Enseignant, une image à (dé)construire ?
3. Une image dégradée des enseignants
S’il est bien un point sur lequel les réponses de tous les enseignants que nous avons
rencontrés s’accordent, c’est celui de l’image que l’« opinion » renvoie aujourd’hui de leur profession, même s’il semble que certains préjugés communs sur les enseignants laissent
parfois place à une réflexion un peu plus objective sur la question. Sans surprise, certains termes apparaissent de façon récurrente dans le discours et ne laissent aucune place à
l’équivoque.
3.1. Enseignant, un statut privilégié
« Les enseignants, c’est bien, ils ont des vacances toutes les six semaines, ils font rien,
c’est tranquille comme métier, c’est vraiment l’image qui ressort ; tu as fini ta journée à 16h30. » (E4, 9)
« Quelle image ont les gens (rires), quand on débute c’est facile de le savoir, ben : « oh, c’est bien, tu t’es trouvé une petite planque, là tu vas rien avoir à faire »…c’est douze semaines de vacances… » (E7, 9)
Vacances, travail tranquille, horaires serrés ; les enseignants travailleraient peu, temps
et volume confondus, « ils ont une vie cool » (E6, 9), tous les avantages, sans les
inconvénients, en somme ; ils seraient des privilégiés « pour certains (…) on est des
profiteurs. » (E10, 9). Pourtant, cette vision extrêmement répandue d’un statut « idéal » – finalement, qui n’en rêverait pas ? – n’attirerait pas forcément les convoitises – c’est d’ailleurs
là où selon nous se situe un paradoxe riche de sens – : être enseignant serait à la portée de
tous :
« (…) ils pensent qu’on fait tous pareil;; ils pensent qu’il y a pas besoin de chercher, qu’il y a pas besoin de se creuser la tête pour savoir comment faire avec les enfants,
qu’il y a juste à prendre un manuel, tu l’ouvres et puis tu fais l’exercice et tu lis la
leçon. » (E11, 9)
Mais peu seraient prêts à se lancer dans l’aventure :
« (…) ils disent que oui, on a beaucoup de vacances, on a certainement moins de
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fait rien avant, on fait rien après…mais ils le feraient pas…ils le feraient pas parce qu’ils ne s’en sentent pas capables. Donc c’est contradictoire. » (E7, 9)
Viennent s’ajouter d’autres remarques qui entachent plus encore cette image déjà
considérablement ternie de la profession :
« (…) une image négative, par rapport à toutes les grèves, toutes les revendications »
(E13, 9)
« (…) on travaille un minimum et on est toujours en grève. » (E5, 9)
« (…) les enseignants râlent souvent parce qu’il y a pas assez de moyens » (E9, 9)
Non contents de bénéficier des avantages que nous citions plus haut, les enseignants
seraient, de surcroît, insatisfaits de leur sort, comme si l’habitude d’avoir déjà « tous » les
privilèges les entraînait dans la spirale infernale d’une perpétuelle insatisfaction. Pire encore, ils adopteraient parfois une attitude arrogante, voire méprisante à l’égard de leur entourage :
« (…) ils sont hautains (…);; même mes parents m’ont dit avant que je passe le
concours : « tu vas voir, c’est des gens pas très organisés, qui font souvent la morale
aux autres, qui se pensent supérieurs ». » (E3, 9)
« (…) il y en a qui nous voient vraiment avec un statut de piédestal, comme si on était la connaissance infuse » (E10, 9)
La nouvelle génération d’enseignants, elle, ne serait pas en reste de critiques, si l’on en
croit les commentaires des enseignants stagiaires. Soumis aux mêmes diatribes que leurs collègues des générations antérieures, les nouveaux enseignants auraient également à faire
