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Design de la recherche, collecte et analyse des données

Chapitre 4. Design de la recherche, méthode de collecte et d’analyse de données p

1. DESIGN DE LA RECHERCHE

1.3. Implications méthodologiques du statut d’insider

1.3.1. Etat des lieux de la littérature selon une perspective ethnographique, anthropologique et sociologique

C’est via l’ethnologie et les recherches de Malinowski (1922) sur les populations des îles Trobriand que s’est tout d’abord initiée la réflexion sur la position du chercheur en tant que participant plutôt qu’observant.

A sa suite, les tenants de « l’observation participante » ont révélé le caractère peu viable de la « place ordinaire de l’ethnographe, celle de qui prétend désirer ‘savoir pour savoir’ » en cela qu’elle ne ferait que masquer un jeu de dupes entre le chercheur observant et celui qui, se sachant observé, s’intéresserait in fine moins à communiquer son savoir qu’a mesurer celui du chercheur (Favret-Sadaa, 1977, p.30). Plus tard, en sociologie, Bourdieu (2007[1993]) développera et complétera cette idée et définira la notion d’effet d’imposition.

D’autre part, les ‘nouveaux ethnologues’ soulignent que le fait d’avoir partagé le sort et les expériences que vit la population que l’on étudie aiderait à mieux la comprendre (Evans-Pritchard 1937 cité par Favret-Sadaa, 1977, p.28). Enfin, ils dénoncent l’illusoire neutralité de l’ethnographe et l’idéal de totale a-topie du sujet théoricien tel que prôné par les post- structuralistes, et ce à plus forte raison lorsque la parole joue un rôle clef dans l’objet d’étude (Favret-Sadaa, 1977, p.30-33). Ainsi, dans son étude sur la sorcellerie dans le bocage breton, Jeanne Favret-Sadaa (1977) dévoile le pouvoir magique de la parole dans les rituels de désenvoûtement et affirme : « en sorcellerie, la parole, c’est la guerre (…) Il n’y a pas de place pour un observateur non engagé » (Favret-Saada, 1977, p.27). Ainsi, on parle toujours depuis quelque part et l’ethnographe ne saurait se soustraire à cet état de fait.

En sociologie, l’Ecole de Chicago (1920-1930) a ouvert la voie à une riche tradition d’observation participante en se donnant pour mission de décrire l’homme dans son environnement et en considérant la ville comme un véritable laboratoire. Quelques années plus tard, dans sa thèse sur les gangs, qui constitue un travail fondateur, William Foote Whyte (1943) a théorisé le degré de participation du chercheur, le rapport enquêteur-enquêté, la systématisation de l’observation, le traitement premier du matériau collecté (en privilégiant entre autre le classement thématique des notes, au traitement chronologique) et s’est confronté à la question du langage (comment (re)traiter le langage paillard de la rue lorsqu’il s’agit de s’adresser aux chercheurs?). A sa suite les projets de recherche de la « Seconde Ecole de Chicago », marqués

entre autre par le travail d’Erwin Goffmann sur l’hôpital psychiatrique (1961) et celui d’Howard Becker (1963, 2003) sur les fumeurs de cannabis a creusé le sillon de la sociologie participante.

1.3.2

La perspective des sciences de gestion sur la recherche menée par des ‘insiders’

Alors même qu’en ethnographie, en anthropologie et en sociologie, un consensus paraît établi sur l’intérêt et la viabilité scientifique des démarches d’observation participante, dans les sciences de gestion, le débat est encore vif.

a. Considérations épistémologiques et méthodologiques sur la position de chercheur- insider

La recherche académique menée par des insiders en sciences de gestion ne reçoit encore qu’une faible considération (Coghlan & Brannick, 2005 ; Brannick & Coghlan, 2007 ; Chavez, 2008) et lorsque c’est le cas, c’est souvent pour souligner son insuffisante capacité à générer de la théorie, son caractère peu conforme aux standards ‘classiques’ de rigueur du fait du fort enjeu personnel et parfois émotionnel de la recherche (Anderson, Herr & Nihlen, 1994) ou encore la difficulté qu’il y à a étudier une organisation dans laquelle on est partie prenante (« The dual roles of investigator and employee are incompatible, and they may place the researcher in an unantendable position », Morse (1994)).

