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b Interneurones PV et maladie d’Alzheimer

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Le fait que les oscillations gamma soient altérées chez les souris modèles de la MA, comme chez les patients MA, suggère que le fonctionnement des interneurones PV est altéré au cours de cette pathologie (Cf introduction 4.e).

C’est en 2012 qu’a été établi le lien entre interneurones PV et troubles cognitifs dans le cadre de la MA (Verret et al., 2012). En effet, les auteurs de ce travail ont constaté que la puissance des oscillations gamma présentait des fluctuations aberrantes sur l’EEG de souris hAPPJ20, avec des épisodes successifs de creux et de pics d’intensité, sans lien avec l’état comportemental de l’animal. D’autre part, ils ont observé que les activités épileptiques apparaissaient préférentiellement au cours des creux d’activité des ondes gamma, suggérant une altération de la balance E/I qui serait liée aux oscillations gamma, et donc aux interneurones PV (Figure 46). En effet, les souris hAPPJ20 présentent une altération de la transmission inhibitrice et les propriétés physiologiques intrinsèques de leurs interneurones PV sont altérées par rapport à ceux des souris NTg. Or, l’excitabilité neuronale est contrôlée par les canaux sodium voltage-dépendants composés de sous-unités Nav, et les patients MA et les souris hAPPJ20 sous-expriment la sous-unité Nav1.1 (Verret et al., 2012), qui est préférentiellement exprimée par les neurones PV (Figure 46) (Cf introduction 3.c) (Ogiwara et al., 2007a). En croisant les souris hAPPJ20 avec des souris surexprimant le canal Nav1.1 (Nav1.1-BAC de Tang et al., 2009), ils ont pu démontrer que la restauration de l’expression de Nav1.1 spécifiquement dans les neurones PV des souris hAPPJ20 améliore la transmission synaptique inhibitrice, augmente l’intensité des oscillations gamma, réduit les phénomènes épileptiques, et permet une amélioration significative des performances cognitives des souris hAPPJ20 (Figure 46) (Verret et al., 2012). Plus récemment, le même groupe a démontré que la greffe intracérébrale de progéniteurs d’interneurones modifiés et exprimant des niveaux différents de Nav1.1 (Nav1.1 de souche sauvage, Nav1.1-surexprimé, Nav1.1-déficient) induit des effets très différents sur le réseau neuronal et les fonctions cognitives des souris MA. En effet, seuls les progéniteurs d’interneurones surexprimant Nav1.1 sont en mesure de prévenir

59 les déficits comportementaux lorsqu’ils sont transplantés dans le cerveau de souris hAPPJ20 (Figure 46) (Martinez-Losa et al., 2018).

Figure 46 : Implication des interneurones PV dans le contrôle de l’activité cérébrale et conséquences comportementales. Che z les souri s contrôles non transgéniques (noir, gauche), les souris hAPPJ20 modèles de la maladie d’Alzheimer (rouge, centre), les souris hAPPJ20/Nav1.1 -BAC bi géniques (orange, droit e) et les souris hAPPJ 20 ayant reçu une transplantation d’interneurones PV surexprimant Nav1.1 (bleu, droite). D’après (Martinez-Losa et al., 2018; Verret, 2012 ).

Toujours dans l’idée que les interneurones PV jouent un rôle important dans la pathologie Alzheimer, Iaccarino et ses collaborateurs ont montré en 2016 que provoquer l’apparition d’oscillations gamma (40 Hz) par le biais de stimulations optogénétiques des interneurones PV permet d’atténuer la charge amyloïde des souris 5XFAD âgées de 3 mois (Figure 47) (Iaccarino et al., 2016). Les auteurs ont également montré que cette réduction de la présence d’Aβ après l’induction d’oscillations gamma s’associe à une activation des cellules microgliales, qui seraient alors plus efficaces pour évacuer le peptide Aβ de l’espace extracellulaire. Cette étude met en évidence le fait que les oscillations gamma, au travers de l’activité des neurones PV, sont en mesure de modifier l’homéostasie cérébrale par le biais du recrutement de cellules non-neuronales dans le système nerveux central, en plus de participer de façon déterminante au traitement de l’information lors d’une tâche cognitive (Cf introduction 4.e).

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Figure 47 : Sti muler les i nterneurones PV à la fré quence gamma (40 H z) p ermet de stimuler la clairance des dépôts de protéines amyloïdes -β par l’activation de la microglie. D’après (Aron et Yankner, 2016)

En ce qui concerne la densité des interneurones PV, chez les patients MA, les quelques études réalisées post mortem ont des résultats contradictoires. Deux études concluent que les cellules PV ne sont pas affectées par la MA dans les cortex préfrontal et temporal quel que soit le degré d’avancement de la pathologie (Baig et al., 2005; Hof et al., 1991), et une autre étude se concentrant sur l’hippocampe montre une diminution de 60% du nombre de cellules PV dans les régions CA1/2/4 et le DG (Brady et Mufson, 1997).