face à un certain sentiment de méfiance et de suspicion – voire plus – quant à leur aptitude à
exercer leur métier :
« (…) je pense que les gens se disent que quand il y a un jeune (enseignant) qui arrive
à l’école, ils se disent «bon j’espère que mon enfant ne va pas l’avoir » parce que forcément il y a eu cette médiatisation qui a dit que les enseignants étaient mal formés,
donc c’est un peu difficile (…) » (E1, 9)
« (…) je pense que les parents ont toujours un peu peur de voir débarquer des profs sans expérience ou très peu d’expérience, notamment justement avec la formation où
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« (…) je pense que pour certains, on est des novices, on sait rien, parce que c’est tellement critiqué la formation, que la seule image qui transparaît, c’est l’image de
gens pas formés, donc il faut se méfier de nous, voilà, on est dangereux. » (E14, 9)
On retient encore aujourd’hui de l’enseignant, et a fortiori du professeur des écoles –
ou plutôt de l’instituteur – une image extrêmement forte d’un personnage incarnant savoir et
autorité et imposant par là une forme de profond respect :
« L’enseignant c’était l’un des piliers du village. » (E2, 10)
« (…) c’était un peu comme un maître tout puissant de la classe » (E3, 10)
« (…) il était considéré comme la tête pensante et il avait un rôle très important » (E5, 10)
« Avant, si vraiment on remonte, l’enseignant c’était une figure du village, avec le
prêtre et le notaire, c’était vraiment un personnage. (E14, 10)
Ce que nous voyons ici en filigrane, c’est que le maître était une personne qu’on écoutait, dont on remettait peu voire jamais en cause les compétences, quelqu’un en qui on
avait confiance ;; il était le vecteur d’une « forme » de savoir que lui seul pouvait incarner
puisqu’il était a priorile seul à le détenir. C’en est fini de cette « image » d’Epinal.
Le « village », en tant que tel, n’existe plus comme une entité fermée, isolée.
Serions-nous passés, en quelques décennies, d’un monde organisé en « microsociétés » – les villages,
justement – à une sorte de village global, au sens où le définit Mac Luhan (1967), laissant
place à une culture « universelle » et décloisonnée, dans un monde « où l’on vivrait dans un
même temps, au même rythme et donc dans un même espace » (Mac Luhan, 1967) ? Si là
n’est pas notre propos, toujours est-il qu’au développement des moyens de transports des
personnes, aura succédé celui des moyens de communication et avec eux celui de la mobilité
des savoirs – ou tout au moins des informations –. C’est ce que dit autrement Serres lorsqu’il
affirme que les nouvelles technologies modifient profondément notre rapport au temps, à
l’espace mais également à tout ce qui touche au cognitif, aux « manières de connaître »
(Serres, 2007). C’est certainement ce qui, à notre sens, – et les propos recueillis nous
confortent dans cette idée – contribue pour beaucoup à éclairer ce changement d’image dont a
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De plus en plus informés – pour beaucoup –, formés – pour certains –, les
interlocuteurs de l’école, et en premier lieu les parents, développent une forme de pouvoir de
réflexion critique qui les engage à investir peu à peu des champs qui à l’échelle de quelques
générations, restaient encore opaques ou fermés à un regard « extérieur ». L’éducation et plus
encore l’école en est un, surtout lorsqu’il s’agit d’y confier ses enfants.