Le relatif flou terminologique (‘insider’, ‘native’, ‘indigène’) témoigne d’ailleurs de la difficulté à appréhender ce type de recherche qualitative. Un courant se développe toutefois qui n’élude pas les défis propres à ce type de démarche mais entend affirmer la valeur théorique et la potentielle puissance de dévoilement du ‘réel’ de la recherche académique menée par des insiders (Alvesson, 2003 ; Beoku-Betts, 1994 ; Brannick & Coghlan 2007 ; Chavez, 2008 ; Coghlan & Brannick, 2005 ; Kanhua, 2000).

Afin de battre en brèche la prétendue faible valeur théorique de la recherche menée par des insiders, certains chercheurs se plaisent à rappeler qu’in fine, la théorie des organisations et le management ne sont eux-mêmes qu’un réseau de concepts et théories engagées dans une lutte visant à imposer une vision de la vie des organisations plutôt qu’une autre, et cela relativement à l’épistémologie à laquelle on se rattache (Reed, 1996 cité par Coghlan & Brannick, 2007). Ils questionnent par ailleurs, la pertinence de la dichotomie outsider/insider, affirmant que les outsiders et les insiders font face aux même challenges méthodologiques pour ce qui est de la question de la position du chercheur, de la réflexivité, de sa connaissance pré-existante liée à sa

place dans l'ordre social ; le chercheur faisant appel à des méthodologies qualitatives ne pouvant jamais s'assurer que ses observations, interprétations et représentations ne soient pas affectées par ses différentes identités et positions (Gergen & Gergen, 2003, P.595). Ainsi, ils posent que le chercheur est toujours d’une manière ou d’une autre co-participant de la recherche, en cela qu'il se positionne par rapport aux participants de la recherche et que les participants de la recherche se positionnent par rapport à lui (Ellis, 2004; Gergen & Gergen, 2000)

Par ailleurs, ils opposent à la critique d’absence d’objectivité du chercheur-insider le fait que nous sommes tous insiders de différents systèmes (famille, communautés, organisations) dont nous avons une connaissance riche et complexe. En s’astreignant à une véritable réflexivité, le chercheur-insider serait à même de développer une connaissance tout autant riche et complexe de son objet de recherche (Alvesson, 2003; Brannick & Coghlan, 2007 ; Coghlan & Brannick, 2005 ) que celle que nous avons de notre famille, nos communautés, nos organisations.

Enfin, en réponse au possible biais positif dont pourrait pâtir l’insider dans le cas où la connaissance, la culture et l'expérience partagée avec l'informant agirait comme un filtre positif ('rose-colored observational lense', Chavez, 2008) ils opposent le manque de fondement empirique de ces critiques lié au faible nombre de recherche menées par des insiders et à l’insuffisant travail méthodologique existant pour vraiment caractériser 'ce qui se passe' quand on fait de la recherche en insider.

b. De la difficulté de conceptualiser la position d’insider

Il n’existe pas de définition précise de l'insider. Le principal défi inhérent à la notion d’insider est de caractériser le degré d'expérience sociale à partir duquel un chercheur peut légitimement se voir garantir la qualité d'insider (Chavez, 2008).

Adler & Adler (1987) ont ainsi défini trois types d’adhésion (traduction personnelle proposée pour la notion de ‘membership’): l’adhésion périphérique, l’adhésion active et l’adhésion complète. L’adhésion complète est définie par opposition à l’adhésion active (« researchers who temporarily joint the organization for the purposes and duration of the research ») et offrirait l’opportunité au chercheur d’acquérir une compréhension dans l’action plutôt qu’une compréhension reconstituée.

Banks (1998) conceptualise la position d'insider le long d'un continuum mesurant le degré de distance ou de proximité (intellectuelle ou culturelle) que le chercheur entretient avec la communauté indigène. Il définit ainsi à un extrême la figure de l’‘indigenous-insider’ : socialisé dans la communauté, il en adopte les valeurs et perspectives, en maîtrise la culture et est perçu comme étant un membre légitime de cette même communauté, autorisé à s’exprimer en son nom.

A l’autre extrême, l’‘external-outsider’ a été socialisé en dehors de la communauté mais en a adopté la perspective culturelle et les valeurs. Au centre, l’‘indigenous-outsider’, bien qu’ayant été élevé au sein de la communauté indigène en a peu a peu rejeté les codes jusqu’à être finalement moins proche de la communauté qu’un ‘external-insider’, socialisé en dehors de la communauté mais qui en a adopté les codes, valeurs et la perspective culturelle.

