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Des territoires inégaux devant la pauvreté

bouleverser la répartition actuelle des médecins sur le territoire : la densité médicale régresserait plus vite que la moyenne nationale en Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées et serait très marquée en Ile de France, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, en Corse alors qu’elle diminuerait de façon plus modérée en Auvergne, Poitou-Charentes, Bretagne, Franche-Comté.

Les auteurs de ce volet consacré aux perspectives de la démographie médicale appellent l’attention sur la nécessité d’un pilotage plus prospectif de la répartition des postes aux « épreuves classantes nationales » (ECN), afin de réduire les inégalités régionales.

D’une manière plus générale, ces enquêtes démontrent que les services de soin participent pleinement aux structurations territoriales de la société. Inscrire la santé dans les outils d’évaluation du développement d’un territoire, c’est donc investir pour que, par les services proposés, ses conséquences sur la santé des populations et l’emploi induit, la santé devienne un réel enjeu du développement local. C’est en ce sens que l’avis rendu par le CESE en 2012 sur Les enjeux de la prévention en matière de santé183 demande d’initier une gouvernance nationale de la prévention avec une déclinaison territoriale adaptée.

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redistributrices, un quart de la population des 2 départements précités et de la Corse passerait sous le seuil de pauvreté.

Le nombre de travailleurs pauvres, essentiellement constitués de travailleurs à temps partiel et/ou subissant des contrats courts et discontinus (notamment les jeunes à l’entrée de la vie active et les mères de familles monoparentales), varie également selon la structure de la population des territoires : l’Alsace et les Pays de Loire n’en comptent qu’environ 5 %, à rapprocher avec le faible taux de chômage, un taux d’emploi féminin élevé et une faible présence de familles monoparentales alors qu’en Languedoc-Roussillon, où le temps partiel est plus répandu qu’ailleurs, plus d’un travailleur sur 10 est pauvre.

Si ces écarts sont en partie liés à l’emploi, ils ressortent aussi de caractéristiques sociodémographiques qui font émerger six familles de territoires dont les profils peuvent être rapprochés.

Les 6 familles de territoires identifiées sont les suivantes :

– la 1ère est représentative de la métropole avec de faibles inégalités, un équilibre entre territoires urbains et ruraux, quelques villes moyennes ou importantes et une bonne diversification sectorielle du tissu productif. La part de populations à haut niveau de vie y est faible alors que sont légèrement surreprésentées les familles monoparentales : il s’agit du quart nord-ouest, de la Normandie, les Charente et une partie de la Côte d’Azur ;

– la 2ème concerne aussi le quart nord-ouest avec une faible pauvreté et peu d’allocataires de minima sociaux, des inégalités peu élevées, une population assez homogène avec une forte présence de ménages aux revenus confortables sans pour autant figurer parmi les plus riches, regroupés dans une « classe moyenne » tirant parti de la faiblesse du chômage et d’un fort taux d’activité féminine ; – la 3ème connait également une pauvreté relativement faible avec la présence de

populations à haut niveau de vie et un faible taux de chômage comme en région parisienne ou dans les territoires transfrontaliers. On compte dans cette famille l’Alsace, Rhône-Alpes et le Bassin parisien ;

– Paris et une grande partie de sa banlieue constituent une famille à part entière avec une pauvreté faible mais intense notamment chez les personnes seules ou les familles monoparentales, avec de très fortes inégalités en raison de la coexistence entre très hauts et très bas revenus ; le niveau de vie des 10 % les plus riches est 6 fois supérieur à celui des 10 % les plus pauvres contre 3,4 fois en moyenne nationale. Bien que 40 % des actifs soient cadres ou y exercent des professions libérales, le taux de pauvreté est proche de la moyenne186.

