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4. JNK et les maladies neurodégénératives

4.2. Implication de JNK dans les maladies neurodégénératives

L’utilisation de petites molécules inhibitrices de JNK, telles que le SP-600125 (dont le nom chimique est anthra[1-9cd]-pyrazol-6(2H)-one) qui bloque le domaine catalytique de toutes les formes de JNK (Bennett et al., 2001; Han et al., 2001), a permis de démontrer que l’inhibition de JNK est neuroprotectrice (Borsello and Bonny, 2004). Parce que la sti-mulation de JNK3 entraîne les effets les plus nuisibles, dont l’apoptose, et parce qu’elle est la seule JNK dont l’expression est restreinte au cerveau, elle est considérée, parmi les JNK, comme étant la cible la plus pertinente cliniquement pour l’établissement de straté-gies neuroprotectrices (Resnick and Fennell, 2004; Waetzig and Herdegen, 2005). La délé-tion du gène Jnk3 chez la souris est neuroprotectrice contre l’ischémie, le stress oxydatif et l’excitotoxicité, et atténue les traits pathologiques des maladies d’Alzheimer et de Par-kinson (Yang et al., 1997; Morishima et al., 2001; Coffey et al., 2002; Kuan et al., 2003; Brecht et al., 2005). Dans une étude récente Hunot et al. montrent que la double invalida-tion des gènes Jnk2 et Jnk3 est nécessaire et suffisante pour protéger les neurones dopa-minergiques de l’activation de c-Jun et de la mort cellulaire induite par le MPTP, agent pharmacologique qui modélise la maladie de Parkinson (Hunot et al., 2004). Ainsi, de plus en plus d’études s’intéressent au rôle que pourrait jouer la voie JNK dans les maladies neurodégénératives et s’interrogent sur la possibilité d’en faire une cible thérapeutique (Manning and Davis, 2003).

4.2.1. JNK impliquée dans la maladie d’Alzheimer

La maladie d’Alzheimer est caractérisée par une perte de mémoire progressive et la détérioration des fonctions cognitives. Les caractéristiques neuropathologiques de cette maladie comprennent la formation de plaques séniles, qui sont des dépôts extracellulaires de peptides β-amyloïdes, et une perte synaptique et cellulaire qui touche majoritairement le cortex et l’hippocampe. Les analyses génétiques de familles atteintes par la maladie d’Alzheimer ont établi des liens entre les mutations du précurseur du peptide amyloïde (APP, Amyloid Precursor Protein) et les gènes codant la préséniline PSEN1 et PSEN2, ce qui

suggère que la préséniline pourrait jouer un rôle dans la pathogenèse de la maladie d’Alzheimer. Les modèles animaux ont révélé que les mutations identifiées dans l’APP et les gènes PSEN1 et PSEN2 affectent la génération et le dépôt des peptides β-amyloïdes (Scheuner et al., 1996). La toxicité directe du peptide β-amyloïde est supposée contribuer à la dysfonction et la mort neuronales observées dans la maladie d’Alzheimer. In vitro, l’exposition de neurones à ce peptide résulte en une rétraction neuritique et une mort cellulaire de type apoptotique. La mort cellulaire induite par le peptide β-amyloïde est atténuée dans les neurones corticaux provenant de souris knock-out pour Jnk3, et JNK3 intervient dans cette mort cellulaire à travers l’activation de c-Jun et l’augmentation de l’expression de Fas ligand (Morishima et al., 2001). Les coupes de cerveaux post-mortem de patients atteints de la maladie d’Alzheimer présentent une distribution altérée des JNK1, 2 et 3 qui peut être soit une cause, soit une conséquence du processus pathologique (Pei et al., 2001; Zhu et al., 2001). JNK phosphoryle Tau in vitro sur des sites localisés dans les plaques neurofibrillaires, dont Tau est le constituant majeur (Reynolds et al., 1997). De plus, le marquage de pJNK chez des souris transgéniques surexprimant une forme mutée de PSEN1, est localisé dans les neurones autour des plaques amyloïdes, et dans les neurones qui présentent une accumulation intracellulaire de peptide β-amyloïde (Shoji et al., 2000). Un rôle direct de la voie JNK dans la régulation fonctionnelle et le métabolisme d’APP a également été suggéré, APP étant notamment un substrat de JNK3 (Reynolds et al., 2000).