Figure 16- Typologie des chercheurs cross culturels (Adapté de Banks, 1998 par Chavez, 2008)

Toutefois cette approche d'un continuum linéaire ne suffit pas à refléter la complexité de la situation du chercheur insider. Naples (1996, p.140) affirme ainsi que la position d'insider, tout comme celle d'outsider n’est pas statique, mais plutôt évolutive, mouvante, perméable au positionnement social du chercheur qui peut être ressenti et exprimé de façon différente par chaque membre de la communauté. Le chercheur négocie donc perpétuellement entre différentes identités sociales. Naples (1996) affirme par ailleurs que ni les insider, ni les outsiders n'ont le monopole de / un avantage sur la question de l'objectivité. D’autres distinctions du degré d’expérience sociale du terrain d’étude ont été plus récemment proposées ; comme celle définie par Kanhua (2000) entre « being native » et « going native » ou par Alvesson (2003) qui préfère la notion d’‘observing participant’ à celle de ‘participant observer’ la participation étant entendue comme arrivant en première instance et comme n’étant qu’occasionnellement complétée par une observation à visée de recherche.

c. Spécificités méthodologiques de la position d’insider dans la perspective des sciences de gestion

Brannick & Coghlan (2007) ont caractérisé les dynamiques de la recherche menée par les insiders selon quatre dimensions : (1) l’accès au terrain, (2) la compréhension préalable du terrain, (3) la dualité de rôles, (4) la capacité à gérer la dimension politique de l’organisation.

Nous allons, dans la suite de ce paragraphe, nous efforcer de présenter un état de la réflexion académique en sciences de gestion existant à date sur ce sujet et, dans une démarche réflexive, de lire notre projet de recherche au regard de ces 4 dynamiques.

La question de l’accès au terrain

Certains chercheurs considèrent que la familiarité avec la communauté étudiée autorise un rapport direct, quasi instantané à l’objet de recherche (De Andrade, 2000; Merriam et al., 2001; Sherif, 2001; Stephenson & Greer, 1981), alors que d’autres au contraire considèrent qu’elle ne les a pas délivré des complications liées à la position de chercheur (Kusow, 2003; Chavez, 2008). Dans certains cas, la position d’insider pourrait même générer une « dette » supplémentaire pour le chercheur envers la communauté, dette dont l’outsider n’aurait a priori pas à souffrir. Ainsi, Chavez (2008) décrit l’obligation de « rendre un service » et de « parler en bien de la communauté » qui a vu le jour à partir du moment où il a débuté son projet de recherche consacré à l’étude de différentes générations de sa propre famille d’émigrés mexicains aux Etats-Unis. Dans le cas de notre propre projet de recherche, notre position d’insider nous considérablement facilité l’accès à la communauté des cadres du luxe. Nous allons nous employer à caractériser cette facilité d’accès.

 Faciliter une parole libre. Notre travail ne constitue pas une « recherche sensible » au sens strict où l’entendent les auteurs référents de ce champ (Lee, 1993 ; Renzetti et Lee, 1993), toutefois, il porte sur un sujet sensible en cela qu’il nécessite d’avoir accès aux espaces privés (« back regions ») des individus ou des organisations, espaces seulement accessible aux insiders (De Laine, 2000). C’est bien le cas de notre sujet de recherche. En effet, en premier lieu, le système de management des organisations de luxe est demeuré relativement traditionnel (Sicard, 2010), ayant peu la culture du débat ou de l’autocritique. De fait, interroger le rôle de la marque (valeur cardinale du luxe s’il en est !) dans les processus de RI ouvre possiblement la voie à des cas illustrant des pratiques potentiellement défaillantes, ce qui est difficilement audible en l’état actuel de la culture des conglomérats. En soit, aborder cette question constitue déjà une forme de prise de risque par rapport à l’industrie, pour le chercheur comme pour les répondants, qui pourraient donc avoir tendance à ne pas accepter de répondre à une recherche de ce type menée par un outsider. En outre, la puissance d’imagerie du luxe et de ses marques est tellement forte qu’il est peu aisé pour l’un de ses managers d’oser exprimer à l’externe une forme de questionnement face à ces marques qui font rêver tout le monde. On comprend donc qu’il est plus acceptable de partager ces interrogations avec un insider, à qui l’on peut prêter une compréhension commune de ces réalités intimes de l’industrie.

