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Couplage thêta gamma et Alzheimer

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Plusieurs études ont montré que le renforcement du couplage thêta-gamma ou de la synchronisation gamma est parallèle à la formation et la consolidation de la mémoire (Bott et al., 2016; Lisman et Buzsaki, 2008; Lisman et Jensen, 2013). En effet, la force du couplage thêta-gamma dans l'hippocampe est corrélée à la taille de l’empan dans une tâche de mémoire de travail chez l’humain (Axmacher et al., 2010). Chez le rat, le degré de couplage thêta- gamma dans l'hippocampe est corrélé à la quantité de tâches requises pour résoudre un problème (Tort et al., 2009). Dans le cortex entorhinal des rats, le renforcement du couplage

50 thêta-gamma se produit notamment au cours de l'apprentissage d’une association olfactive (Igarashi et al., 2014). Ce couplage est également très présent au cours du comportement exploratoire, du traitement cognitif (Bott et al., 2016; Tort et al., 2009) et du SP (Bandarabadi et al., 2017; Montgomery et al., 2008; Scheffzük et al., 2011).

Chez les patients atteints de la MA, une réduction globale de la puissance des oscillations gamma a été enregistrée que ce soit pendant une tâche passive (écoute de musique, visionnage de film) ou pendant un éveil calme (Herrmann et Demiralp, 2005). Cependant, une autre équipe a observé le phénomène inverse : une augmentation de la puissance de gamma pendant ces mêmes états comportementaux (van Deursen et al., 2008). Ces différences peuvent cependant être liées à de nombreux facteurs, tel que le traitement suivi par ces sujets, ou encore les grandes différences dans le stade de la pathologie au sein des échantillons étudiés.

Afin de déterminer si la seule présence du peptide amyloïde est en mesure de modifier les oscillations gamma, le peptide Aβ a été appliqué sur des préparations de tranches d’hippocampe de souris sauvages. Dans ces conditions, la puissance des oscillations gamma évoquées diminue avec l’augmentation de la complexité de l’agrégation du peptide, révélant un impact direct des formes oligomériques d’Aβ sur la capacité de l’hippocampe à générer des oscillations gamma (Kurudenkandy et al., 2014). En ce qui concerne les souris modèles de la MA, les premières études réalisées ont mis en évidence une diminution globale de la puissance de gamma sur l’EEG, que ce soit chez les souris hAPPJ20 (gamma étudié : 20-80 Hz) (Verret et al., 2012), les souris Tg5xFAD (gamma >38Hz) (Schneider et al., 2014), ou les souris TgCRND8 (gamma : lent, 25-45 Hz, et rapide, 60-100 Hz) (Hamm et al., 2017). En utilisant une approche in vitro sur tranches de cerveau de souris APP/PS1, une autre étude a permis d’observer une diminution de la fréquence des oscillations gamma évoquées à un stade précoce de la maladie (4-5 mois) (contrôle : 42±3 Hz et Tg : 30±3 Hz) (Klein et al., 2016). En revanche, une autre étude sur les souris APP23 âgées de 4 mois, c’est-à-dire avant l’apparition des plaques amyloïdes, montre une augmentation de la puissance de gamma (25-100 Hz) sur la période diurne, accompagnée d’une forte diminution du couplage thêta-gamma (Ittner et al., 2014). Ce couplage thêta-gamma (30-100 Hz) est également diminué chez les souris APP-KI anesthésiées (Nakazono et al., 2017), ainsi que sur des préparations septo-hippocampiques de souris TgCRND8, et cela avant même l’apparition de dépôts Aβ (Goutagny et al., 2013). Malgré certaines contradictions, toutes ces études montrent une perturbation des oscillations gamma dans les souris modèles de la MA, que ce soit au niveau de leur puissance basale, de leur capacité à répondre à une stimulation, ou encore de leur synchronisation avec l’activité

51 thêta. Cela suggère que les générateurs des oscillations gamma sont perturbés dans ces modèles murins de la MA.