« (…) les gens sont de plus en plus formés (…) ils ont de moins en moins besoin
d’aller vers les enseignants. » (E1, 10)
«Déjà, à cause de la formation qui est omniprésente, les parents qui ont un niveau intellectuel supérieur à il y a trente ans, du coup, on fait plus forcément confiance à
l’enseignant, on remet en cause ses méthodes. » (E8, 10)
« Et puis tout ce qui est médiatisation, on entend beaucoup de choses, ça fait parler,
les parents se posent des questions, c’est normal, mais ça peut aller trop loin aussi. Il y a (…) une barrière qui peut être franchie par les parents, et ça peut être dangereux »
(E3, 10)
Pourtant, il y a là aussi, semble-t-il, une forme de confusion dans ce qui peut naître
aujourd’hui de cette relation entre les parents et l’école. C’est en particulier ce qu’indique
Blais (2008), quand elle soulève le paradoxe de parents, qui, d’un côté souhaitent que l’école
participe à l’épanouissement de leur enfant, mais ne lui inculquent plus, eux-mêmes, les bases
éducatives – tels que « l’obligation de se soumettre à plus haut que soi, la capacité à
surmonter les frustrations » (Ibid., p.43) – et, de l’autre, peinent à accepter et à comprendre ce
que cela peut représenter comme rupture, comme « choc » pour l’enfant, d’entrer à l’école, là
où justement il va rencontrer « à la fois les règles de la vie collective et cet univers de normes
que constituent les apprentissages » (Ibid., p.44). Ainsi, se questionner, questionner l’école et
ceux qui la représentent – les enseignants –, c’est montrer un intérêt qui pourrait agir dans le
sens d’une meilleure compréhension entre tous les protagonistes, si cela n’était teinté de
sentiment de confusion quant au rôle que – justement – chaque élément et chaque individu
doit y jouer. Là encore, il semble que plusieurs facteurs viennent parasiter cet aspect des choses :
« Les gens ne considèrent plus l’enseignant comme la tête pensante, ils en savent tous autant que l’enseignant (…);; tout le monde pense qu’il est enseignant parce que
justement il y a Internet, et que maintenant si on veut une information, on l’a, et il y a plus besoin d’avoir quelqu’un pour nous le dire (…). » (E5, 10)
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« (…) il y a trente ans, tout le monde n’avait pas forcément accès à la culture comme maintenant (…) ; avant pour les gens, peut-être que l’enseignant était la source de
culture, maintenant on n’est pas forcément plus cultivé qu’un autre, du coup on est passé au même statut que les autres personnes lambda (…) » (E10, 10)
3.2. Confusion des termes, confusions des rôles
Information, connaissance, savoir, culture, sont autant de termes souvent soumis à des interprétations variées, aux frontières parfois floues. Il nous semble important de nous
pencher un peu plus sur ce point, qui sans doute contribue, en partie, à construire – ou
déconstruire – l’image des enseignants. Pour faire la distinction entre information,
connaissance, savoir et culture, nous choisissons de prendre appui sur les travaux de Develay
(1996). Il fait sienne la conception de J. Legroux (1981) selon laquelle l’information
« désigne des faits, des commentaires dont il est possible de prendre connaissance dans son entourage par la radio, la télévision, la presse, une conférence, une discussion, une lecture »
(nous pourrions y ajouter Internet). C’est en s’appropriant cette information, stockable, donc
mémorisable et réutilisable, que l’individu la transformerait alors en connaissance « Pour
chacun, l’information impersonnelle devient connaissance personnelle » (Develay, 1996, p.41). Le savoir serait la résultante d’une opération de « rupture », de « mise à distance » de
ses connaissances qu’effectuerait l’individu « grâce à un cadre théorique ». L’école, en tant qu’elle a – entre autres – pour mission de transmettre des savoirs, participe, en la personne de
l’enseignant, à l’élaboration de ce cadre théorique, permettant à l’élève de construire son
rapport au(x) savoir(s), lui-même étroitement lié à sa culture, c’est à dire « à ce qui pour lui a
une signification au quotidien » (Ibid., p.42).
Du flux permanent d’information diffusé par le biais des médias – au rang desquels,
d’ailleurs, il n’est plus à démontrer qu’Internet occupe la première place aujourd’hui – peut
naître l’illusion d’un accès aisé aux savoirs et à la connaissance qui participe à la
« déconstruction » progressive du rôle de l’enseignant, qui perdrait cette forme de crédibilité
liée à son statut de détenteur d’un savoir finalement à la portée de tous, à chaque seconde et en tout lieu. Et même si, comme nous l’avions déjà mentionné dans une précédente recherche,
il convient de ne pas assimiler le « libre accès » à une « démocratisation » des savoirs
(Lehéricey, 2010) – tant, dans cette gigantesque bibliothèque virtuelle qu’offre Internet, il
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« sens » – nous entendons tout de même, dans le discours des professeurs des écoles
stagiaires, que cette confusion – banale, si elle n’est pourtant pas anodine – va largement dans
le sens de la consolidation d’une image négative des enseignants. 3.3. Plus que celle de l’élève, la place de l’enfant a changé
Non loin de cet aspect du phénomène situé à la fois sur les plans d’un « nouveau
rapport au savoir » – rapport au savoir entendu ici comme « le rapport au monde, à l’autre et
à soi-même d’un sujet confronté à la nécessité d’apprendre » (Charlot, 1997) – et sur le
« rapport à de nouveaux savoirs » – au sens où il ne s’agit plus aujourd’hui, même si la
question n’est pas nouvelle, d’envisager les savoirs uniquement comme les savoirs scolaires,
mais de prendre en compte également d’autres formes de savoirs, des savoirs « sociaux » ou
d’autre nature, des «savoirs de l’humanité » (Frackowiak, 2009) – intervient un glissement
substantiel de la relation enseignant-élève, s’établissant de plus en plus selon un axe bien
moins vertical qu’horizontal (Hervieu-Wane, 2008), qui s’inscrit bien au-delà du contexte
strictement pédagogique. Il semble que nous assistions à « la disparition du pacte minimal
entre les enseignants et les jeunes (mais aussi leurs parents) qui permettait à la transmission de fonctionner » (Ottavi, 2013, p.202). De transmetteur, l’enseignant devient un guide qui doit s’autoriser à apprendre de l’élève ;; il n’est plus au-dessus, mais à côté de lui. Basculement.
