’est donc investir pour que, par les services proposés, ses conséquences sur la santé des populations et l’emploi induit, la santé devienne un réel enjeu du développement local. C’est en ce sens que l’avis rendu par le CESE en 2012 sur Les enjeux de la prévention en matière de santé183 demande d’initier une gouvernance nationale de la prévention avec une déclinaison territoriale adaptée.