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b Implication des PNN dans la plasticité des interneurones P

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Bien que la signification fonctionnelle de la présence de PNN reste largement inexpliquée, il a été montré que cette matrice apparaît graduellement autour des cellules du système visuel au cours de la maturation corticale postnatale, à la fin de la période critique de la dominance oculaire (Hockfield et al., 1990). L’élevage dans l'obscurité complète permet de décaler l’apparition des PNN (Guimaraes et al., 1990; Lander et al., 1997), suggérant qu’ils auraient un rôle dans la plasticité cérébrale. En effet, la dégradation des PNN par l’injection de la chondroïtinase-ABC (ChABC) chez les rats adultes permet d’induire une dominance oculaire après une privation monoculaire (Pizzorusso et al., 2002), ou encore la récupération structurale et fonctionnelle du cortex visuel après une privation monoculaire précoce (Pizzorusso et al., 2006). Ainsi, la présence des PNN empêcherait la mise en place de la plasticité dépendante de l’expérience et leur dégradation permettrait de réactiver cette plasticité (Figure 50).

Plusieurs articles ont démontré que le développement des PNN est un processus dépendant de l'activité neuronale. En effet, l'expérience sensorielle influence l'établissement des PNN, et la privation sensorielle, qu’elle soit visuelle (Ye et Miao, 2013), ou somatosensorielle (McRae

64 et al., 2007; Nowicka et al., 2009), limite la formation des PNN, spécifiquement dans les cortex associés à la modalité sensorielle supprimée. Ces travaux ont en plus démontré que l’apparition des PNN se faisait exclusivement autour des interneurones PV, suggérant que présence de PNN et maturation des neurones PV sont intimement liées (Figure 50). Une hypothèse est que, la dépolarisation neuronale, ici celle des cellules PV, provoque la formation des PNN par élévation du potassium extracellulaire (Bruckner et Grosche, 2001). Ainsi, ce serait l’activation des interneurones PV par les stimulations sensorielles qui provoquerait la formation de PNN autour de leur soma et de leurs neurites proximales (Dityatev et al., 2007).

Figure 50 : Schéma de la modulation de la période critique de la dominance oculaire en fonction de la maturation des cellules PV (rose) et de l’apparition des PNNs (vert). D’après (Umemori et al., 2015).

Cependant, les PNN autour des neurones PV exercent en retour une influence sur leur activité. Il a été montré que la présence de PNN assure la stabilisation des synapses existantes sur les neurones PV, tout en empêchant la formation de nouvelles synapses (Kwok et al., 2011). Il semble en outre que la présence de PNN stabilise principalement, voire exclusivement, les synapses excitatrices sur ces neurones, entraînant une augmentation de leur taux maximum de décharge et de l'expression de la protéine PV (Favuzzi et al., 2017; Yamada et al., 2015).

Les PNN, comme les interneurones PV, pourraient donc être dynamiquement régulés par l'expérience. Il a par exemple été montré que dans l’amygdale, région cérébrale nécessaire à l’établissement d’un comportement de peur conditionnée à un stimulus, l’apparition des PNN au cours du développement post-natal coïncide avec la capacité à mettre en place une mémoire associative de peur conditionnée chez les animaux juvéniles (Gogolla et al., 2009). Afin d’établir un lien de cause à effet entre la présence de PNN dans l’amygdale et le maintien de la trace d’une peur conditionnée, les auteurs de cette étude ont injecté l’enzyme ChABC dans l’amygdale de rats adultes ayant subi un conditionnement de peur. La dégradation des PNN dans l’amygdale de ces individus a eu pour conséquence de supprimer leur comportement de peur conditionnée, suggérant que les PNN pourrait avoir pour fonction de protéger la trace de cette mémoire associative (Gogolla et al., 2009). Ainsi la présence de

65 PNN semble être importante pour la stabilité des réseaux neuronaux qui sous-tendent les processus mnésiques chez l’adulte.