Mais ce n’est peut-être pas tant la place de l’élève que celle de l’enfant – ou celle
qu’on lui accorde – qui a changé. Ainsi cela est-il évoqué dans les propos suivants :
« Ce qui a fait évoluer ça, c’est la société en général : l’enfant, c’est le roi, il est considéré comme un roi (…) » (E4, 10)
« (…) c’est l’enfant au centre et l’enseignant doit tout faire et s’adapter à l’enfant (…). C’est la place de l’enfant qui a changé, en voulant responsabiliser les enfants de plus en plus (…) ils y arrivent mais ne savent plus après où se situer. (…) J’ai des
enfants rois dans la classe et c’est pas évident (…) » (E7, 10)
« Pour moi, c’est le fait…mais c’est pas forcément un mal non plus, le fait qu’on mette l’enfant au cœur du système, qu’on s’intéresse beaucoup plus à l’enfant, à ses besoins, à ses désirs aussi (…) du coup les enseignants sont un petit peu plus remis en question » (E13, 10)
82 C’est également l’idée de la perte progressive d’un respect étroitement lié à une forme d’autorité, de l’enseignant et plus généralement de l’institution, qui transparaît dans certains discours :
« Je pense que ce qui a évolué c’est la discipline, plus que ce que les enseignements
apportent ;; avant avec le coin, les coups de règles sur les doigts, ça c’est plus
autorisé, heureusement ;; mais (…) l’enfant (…) il est considéré comme un roi et c’est pas à l’enseignant de lui faire du mal entre guillemets, de la reprendre de cette façon -là. » (E4, 10)
«(…)les parents sont très exigeants par rapport à l’enseignant, alors qu’ils l’étaient
peut-être moins avant, et qu’ils laissaient les enseignants faire et c’est l’enseignant qui avait raison. Là maintenant, non, c’est mon enfant qui a raison, et vous devez faire
comme lui veut que ça soit. » (E7, 10)
L’école a aujourd’hui à gérer ce délicat paradoxe, comme le souligne Gauchet dans
Conditions de l’éducation, selon lequel « d’un côté, l’obligation de l’école augmente en fonction de la pression sociale à former des individus et de l’idée que seule la formation fait des individus (…). De l’autre côté, l’obligation dansl’école diminue au nom de la logique de
l’individu et de l’idée que lui seul peut construire ses savoirs (…) » (Gauchet, 2010, p.164).