Toutes ces données suggèrent fortement que la signalisation à travers la voie JNK puisse être impliquée dans les événements pathologiques qui entrent en jeu dans la mala-die d’Alzheimer (Manning and Davis, 2003).

4.2.2. JNK impliquée dans la maladie de Parkinson

La maladie de Parkinson est caractérisée par des mouvements anormaux (tremblements au repos, hypertonie, akinésie) qui résultent de la mort sélective des neurones dopaminer-giques de la voie nigro-striée et du manque de dopamine conséquent. De même que pour la maladie d’Alzheimer et la maladie de Huntington, la perte neuronale dans la maladie de Parkinson est progressive et s’étend sur une longue période. Plusieurs études reposant sur des analyses de cerveaux post-mortem de patients atteints de la maladie de Parkinson ont révélé que les neurones vulnérables dans cette maladie meurent par apoptose (Anglade et al., 1997). D’après l’autopsie de ces cerveaux, il n’y a jusqu’à présent aucune évidence directe de l’implication de JNK dans la maladie de Parkinson, mais cette implication dans le processus pathogénique est fortement suggérée par les études réalisées sur des cultures cellulaires et des modèles animaux.

L’un des modèles animaux de la maladie de Parkinson les plus étudiés est un modèle pharmacologique créé par l’administration systémique d’une neurotoxine spécifique des neurones dopaminergiques nigrostriataux, le MPTP (1-Méthyl-4-Phényl-1,2,3,6-TétrahydroPyridine). A l’exception des corps de Lewy, les inclusions intracellulaires com-posées principalement d’α-synucléine, l’administration du MPTP produit un profil de neu-rodégénérescence et une neuropathologie très similaires à celles observées dans les cer-veaux post-mortem de patients atteints de la maladie de Parkinson. Après son administra-tion systémique, le MPTP, qui est une pro-toxine, traverse rapidement la barrière hémato-encéphalique, puis il est métabolisé successivement en MPDP+ (1-Méthyl-4-Phényl-2,3-DihydroPyridinium) et enfin en MPP+ (1-Méthyl-4-PhénylPyridinium), le composé toxique actif. Le MPP+ est importé dans les neurones dopaminergiques par le transporteur de la dopamine (DAT), pour lequel il présente une grande affinité. Le MPP+ est ensuite concen-tré dans la mitochondrie où il perturbe la respiration mitochondriale en inhibant le com-plexe I de la chaine de transport des électrons. Il en résulte une augmentation de produc-tion de radicaux libres qui entraîne un stress oxydatif et l’activaproduc-tion d’un programme de mort cellulaire (Vila and Przedborski, 2003).

L’activation de JNK et de sa kinase MKK4 ont été observées après l’administration de MPTP (Saporito et al., 2000; Xia X. G. et al., 2001). L’inhibition de l’activation de JNK par l’agent pharmacologique CEP-1347 ou CEP-11004, ou son inhibition par transfert génique adénoviral du domaine de liaison de JIP1 à JNK, inhibe l’activation de c-Jun et des caspa-ses qui sont induites par le MPTP dans la substance noire. Ce traitement bloque également la mort neuronale dans la substance noire et la perte de catécholamine dans les terminai-sons dopaminergiques, s’accompagnant d’une atténuation des anomalies comportementa-les chez comportementa-les souris (Saporito et al., 1999; Xia X. G. et al., 2001). Ces données suggèrent que l’activation de JNK est un événement important dans la pathogenèse de la maladie de Parkinson et qu’elle pourrait représenter une cible thérapeutique intéressante. Le CEP-1347, qui est un inhibiteur de MLK, une kinase en amont de JNK, est d’ailleurs actuelle-ment en étude clinique pour le traiteactuelle-ment de la maladie de Parkinson. Une étude pilote a été réalisée en 2004 pour tester la tolérabilité du CEP-1347 et ses interactions avec la lé-vodopa chez les patients atteints de maladie de Parkinson. Ce test a démontré que le trai-tement au CEP-1347 mené sur une période de quatre semaines est bien toléré chez les patients et n’affecte pas la pharmacocinétique de la lévodopa (Group, 2004). Ce premier essai permet ainsi de mener une étude à grande échelle et de longue durée sur les effets de ce traitement qui vise à stopper ou ralentir la progression de la maladie de Parkinson.