Que ce soit chez les sujets humains ou chez l’animal, les oscillations gamma peuvent être observées au sein de multiples régions cérébrales, et particulièrement le cortex (Gray et al., 1989), le thalamus (Pinault et Deschênes, 1992), et l’hippocampe (Bragin et al., 1995). Cette ubiquité dans la genèse des oscillations gamma est probablement liée au fait que leur génération dépend de l’activité des interneurones PV. En effet, inhiber l’activité des interneurones PV supprime les oscillations gamma in vivo, et à l’inverse, activer ces neurones spécifiquement par le biais des techniques d’optogénétique est suffisant pour générer des ondes gamma (Cardin et al., 2009; Sohal et al., 2009). De plus, simplement activer les cellules pyramidales du cortex préfrontal aux fréquences gamma permet d’activer indirectement les interneurones PV permettant une diminution de la variabilité de la réponse et de l’entropie du bruit, et par conséquent une meilleure transmission de l’information (Figure 41 ; A) (Sohal et al., 2009). Une autre étude princeps établissant l’implication des interneurones PV dans la genèse des oscillations gamma a permis de montrer que le moment de l’entrée d’une information sensorielle (stimulation d’une vibrisse) dans un cycle de gamma influe sur l’amplitude et la précision de la réponse évoquée (Figure 41 ; B) (Cardin et al., 2009).

Figure 41 : (A) Schéma des interactions des oscillations gamma et des interneurones à parvalbumine (PV) sur la transmission d’information. D’après (Sohal et al., 2009) (B) les oscillations gamma modulent les réponses sensorielles des neurones excitateurs. La stimulation d’une vibrisse lors d’une stimulation optogénétique des interneurones PV du cortex pariétal provoque des réponses d’amplitudes différentes selon le moment de leur occurrence au cours de la phase de gamma. La réponse à la stimulation sensorielle est plus forte lors que la stimulation sensorielle (vibrisse) coïncide avec le pic de la phase de gamma (vert), inversement, elle est la plus faible en début et fin de phase (rouge et violet) WS : Wisker stimulation (stimulation d’une vibrisse). D’après (Cardin et al., 2009).

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V. Les interneurones à parvalbumine

Il existe plus de 20 classes différentes d’interneurones. On peut les distinguer par leurs caractéristiques morphologiques, électrophysiologiques ou encore par leurs natures neurochimiques (glycinergique ou GABAergique). Chacun de ces types d’interneurones modulent l’activité des cellules principales de manière unique, par le biais de rythmes de décharge différents, de lieux de contacts synaptiques spécifiques, ou encore par l’induction de l’expression de facteurs de transcription différents (Freund et Buzsáki, 1996; Kawaguchi et Kubota, 1997; Marin, 2012; Markram et al., 2004; Somogyi et Klausberger, 2005).

L'utilisation de techniques de marquage histologique, telles que l’imprégnation de Golgi et l'injection intracellulaire de colorant, a permis d’établir une classification des interneurones inhibiteurs hippocampiques selon la morphologie de leur axone et de leur arborisation dendritique (Freund et Buzsáki, 1996; Lopez-Munoz et al., 2006) (Figure 42):

• Les neurones axo-axoniques, aussi appelés chandeliers en raison de la forme spécifique de leurs axones terminaux formant des réseaux distincts appelés « cartouches », faisant penser à un chandelier. Ils ont leur corps cellulaire dans la couche pyramidale et sont caractérisés par une arborisation dendritique multi-laminaire ;

• Les neurones horizontaux, que l'on appelle aussi interneurones OLM (oriens lacunosum-moleculare) ont leur corps cellulaire dans la couche oriens. Leurs dendrites se prolongent horizontalement dans la couche oriens et se subdivisent en plusieurs branches ;