– les deux dernières familles concentrent les plus fortes situations de pauvreté : le Nord-Pas de Calais, l’Aisne et les Ardennes, le Languedoc-Roussillon, la Corse et la Provence, le Lot-et-Garonne et le Tarn-et-Garonne : la pauvreté est très élevées et très intense particulièrement chez les jeunes, les familles monoparentales et les personnes résidant en milieu urbain. Les ménages se situant juste au dessus du seuil de pauvreté sont surreprésentés et la part des allocataires de minimas sociaux est élevée tout comme le sont les inégalités. En raison de ses particularités démographiques et économiques, la Seine-Saint-Denis, bien que située en

Ile-de-186 « Aides sociales à l’insertion et aux personnes âgées, les situations contrastées des départements » INSEE Première n° 1346 (2011).

France, peut se rattacher à ce groupe ; en Seine-Saint-Denis, la part de bénéficiaires du RSA est le double de la moyenne nationale (8,3 % contre 4,3 %) ;

– les départements ruraux du Sud de la France, près du Massif central, où la pauvreté est élevée et essentiellement centrée sur les retraités. Les inégalités sont faibles et la pauvreté est principalement rurale.

Cette typologie des territoires peut être enrichie par deux constats complémentaires effectués par l’ONPES dans son rapport 2011-2012 :

– la pauvreté touche fortement les zones urbaines sensibles, en 2009 la part des personnes vivant sous le seuil de pauvreté y est de 32,4% soit un taux 2,7 fois plus élevé que celui de leur agglomération. Les bénéficiaires des dispositifs soumis à condition de ressources sont également surreprésentés dans ces quartiers187. – bien que les données relatives à la pauvreté en Outre-mer soient peu nombreuses

et difficilement comparables faute de sources identiques, l’INSEE dans une étude de 2010 fait apparaître un revenu médian en métropole plus élevé - de l’ordre de 60 %- que celui Outre-mer. Cet écart s’explique notamment par un taux de chômage très supérieur à la moyenne nationale, celui -ci touche plus d’un quart de la population active de même le taux d’ayants-droit aux minima sociaux est trois fois plus élevé qu’en métropole.

Il convient par ailleurs de noter que, même si elle constitue une région riche avec une part de personnes pauvres au seuil de 60 % inférieure à la moyenne nationale, l’Île-de-France, du fait de son poids dans la population totale, est la région qui concentre le plus de personnes pauvres188.

La pauvreté est un phénomène multi-dimensionnel et cumulatif. Le Conseil européen a retenu pour son objectif de réduction de la pauvreté à l’horizon 2020 un indicateur qui regroupe toutes les personnes concernées par au moins l’une des trois dimensions suivantes : pauvreté monétaire relative, privations matérielles sévères (parmi une liste de 9 items), très faible intensité du travail dans le ménage. L’inégalité des territoires devant la pauvreté n’est donc pas sans lien avec l’inégalité devant l’emploi et la crise économique évoquée précédemment.

De même, les inégalités territoriales constatées en matière de chômage, d’emploi, d’accès au logement et de santé ont- des conséquences très différentes selon les territoires en matière de pauvreté (reste à vivre).

L’avis Quelles missions et quelle organisation de l’Etat dans les territoires ? souligne que les dépenses de solidarité nationale doivent être intégralement financées par la solidarité nationale, quel que soit leur gestionnaire. Les coûts inhérents à leur gestion doivent être justement compensés afin de garantir aux personnes concernées une égalité de traitement dans tous les territoires189.

187 En ZUS en 2010, la CMUC bénéficiait à un assuré sur cinq, soit 2,4 fois plus que dans les unités urbaines abritant ces ZUS ; en ZUS, pour 22 % des allocataires des CAF, les ressources sont constituées exclusivement des prestations versées par la CAF, contre 15 % dans les agglomérations abritant les ZUS.

188 Rapport de l’ONPES 2011-2012, p.30.

189 Avis Quelles missions et quelle organisation de l’Etat dans les territoires ?, rapporté par Jacqueline Doneddu, (2011), p. 15.

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La nécessaire prise en compte des inégalités