Chez les souris modèles de la MA, une réduction du nombre visible des neurones PV (environ 40 %) a été mise en évidence dans la région CA1/2 de l’hippocampe de souris de 10 mois portant les mutations PS1ho KI, PS1ho KI et APPSL/PS1ho KI (Takahashi et al., 2010). La

même observation a été faite chez les souris Tg2576 dès 6-7 mois sur l’ensemble des CA (Huh et al., 2016). En revanche, la pathologie ne semble pas avoir d’impact sur les cellules PV de l‘hippocampe des souris portant les mutations APPSL/PS1(M146L) ou PS1(M146L)

seule (Ramos et al., 2006), ni sur les souris APPswe/PS1dE9 (Vegh et al., 2014; Verdaguer et al., 2015). Ainsi, il est possible que les régions cérébrales soient impactées de façon hétérogène pendant le décours de la pathologie. Cependant, malgré ces études, on ne peut toujours pas conclure sur l’impact de la MA sur le nombre de cellules PV dans l’hippocampe au cours de la pathologie.

L’ensemble de ces résultats indique que des altérations considérables des interneurones PV, et par conséquent des oscillations gamma, dans l'hippocampe surviennent au cours de la MA, et ce parfois même avant l’apparition des plaques amyloïdes. Les mécanismes conduisant à

61 cette altération des interneurones PV restent cependant largement inconnus, et de nombreuses recherches sont encore nécessaires. Cependant, nous pouvons supposer que l’environnement proche des interneurones PV pourrait jouer un rôle important dans l’intégrité de ces cellules.

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VI.

Les peri-neuronal nets

Dans le cerveau des mammifères adultes, les neurones PV sont très souvent associés à une matrice extracellulaire qui leur est spécifique, appelée peri-neuronal nets (PNN). La première description des PNN a été donnée par Golgi dans deux de ses articles sur la moelle épinière parus en 1882, sans pour autant y prêter une attention particulière. Il faudra attendre 1898 pour que Golgi attire l’attention de son élève, Santiago Ramón y Cajal, sur les PNN, les décrivant comme « une délicate structure principalement réticulée, mais aussi prenant la forme de petits carreaux imbriqués ou d'une enveloppe continue enveloppant le corps de toutes les cellules nerveuses qui s'étendent des prolongements protoplasmiques jusqu'aux arborisations de deuxième et troisième ordre » (Figure 48) (Vitellaro-Zuccarello et al., 1998). Ils nommèrent ces structures les « peri-cellular nets », qui seront renommés PNN après l’introduction du mot « neurone » par Waldeyer en 1891 (Scheuerlein et al., 2017). C’est en 1931 qu’une première étude comparative indique que les PNN se retrouvent dans le système nerveux central des mammifères, mais aussi celui des amphibiens, des reptiles et des oiseaux (Rondinini, 1931a; 1931b). Cependant, ces PNN ont longtemps été considérés comme des artefacts engendrés par les techniques cytologiques. Il faudra attendre quelques décennies pour que la communauté scientifique accepte l’idée de la présence de matrices extracellulaires dans le système nerveux central (Atoji et al., 1989; Hockfield et McKay, 1983; Nicholson et Syková, 1998; Van Harreveld et Steiner, 1970), et établisse les premières descriptions des spécificités des PNN (Atoji et Suzuki, 1992; Luth et al., 1992).

Figure 48 : Dessins tirés des articles de Golgi, Don aggio et Ra món y Cajal re présentant les peri - neuronal nets. D’après (Vitellaro-Zuccarello et al., 1998)

a. •Structure

Les PNN constituent une matrice extracellulaire unique qui est majoritairement trouvée autour des interneurones à panier, et préférentiellement ceux exprimant la PV (Figure 49) (Brückner

63 et al., 1993; Celio, 1993; McRae et al., 2007; Morris et Henderson, 2000; Wintergerst et al., 1996). Les composants majoritaires des PNN sont des chondroïtines sulfate protéoglycanes (CSPG). À la « base » des PNN réside l’hyaluronan, sur lequel s’associent des chaines de molécules de lectican, brevican, neurocan, versican, aggrecan, ou encore phosphacan, pouvant être identifiées en fonction de leur chaine de GlycoAminoGlycanes (GAG). Ces chaines GAG sont ancrées aux CSPG via la tenascin-R, et différentes protéines de lien, Link (Figure 49).

Figure 49 : Microphotographie d’un perineuronal net (x20) coloré par la Wisteria Floriunda agglutinin (W FA , vert) entourant une cellule PV (ro uge). Echelle : 10 micron s (Gauche). Schéma détaillant la structure des différents CSPG pouvant composer les PNN ( Dr oite ). D’après (Kwok et al., 2011; Thompson et al ., 2018)

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