• Les neurones verticaux, qui incluent les neurones bistratifiés et trilaminaires, constituent un autre type d'interneurones dont le corps cellulaire est situé dans les couches pyramidale ou oriens ;

• Les neurones étoilés dont le corps cellulaire est situé à la bordure des couches radiatum et lacunosum moleculare. Ils ont une arborisation axonale très étendue surtout dans les couches radiatum et lacunosum moleculare et font principalement des contacts synaptiques sur les dendrites des cellules pyramidales ;

• Les neurones à panier, ou « basket cells », en raison de leurs projections péri- somatiques ramifiées apparaissant comme des paniers entourant le soma de la cellule cible. Le corps cellulaire des cellules à panier est situé dans la couche pyramidale.

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Figure 42 : Diversité de s inter neurones hippocampique s. En bleu ciel : les interneurones spécifiques au DG. En Bl eu foncé : les cellules à panier et chandelier s. En vert : les interneurones hori zontaux (OL M). En or ange et rose : les interneurones verticaux (orange : tri-laminaire, rose : bistratifié). En rouge : les interneurones étoilés. D’après (Freund et Buzsáki, 1996).

La première classe de neurones inhibiteurs identifiée a été les cellules à panier. En effet, Andersen et ses collaborateurs, sur la base de leurs enregistrements de potentiels de champ

in vivo et des descriptions anatomiques de Santiago Ramón y Cajal, ont conclu que ces

cellules à panier exercent un contrôle inhibiteur sur leurs cibles post-synaptiques (Andersen et al., 1963). On sait aujourd’hui que la grande majorité des cellules à panier de l’hippocampe exprime la parvalbumine (PV), une protéine proche de l'albumine et qui fixe le calcium. Outre les neurones en panier, on retrouve la protéine PV dans les muscles à contraction rapide où ses concentrations sont les plus hautes (Kawaguchi et al., 1987).

Comme succinctement décrit précédemment (Cf introduction 4.e), les interneurones PV ont la propriété d’être à décharge rapide (fast-spiking), ce qui leur confère la capacité à synchroniser l’activité de populations de neurones post-synaptiques à de hautes fréquences (Figure 43). Dans la région hippocampique CA1 et CA3, 11% des neurones sont GABAergiques et seulement 14% de ceux-ci sont PV-positifs. Ainsi, les interneurones PV ne représentent que 2.6-4 % de la population totale de l’aire CA1 (Baude et al., 2007; Bezaire et Soltesz, 2013; Huh et al., 2016). Cependant, chacun de ces neurones PV reçoit de nombreuses connexions axo-axoniques et péri-somatiques. Ainsi, les interneurones PV hippocampiques de rat possèdent entre 16,000 et 34,000 connexions post-synaptiques, dont 94% seraient excitatrices et 6% inhibitrices (Gulyás et al., 1999; Megı́as et al., 2001).

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Figure 43 : Microphotographie d’un interneurone PV (vert) et la coloration DAPI (rouge) avec un zoom sur le corps cellulaire d’un neurone entouré par les axones PV (Gauche) Potentiels d'action générés par u n interneur ones PV du néocortex enregistré in vitro, démont rant sa capacité de décharge rapide. D’après (Hu et al., 2014)

Les neurones PV ont aussi la particularité de posséder un long axone très ramifié, permettant de contacter une large population de neurones post-synaptiques, et établissant de nombreuses connexions péri-somatiques en entourant chacun de ces neurones (d’où l’appellation « en panier ») (Klausberger et Somogyi, 2008; Somogyi et Klausberger, 2005). Les neurones PV expriment en outre différents types de canaux voltage-dépendants leur conférant la capacité d’être « fast-spiking », comme par exemple les canaux potassiques Kv3 et Kv1 (Du et al., 1996), ou encore les canaux sodiques Nav1.1 et Nav1.6 (Hu et Jonas, 2014; Ogiwara et al., 2007b) (Cf introduction 3.c).

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