Si « en sorcellerie, la parole, c’est la guerre » (Favret-Saada, 1977, p.27), dans le luxe, la parole, c’est le statut ; c’est ce qui fait (ou a tout le moins cela y contribue très fortement) la valeur professionnelle perçue des managers. Le luxe est une industrie du langage ; celui du vendeur qui met en mots les gestes de l’artisan, la beauté des matières, la technicité des savoir-faire, celui du commercial qui convainc un revendeur d’acheter un nouveau modèle de plus alors que son coffre est encore riche de stock, celui des attachés de presse qui à chaque nouvelle collection, chaque nouveau défilé réinventent l’histoire de la Maison, celui des designers qui évoquent les heures passées à explorer les archives et la fulgurance de l’inspiration, celui des managers qui savent se faire l’écho de l’esprit de la marque, de la tendance de la saison, de la stratégie globale de l’entreprise, de la réalité locale de leur marché et c’est pour tous (dans une mesure plus ou moins intense) le langage qui explicite la place de chacun au sein d’une entreprise, d’un Groupe, d’une industrie souvent qualifié de très politique dans les entretiens. On ne peut exister dans le luxe si l’on ne sait pas maitriser les mots, jouer avec eux, les dominer pour dominer le réel, pour exister dans l’organisation. C’est une industrie qui est née en boutique portée par le verbe des vendeurs, par une forme (certes raffinée) de ‘bagou’ qui constitue un élément du capital social commun aux membres de l’organisation de façon large. Ainsi, l’exercice d’interroger un manager du luxe peut se révéler ardu pour un ‘outsider’. Notre proximité, notre contigüité avec notre terrain nous prémunissait contre une certaine ‘langue de bois’ : si les personnes travaillant sur la marque savent comment ‘to talk brand-talk’ (Bengtsson & Ostberg, 2006), ce n’est pas le genre de discours que l’on pourrait décemment ‘revendre’ à un ‘insider’, sous peine de passer pour un professionnel incapable de décrypter les tenants et les aboutissants de l’industrie dans laquelle il évolue. Notre position de ‘collègue de l’industrie’ nous a donc autorisé à accéder directement à un niveau profond du discours et du vécu managérial et à (dans une certaine mesure) contenir le piège du « paradoxe épistémologique » (Ybema et al. 2009 :305) auquel font face les approches discursives de l’identité, en évitant que les répondants ne nous ‘servent’ une vision essentialiste idéalisée du soi.

 Facilité d’accès à un nombre relativement important de personnes : le luxe est un petit univers, où les équipes sont relativement courtes et régulièrement sous-staffées ces dernières années. A titre d’exemple, Cartier compte environ 5.000 salariés dans le monde, mais seulement 400 en son siège parisien, dont tous ne sont bien sûr pas managers. Les gens sont donc relativement peu nombreux (si l’on compare par exemple au secteur bancaire ou industriel) et relativement peu disponibles. Nous avons eu la chance de pouvoir interroger un échantillon

relativement large de plus de 59 managers de l’industrie pour l’ensemble de notre travail de thèse - et ce pour une durée relativement longue (30 minutes à 2 heures – durée moyenne 48 minutes).  Facilité d’accès à un échantillon qualifié. Après plus de 15 ans d’activité professionnelle au sein de l’industrie de luxe, pour le compte de différentes marques, de différents groupes, de différents secteurs d’activité (Joaillerie, Mode, Produits technologiques, Horlogerie), nous disposions au début de ce travail de thèse d’un réseau varié et nourri. Nous avons donc abordé la phase de sélection de l’échantillon avec en tête l’idée de ne pas interroger tout le monde, mais plutôt de sélectionner au sein de ce vaste réseau, les personnes qui nous semblaient les plus représentatives de l’industrie, du fait de leur niveau d’expérience dans l’industrie, de leur niveau de séniorité au sein de leur organisation, ou de leur réputation au sein de l’industrie. Notre démarche n’était donc pas d’interroger ‘un maximum de personnes’, mais d’interroger les bonnes personnes, celles dont la relative séniorité dans l’industrie autorisait à penser qu’ils devaient d’une part jouir d’une certaine maturité, d’une certaine capacité de réflexivité par rapport à leur métier et leur industrie, et d’autre part qu’ils avaient pu être les témoins des récents bouleversements vécus par l’industrie du luxe ces 10-15 dernières années. Ainsi, le nombre d’années moyennes d’expérience dans l’industrie du luxe de notre échantillon global (59 personnes) est de 14.3 années. Par ailleurs, nous nous sommes attachés à ce que notre échantillon reflète autant que faire se peut la diversité de l’industrie, afin d’échapper à tout possible biais sectoriel (nous détaillerons plus avant les caractéristiques de notre échantillon dans le chapitre 2.1.)

