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Activités cérébrales aberrantes dans les modèles animaux de la MA

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L’utilisation d’animaux modèles de l’épilepsie ou de la MA a largement contribué à la compréhension des mécanismes sous-tendant le lien entre crises/IIS et altération des fonctions cognitives (Artinian et al., 2015; Chapman, 2000; Frautschy et al., 1991; Holmes et Lenck-Santini, 2006; Hsiao et al., 1996; Hsiao, 1995; Khan et al., 2010; Kleen et al., 2010; Raber et al., 2000).

34 Par exemple, l’effet des IIS sur les propriétés des cellules de lieu a été étudié chez des rats modèles de l’épilepsie. Comme dit précédemment, les cellules de lieu de CA1 et CA3 déchargent préférentiellement lorsque l’animal se trouve dans un endroit spécifique de l'environnement, le champ de lieu. Plus l’animal est familier avec un environnement et plus les champs de lieu sont stables dans le temps et l’espace (Figure 28 ; A). Cependant, dans l’hippocampe de rats épileptiques (modèle lithium/pilocarpine), ces champs de lieu sont moins précis dans l’espace et sont moins stables dans le temps, et la performance des animaux en mémoire spatiale est altérée (Figure 28 ; B) (Liu et al., 2003). De la même manière, les souris modèles de la MA (lignée Tg2576) présentent à un âge avancé (16 mois) une dégradation de la précision des champs de lieu qui serait liée à leurs mauvaises performances cognitives spatiales, contrairement aux souris MA jeunes (3 mois) et des souris âgées NTg (Figure 28 ; C-D) (Cacucci et al., 2008). Ces souris MA ont donc, comme les rats modèles d’épilepsie, une représentation altérée de leur environnement au sein de leur hippocampe. Ces études mettent en lumière le lien étroit entre précision et stabilité des cellules de lieu, et la performance en mémoire spatiale. La question de pourquoi cette stabilité est altérée dans les deux modèles reste cependant ouverte.

Figure 28 : Champs de lieu dans un open field d’un rat contrôle (A) et d’un rat modèle d’épilepsie (injection IPlithium/pilocarpine) (B) d’après (Liu et al., 2003), et d’une souris âgée (C) et d’une souris Tg2576 modèle de la MA (D) d’après (Cacucci et al., 2008).

Une explication potentielle sur l’impact des activités épileptiques sur les capacités cognitives pourrait résider dans les modifications structurales induites par l’épilepsie. En effet, l’hypersynchronie engendre de nombreuses réorganisations cérébrales, particulièrement dans l’hippocampe. Ainsi, chez l’humain, les premières observations montrent une diminution du nombre d’interneurones exprimant la somatostatine dans le DG (Robbins et al., 1991), mais aussi de ceux exprimant le neuropeptide Y et la calrétinine dans le hile (Figure 29) (de Lanerolle et al., 1989; Magloczky et al., 2000; Toth et al., 2010). Cependant si certains types d’interneurones ne semblent pas diminués en nombre, comme ceux exprimant la PV, ils subissent néanmoins des réorganisations morphologiques de leurs projections (Andrioli et al., 2007; Babb et al., 1989; Sloviter et al., 1991; Toth et al., 2010). Ainsi, il est admis que la

35 perturbation des interneurones entraîne une hyperexcitabilité de cellules excitatrices et une réorganisation du réseau neuronal, ou inversement (Hedrich et al., 2014; Kumar et Buckmaster, 2006; Woo et al., 2002).

Figure 29 : Altérations cel lulaires et moléculaires au niveau du gyrus denté hippocampique che z les souris MA et modèle d’épilepsie. CB : calbindine, PV : parvalbumin e, SOM : somatostatine, NPY : neuropeptide Y. hAPPF A D : modèle murin de la forme familiale de la maladie d’Alzheimer.

Orange : expression du NPY dans les cellules granulaires, bleu : interneurone en panier exprimant la parvalbumine, Vert : interneurone hilaire. D’après (Palop et al., 2007)

Si ceci est vrai pour l’épilepsie, cela l’est aussi pour la MA mais avec des conséquences différentes dans le réseau neuronal (Figure 29). Cela a en premier été mis en évidence chez les souris modèles de la MA par l’administration d’agents pharmacologiques proconvulsifs qui provoquent une hyperexcitablité neuronale (PTZ, kaïnate), ce qui résulte en une augmentation de la sévérité des crises d’épilepsie chez les souris modèles de la MA par rapport aux souris contrôles. Ce constat permet de mettre en évidence de façon indirecte un déséquilibre entre inhibition et excitation neuronales dans les modèles murins de la MA (Born et al., 2014; Chan et al., 2015; Del Vecchio et al., 2004; Palop et al., 2007; Roberson et al., 2011; Westmark et al., 2008). Puis, Palop et ses collaborateurs ont montré pour la première fois en 2007 que des souris modèles de la MA, issues de la lignée hAPPJ20, présentent une activité neuronale excitatrice aberrante, c’est-à-dire des crises épileptiques non-convulsives spontanées dans les réseaux corticaux et hippocampiques, et que cela était associé au bourgeonnement ectopique des synapses GABAergiques induisant des déficits de plasticité synaptique dans le DG (Figure 29) (Palop et al., 2007). Cet article a été le déclencheur de nombreuses autres recherches sur la transmission GABAergique dans la MA, son rôle dans l’occurrence des activités cérébrales aberrantes, ainsi que son lien avec les déficits cognitifs observés (Noebels, 2011; Palop et Mucke, 2009; 2016; Siskova et al., 2014; Verret et al., 2012). En effet, bien que l’on ne sache pas encore précisément comment les activités épileptiques

36 s’installent dans la MA, plusieurs études ont mis en évidence une dérégulation précoce de la balance E/I au cours de la MA (Figure 30). Ainsi, il a récemment été montré dans notre équipe que les souris Tg2576 présentent des IIS dès 6 semaines sur leur EEG, c’est-à-dire avant l’apparition des dépôts amyloïdes et des troubles cognitifs (Bezzina et al., 2015b). Cela a été confirmé chez le même modèle de souris à un âge encore plus précoce (5 semaines) peu de temps après (Kam et al., 2016).

Figure 30 : Modèle du dy sfonctionnement du résea u neuronal induit par Aβ. La surproduction du peptide Aβ induirait une hyperexcitabilité neuronale qui mettrait en place de phénomène compensatoire inhibiteur qui finalement participerait à l’hyperactivité du réseau. D’après (Palop et al., 2007).

Ainsi, il parait intuitivement évident que la prévention ou l'interruption des activités épileptiques pourrait se révéler être une nouvelle approche intéressante pour ralentir la progression du déclin cognitif chez les souris et les patients atteints de la MA.

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