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c Les oscillations Delta

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Figure 33 : Signal EEG filtré pour les bandes de fréquences correspondants aux oscillations Delta. D’après (Georgieva et al., 2014).

Les oscillations delta (slow waves) sont de grandes amplitudes et basses fréquences (0,5-3 Hz) (Figure 33) (Berger, 1929). Leur présence sur l’EEG varie fortement en fonction des états de vigilance : la puissance des oscillations delta est élevée au cours de l’Ev calme et du SL,

41 mais cette activité oscillatoire est quasiment absente au cours du SP (Smith et al., 1977). La raison d’être des ondes delta au cours de l’éveil est mal connue mais de plus en plus de travaux mettent en évidence des liens entre ces oscillations et les processus motivationnels (Knyazev, 2012; Schutter et Knyazev, 2012; Tyree et al., 2018). De nos jours les ondes delta lors du SL sont bien caractérisées et sont présentes dans le thalamus et le cortex (Crunelli et al., 2015; Destexhe et Sejnowski, 2003; Steriade, 1999). Au cours du sommeil, les oscillations delta permettraient l’émergence de phénomènes de synchronisation discrets et rapides tels que les « sharp waves ripples » (SWR) (140-200 Hz), c’est-à-dire des ondes très rapides et amples au creux desquelles sont nichées des oscillations de faible amplitude et de haute fréquence (ripples), qui joueraient un rôle important notamment dans la consolidation des souvenirs (Buzsaki et al., 1992; Girardeau et Zugaro, 2011; Marshall et al., 2006). Les ondes delta peuvent aussi être associées aux complexes-K, qui consistent en un bref pic de dépolarisation de grande amplitude suivi par une repolarisation lente (Cash et al., 2009), souvent suivi par des « sleep spindles » (fuseaux de sommeil) qui sont des bouffées d’ondes à 11-15 Hz et durant au moins 500ms (De Gennaro et Ferrara, 2003). Ces fuseaux auraient aussi un rôle dans la consolidation mnésique (Mednick et al., 2013). En effet, on observe une augmentation de la présence de ces fuseaux au cours du sommeil qui suit un apprentissage (Mölle et al., 2009), ce qui constituerait un mécanisme clef de la facilitation synaptique des cellules pyramidales (Rosanova et Ulrich, 2005; Werk et al., 2005). De plus, les fuseaux permettraient aussi de moduler la réponse aux stimuli sensoriels pendant le SL afin de renforcer la consolidation (Cairney et al., 2018; Luthi, 2014). Ainsi, une altération des oscillations delta pourrait avoir de lourdes conséquences sur la consolidation des souvenirs pendant le SL, du fait qu’elles permettent l’occurrence des SWR et des fuseaux au cours desquels on observe une réactivation (« replay ») des réseaux neuronaux activés lors de l’apprentissage (Cairney et al., 2018; Girardeau et Zugaro, 2011; Mednick et al., 2013; Pavlides et Winson, 1989).

Chez les patients MA, on observe une diminution de la fréquence des complexes-K au cours du SL (Crowley et al., 2005), mais aussi une diminution de la densité des fuseaux en sommeil, et plus particulièrement de ceux de fréquence rapide (13-15 Hz) qui sont positivement corrélés avec les performances de rappel immédiat mais aussi avec le score de MMSE (Gorgoni et al., 2016; Rauchs et al., 2008). Il est aussi important de noter que la durée du sommeil pourrait être un facteur à prendre en compte lorsqu’on s’intéresse à l’occurrence des SWR et des fuseaux. En effet, troubles du sommeil (insomnie ou hypersomnie) et altération du rythme circadien sont identifiés comme des facteurs de risque majeurs pour le développement de démences (Elwood et al., 2011; Foley et al., 2001; Sterniczuk et al., 2013; Tranah et al., 2011), et 25 à 66% des patients MA souffrent de troubles du sommeil (Bianchetti et al., 1995;

42 Guarnieri et al., 2012). Plus précisément, les patients MA présentent une augmentation de leur temps d’Ev associée à une diminution du temps passé en SL et en SP (Bonanni et al., 2005; Liguori et al., 2014; Lim et al., 2014; Moe et al., 1995; Vitiello et al., 1990). Cette diminution du temps de SL chez les patients MA pourrait donc contribuer à une diminution du nombre de SWR et/ou de fuseaux en sommeil.

Dans le but de déterminer si une altération du sommeil pourrait être un facteur de diagnostic de la MA en phase prodromique, une étude a quantifié les dépositions d’Aβ parallèlement à l’évolution de la qualité du sommeil autoévaluée chez des patients sains âgés (62.4 ± 5.7 ans). Ils ont pu remarquer que les participants reportant un ressenti de quantité de sommeil insuffisante, des problèmes de réveils fréquents et une plus grande somnolence présentaient des dépôts d’Aβ dans certaines régions cérébrales sensibles à la MA (Sprecher et al., 2015). Cependant, l’ampleur de cette déposition d’Aβ n’est pas corrélée avec le temps de sommeil total (Spira et al., 2014; Sprecher et al., 2015 ), mais plutôt avec le temps d’éveil (Holth et al., 2017; Liguori et al., 2014 ).

Chez les souris modèle de la MA, de nombreux modèles présentent aussi une augmentation de l’Ev et une diminution de SL et de SP (Colby-Milley et al., 2015; Huitrón-Reséndiz et al., 2002; Platt et al., 2011; Roh et al., 2012; Schneider et al., 2014; Sethi et al., 2015; Zhang et al., 2005). Une étude a mis en évidence une altération de la puissance des oscillations delta qui varie en fonction du nycthémère (Wisor et al., 2005). Ainsi, la puissance de delta est au plus bas le matin, évoluant vers une augmentation en fin de journée. Par ailleurs, la puissance de delta pendant le SL est aussi augmentée (Wisor et al., 2005) mais diminuée pendant l’éveil (Kent et al., 2018; Schneider et al., 2014; Wisor et al., 2005) montrant ainsi que la perturbation des oscillations delta semble être dépendante de l’état de vigilance. S’il n’y a actuellement pas d’étude sur les fuseaux en sommeil chez les souris MA, quelques études ont pu démontrer que la fréquence et la structure temporelle des SWR sont altérées dans un modèle de souris portant une mutation de la protéine tau (rTg4510) ce qui serait dû à une réduction du contrôle inhibiteur dans le réseau hippocampique (Witton et al., 2016). D’autre part, l’injection d’oligomères Aβ dans les ventricules cérébraux de souris de souche sauvage induit une altération de la mémoire spatiale et du « replay » lors des SWR pendant le SL post- apprentissage (Nicole et al., 2016). Ainsi, l’altération du SL au cours de la MA, que ce soit chez les patients ou les souris modèles de la MA, pourrait participer aux déficits cognitifs mais ces mécanismes sont toujours en cours d’étude.

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