 Facilité à tenir un rythme pertinent pour la recherche. Notre accès facilité au réseau a permis de concentrer la phase exploratoire puis la phase confirmatoire sur deux temps relativement contenus mais sur une période toutefois signifiante. En effet, notre récolte de données s’est étalée sur 18 mois, entre janvier 2014 et le printemps 2016, nous fournissant une perspective longitudinale intéressante et riche sur l’industrie. Dans le même temps, chaque période de récolte de données s’est concentrée sur un temps relativement court d’environ 3 à 5 mois. Le luxe est devenu ces dernières années - comme tous les autres secteurs d’activités, mais de façon peut-être plus nouvelle pour ce secteur jusque là très imperméable aux bruits du monde et réputé préservé de la crise - très sensible aux chocs externes. La sensibilité aux fluctuations des devises, effet de la loi anti-corruption en Chine, effet de la crise (géo)politique en Russie et au Moyen-Orient en constituent quelques exemples. En conséquence, le fait d’interroger des managers appartenant à des secteurs variés (Mode, Horlogerie, Joaillerie) sur un temps court,

nous a permis de limiter l’impact possible de facteurs externes sur certains secteurs dans les données collectées, et de donner une photo instantanée de l’industrie ‘toutes choses égales par ailleurs’.

Nous sommes persuadés qu’il aurait été beaucoup plus difficile (ou alors beaucoup plus long) pour un outsider d’avoir accès à un nombre aussi important de managers seniors, sur un échantillon aussi varié et à la fois représentatif de l’industrie.

 Accéder à des données riches et variées: avoir travaillé à la fois pour des marques indépendantes ou appartenant à de grands Groupes, pour des marques d’horlogerie-joaillerie ou de mode, pour des marques en lancement ou des marques fêtant leur 150° anniversaire a constitué un atout dans le processus de collecte des données primaires (comme évoqué plus haut) mais aussi secondaires. J’ai en effet pu, au fil de ces années en entreprise, collecter des données secondaires riches et variées, avoir accès à des événements nombreux (meetings internes, entretiens d’évaluation, recrutement de personnel, comités de développement produit, foires professionnelles, briefs à des prestataires externes, sessions de ventes, etc, etc), de différente nature, impliquant des interlocuteurs de différent type (internes/externes, clients/prestataires, de différent niveaux hiérarchiques, de différents services, de différentes filiales ou entités géographiques) auxquelles un outsider n’aurait en aucun cas pu avoir accès (Chavez, 2008). Mon réseau d’amis est par ailleurs composé de nombreux ex-collègues et les occasions de se retrouver sont toujours prétextes à échanger sur l’industrie (comme certainement dans toute amitié née dans un contexte professionnel, mais peut être de façon plus intense, la dimension passionnelle et irrationnelle du luxe demeurant forte) dans un cadre étranger à la thèse. Ces éléments à la fois micro et macro ont tous nourri ma réflexion, ma compréhension de l’industrie et de son évolution ces 15 dernières années.

La compréhension préalable du terrain

Déjà immergés dans l’industrie et/ou l’organisation qu’ils vont étudier, le statut d’acteur des chercheurs-insiders leur a permis de développer une connaissance et une compréhension de l’industrie et/ou de l’organisation préexistante à leur démarche de recherche. Cette précompréhension constitue à la fois une richesse et un danger potentiel, mettant le chercheur- insider dans une position parfois inconfortable. Le parcours du chercheur-insider peut s’entendre comme un voyage de la proximité à la distance (« from nearness to distance », Nielsen &