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CHAPITRE I PROBLÉMATIQUE DE RECHERCHE

1.3 Inégalités et autochtonie

1.3 Inégalités et autochtonie

Le tourisme pourrait être la panacée économique pour les communautés autochtones (Bunten, 2010 : 285), qui se caractérisent par un taux élevé du chômage et un niveau bas de scolarisation et de revenus (Notzke, 2006 : 36). Par contre, le tourisme autochtone accentue parfois les inégalités économiques et sociales en raison de l'absence de mécanismes de distribution équitable des recettes entre les investisseurs allochtones et leurs homologues autochtones (Bunten, 2010 : 286; Coria et Calfucura, 2012 : 47, 50). Bien que le tourisme autochtone soit en croissance à l'échelle mondiale, beaucoup de peuples autochtones n'en profitent pas équitablement (Bunten, 2010 : 286). Il existe souvent une disproportion dans la distribution des recettes touristiques entre les voyagistes étrangers, qui en reçoivent la majorité, et les autochtones, ce qui crée des inégalités économiques (Blake et collab., 2008; Barton et Leonard, 2010).

Dans plusieurs pays sous-développés comme les Fidji, les gouvernements encouragent l'investissement étranger alors que les entreprises autochtones reçoivent moins de soutien financier (Spenceley et Meyer, 2012 : 307). Le tourisme augmente ainsi la disparité de richesse entre les entreprises étrangères et celles autochtones au lieu de la diminuer (Trau, 2012 : 153). D'ailleurs, plusieurs entreprises autochtones ne restent pas longtemps sur le marché, car elles ne parviennent pas à atteindre le succès et la rentabilité permanente, et finissent par fermer leurs portes (Butler et Hinch, 2007c : 324). De nombreux exemples, en Afrique, montrent que les entrepreneurs locaux ont de la difficulté à exploiter leurs entreprises, car ils souffrent d'un manque de ressources financières, d'un manque d'outils d'accès au marché, d'un manque de publicité, de l'absence de réseaux de communication et de distribution (Spenceley et Meyer, 2012 : 298).

De plus, il existe souvent des inégalités entre les employés autochtones et expatriés relativement aux salaires et aux conditions du travail (Dyer et collab., 2003 : 84;

Mbaiwa, 2003 : 454). À cause de leur scolarisation inférieure et de leur manque de compétences, les autochtones seraient employés dans des postes subalternes faiblement rémunérés, ce qui restreint leurs possibilités d'améliorer leurs conditions de vie (Dyer et collab., 2003 : 84). C'est pourquoi Mbaiwa (2003 : 454) estime que bien que le tourisme contribue positivement à la génération de revenus, il existerait tout de même une disparité des salaires entre le personnel local et celui expatrié, même quand ils occupent des postes semblables. Il note que dans plusieurs destinations autochtones, comme le delta de l'Okavango au Botswana, la plupart des employés expatriés, contrairement aux autochtones, ont le droit à des pourboires généreux libres d'impôt (Mbaiwa, 2003 : 454). Ils ont aussi le droit de prendre des congés dans leurs villes ou pays, d'avoir des allocations d'éducation pour leurs enfants, des allocations de logement et de congé (Mbaiwa, 2003 : 454).

En outre, les autochtones ne sont pas seulement exposés à des inégalités économiques et sociales, car ils sont également soumis à des inégalités politiques en tourisme. Le fait que l'industrie du tourisme soit détenue et contrôlée, d'une manière prédominante, par des acteurs allochtones extérieurs indique qu'il n'y a pas un accès égal à l'utilisation des ressources ni à la prise de décisions entre les populations autochtones et les voyagistes étrangers (Mbaiwa, 2003 : 458). Ainsi, dans plusieurs destinations autochtones, comme le delta de l'Okavango, au Botswana, les populations autochtones sont économiquement et politiquement marginalisées, non seulement concernant l'accès au tourisme, mais aussi pour la prise de décisions en matière de gestion et de conservation des ressources naturelles (Mbaiwa, 2003 : 460). C'est également le cas en Bolivie, où la législation sur le tourisme n'assigne aux communautés autochtones qu'un rôle marginal en matière de gestion et du contrôle des ressources naturelles (OMT, 2005 : 43). Dans le même contexte, Bottazzi (2006 : 27) souligne que dans le comité de gestion de la réserve de Pilón Lajas, en Bolivie, les représentants autochtones ne sont pas suffisamment présents aux réunions pour avoir une influence sur les décisions prises. Le pouvoir est détenu, en général, par le directeur de la réserve et « l'argument

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d'absence de ressource est souvent utilisé pour justifier la non-présence des représentants autochtones provenant des communautés isolées » (Bottazzi, 2006 : 27).