D’autre part, il a été montré que la proportion d’interneurones PV hippocampiques entourés de PNN est réduite suite à une exposition à un EE de 30 jours ou suite aux premières sessions d’un apprentissage séquentiel (Favuzzi et al., 2017). À l’inverse, suite aux dernières sessions de l’apprentissage séquentiel et donc une fois la tâche acquise et consolidée, des PNN se retrouvent à nouveau autour des interneurones PV. Les auteurs ont alors fait le constat que la diminution des PNN autour des cellules PV en début d’apprentissage s’accompagne d’une diminution des terminaisons excitatrices sur les interneurones PV, indiquant que l’absence de PNN est associée à une diminution de l’activation de ces neurones. Ceci est en accord avec le fait que la dégradation des PNN par l’enzyme ChABC favorise l’apparition de nouvelles synapses inhibitrices sur les cellules PV (Donato et al., 2013). Or nous avons vu précédemment que l’apprentissage ou l’exposition à un EE plaçait le réseau hippocampique dans un état « low-PV » (Cf introduction 5.a) (Figure 51) (Donato et al., 2013).

Figure 51 : Configuration bistable du réseau d’interneurones PV et implication des PNN dans la plasticité c érébrale. Le ré seau hippocampique dans un état « low- PV » et « lo w-PNN » pe rmett rait une grande plasticité du réseau alors que la configuration « High-PV » et « High-PNN » serait associée une faible plasticité. D’après (Hensch, 2014).

Sachant que le niveau d’expression de la protéine PV est dépendant de l’activité des interneurones PV (Cf introduction 5.a), il est possible que la présence ou l’absence des PNN autour des interneurones PV participe à la mise en place la bistabilité des cellules PV en régulant la présence des entrées excitatrices et inhibitrices sur ces neurones. Cette hypothèse n’a pas été démontrée à l’heure actuelle (Hensch, 2014).

Ainsi, l’intégrité des PNN autour des cellules PV apparaît cruciale pour le fonctionnement de ces interneurones. Récemment, Favuzzi et ses collaborateurs ont caractérisé les propriétés fonctionnelles des interneurones PV chez des souris avec une invalidation du gène codant pour brevican(Bcan-/-), qui est un des composants fondamentaux des PNNs (Favuzzi et al.,

2017). Les auteurs de cette étude ont observé que la délétion de brevican changeait non seulement la nature des terminaisons synaptiques sur les interneurones PV, mais aussi les

66 propriétés intrinsèques de ces neurones. Les interneurones PV des souris Bcan-/- présentent

une diminution de la fréquence de la génération spontanée de leurs potentiels d’actions, associée à une diminution de l’intensité du marquage pour la protéine PV illustrant une diminution du niveau d’expression de cette protéine. Ainsi, les interneurones PV des souris Bcan-/- seraient de base dans une configuration « low-PV » et « low-PNN » ressemblant à ce

qui est observé après un apprentissage ou le séjour dans un EE (Donato et al., 2013). Cependant, si cette configuration semble optimale pour l’acquisition de nouveaux apprentissages, un passage vers une configuration « high-PV » apparaît nécessaire pour la consolidation de cette mémoire (Donato et al., 2013). L’incapacité à reformer des PNN chez les souris Bcan-/- pourrait donc avoir un effet délétère sur les processus mnésiques. En effet,

ces souris présentent une altération de la mémoire de travail et de la mémoire à court terme (Favuzzi et al., 2017). En conclusion, les PNN participeraient à la bistabilité du réseau des interneurones PV et donc aux processus mnésiques par le maintien d’une configuration « low- PV » et « low-PNN » pour favoriser l’apprentissage et le passage à une configuration « high- PV » et « high-PNN » pour favoriser la consolidation (Figure 51) (Yamada et al., 2015).

Cependant il ne faut pas oublier que la fonction la plus évidente des PNN est celle de la barrière physique autour des neurones PV. En effet, l'élimination des PNN par la ChABC rend les neurones PV plus vulnérables au stress oxydatif (Cabungcal et al., 2013). Les PNN joueraient le rôle de réservoir tampon local pour les ions (Morawski et al., 2015), de protection contre des protéines toxiques (Miyata et al., 2007) et contre le stress oxydatif (Cabungcal et al., 2013). Ainsi, la présence ou l’absence des PNN apparait être importante pour la plasticité des cellules PV mais aussi pour leur intégrité.

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