En revanche, la marginalisation des autochtones au processus décisionnel ne se limite pas aux pays du Sud, mais elle apparaît également dans les pays du Nord. Au Canada, par exemple, la création des parcs nationaux dans les territoires nordiques n'a pas toujours tenu compte des intérêts des populations autochtones (Bibaud, 2012 : 39). Plusieurs d'entre elles ont été obligées de se déplacer de leurs territoires ancestraux choisis pour implanter des parcs ou des aires protégées (Bibaud, 2012 : 39). De plus, les autochtones se sont vu refuser l'accès aux ressources naturelles qu'ils utilisaient traditionnellement (Bibaud, 2012 : 39). En Nouvelle-Zélande, même s’ils ont atteint un certain degré de pouvoir politique et d'autonomie, les Maoris restent l'un des groupes les plus défavorisés dans le pays (Gibbs, 2005 : 1369). Ils connaissent un niveau de scolarisation plus faible, un taux de chômage plus élevé et une santé moins bonne que les Pakeha – les Néo-Zélandais non maoris, principalement d'origine européenne (Gibbs, 2005 : 1369).

En revanche, les inégalités économiques, sociales et politiques dans les territoires autochtones ne se trouvent pas uniquement entre allochtones et autochtones, mais elles pourraient également avoir lieu au sein de la même communauté, c'est-à-dire dans un rapport autochtone/autochtone. À un niveau micro, les inégalités en tourisme peuvent persister entre les différentes couches de la communauté autochtone, c'est-à-dire entre les « puissants » et les autres membres de la communauté (Schilcher, 2007b : 170). À ce sujet, Ramos et Prideaux (2014 : 475) notent que dans plusieurs communautés, comme les Mayas au Mexique, la participation des jeunes autochtones en tourisme est souvent passive, car ils n'ont pas de voix dans la prise de décision communautaire. En raison de la structure de la gouvernance autochtone locale où seuls les propriétaires fonciers ont le droit de vote dans les décisions communautaires, les membres les plus jeunes de la communauté maya sont largement ignorés (Ramos et Prideaux, 2014 :

476). Ils se sentent ainsi dépourvus de pouvoir (disempowered) par rapport à leur désir de s'engager davantage en tourisme (Ramos et Prideaux, 2014 : 475).

1.4 Changement de paradigme et projet d'étude

La revue de littérature nous a permis d'identifier les lacunes des savoirs qui formulent notre problématique. Nous les classifions sous trois thèmes, soit les formes de participation, le degré de participation et les obstacles à la participation.

L'étude de la gouvernance dans le tourisme autochtone ignore souvent le fait que le pouvoir est inégalement distribué au sein de la même communauté. Les écrits consultés étudient souvent la communauté autochtone comme un groupe homogène sans prendre en compte la hiérarchisation du pouvoir et les différentes classes politiques et sociales qui se trouvent dans la même communauté. Certains groupes ou individus ont une plus grande influence puisqu'ils possèdent davantage d'expertise, des ressources financières, des relations publiques et des connaissances. Cette hiérarchisation du pouvoir est très critique, car elle peut limiter ou même entraver la participation politique des groupes marginalisés comme les femmes et les jeunes.

Notre recherche vient ainsi combler cette lacune des savoirs en analysant les formes de participation citoyenne côte à côte avec celles de la participation communautaire dans la gouvernance des territoires touristiques autochtones. À ce sujet, la participation citoyenne se définit comme un processus de redistribution du pouvoir qui permet aux citoyens marginalisés, actuellement exclus des processus politiques et économiques, d'être délibérément inclus dans le processus de prise de décision (Arnstein, 1969 : 216). Les dispositifs participatifs sont nombreux, tels que : les audiences publiques, les budgets participatifs, les assemblées citoyennes, les conférences de consensus, les forums ouverts et la sélection aléatoire (Bherer, 2006; Fung, 2006). Nous nous