Comme le précise l’auteur, cette mission que se donne l’école de faire adhérer les «élèves à ses buts » est soumise à une condition essentielle que les parents eux-mêmes en aient saisi
l’importance « pour en assumer le sens et le transmettre à leur enfants » (Ibid., p.161), car la
place que prennent les enfants dans la société en général et à l’école en particulier, est bien
avant tout celle que leur donnent les adultes, et parmi ceux-ci, en premier lieu, leurs parents. Il
en va aussi de la question de l’autorité, au sens où, comme le précise Gauchet, elle permet de
donner à l’enfant des « repères », des « limites », de permettre « l’articulation de l’être-soi et
de l’être ensemble » (Ibid., p.161). Ainsi, lorsque l’auteur souligne que « La possibilité de
l’éducation commence là où s’arrête la contrainte légale et là où le recours à la force est
proscrit» (Ibid., p.162), nous comprenons qu’il importe de ne pas de nier cette autorité, mais
au contraire d’en faire une « condition de l’éducation » (Ibid., p.162), condition que l’enfant
lui-même fera sienne et envisagera d’autant comme telle qu’elle aura été constitutive des
valeurs éducatives qui lui auront été données au sein de sa famille. Nous saisissons néanmoins
que ce « tiraillement » auquel l’école doit faire face, par la double prise en compte des intérêts
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profession enseignante et contribue, aux yeux des enseignants que nous avons rencontrés, à
desservir plus qu’elle ne la sert, l’image de la profession.
3.4. Des enseignants en mal de reconnaissance
« Je pense que la société ne se rend pas compte de tout le boulot qu’on a quand on est enseignant (…) ; la rencontre avec les parents, les partenaires et puis toute la préparation des cours, ça je pense que toute la société ne le perçoit pas du tout en fait, à part les gens qui ont le pied dedans ou qui connaissent des gens qui sont enseignants. » (E2, 9)
« Ceux qui ne connaissent pas ne se rendent vraiment pas compte de ce que ça demande comme investissement et comme travail en dehors de la classe. » (E14, 9)
Deux éléments ressortent de ces discours. En premier lieu, ce qui se voit de la
profession enseignante ne constitue que la « partie émergée de l’iceberg », avec tout ce que
cela peut générer de conceptions négatives, comme nous l’avons souligné, tandis que
pourtant, le métier tend au contraire à devenir de plus en plus dense et complexe. Les
enseignants ont la sensation que la société ne perçoit pas l’ampleur de ce que représente la
tâche qui est la leur, ce qui peut laisser place à une sensation de souffrance. A ce sujet, Lantheaume et Hélou, dans leurs travaux sur la souffrance des enseignants estiment que ce
monde professionnel est « traversé par une certaine amertume qui, en fait, ne tient pas tant
aux difficultés inhérentes du travail, même si elles ont pu croître, qu’au sentiment d’un
manque de solidarité de l’institution, des parents et de la société en général, doublé d’une difficulté à penser et agir collectivement face aux problèmes rencontrés dans l’exercice du
métier » (Lantheaume & Hélou, 2008). Le rappel de cette difficulté à « penser et agir collectivement face aux problèmes » nous renvoie au paradoxe que nous notions plus haut au
travers des mots de Gauchet et semble accentuer d’autant le « rôle crucial des familles » (Gauchet, 2008, p.161). Par ailleurs, lorsque nous lisons dans les propos que nous avons
recueillis que « La société ne se rend pas compte », nous envisageons aussi par-là qu’elle se
construit alors une image sans doute déformée de la profession, parce qu’elle ne dispose
seulement que de quelques éléments, à partir desquels elle élabore sa représentation, qui alors,
n’est que partielle et qui, en cela, peut devenir péjorative.
84 C’est là que le deuxième point intervient : « Ceux qui ne connaissent pas ne se rendent pas compte » nous dit l’un des professeurs des écoles stagiaires. Et pour cause, comment le
feraient-ils, si ce n’est justement, en ayant les éléments leur permettant de se construire une
représentation plus complète de la réalité du métier d’enseignant et d’en faire naître alors,
sans doute, une image bien plus objective. A la lumière de plusieurs autres témoignages, nous
constatons d’ailleurs qu’il en va tout autrement de cette image des enseignants, lorsque les
éléments qui permettent de la construire sont plus complets et ne se basent pas seulement sur quelques bribes enclines aux interprétations les plus caricaturales :
« (…) je pense qu’il y en a quand même beaucoup qui sont au courant qu’enseigner c’est pas un métier facile du tout, que ça demande énormément de travail, surtout les
premières années » (E8, 9)
« Ca dépend des personnes : pour certains nous sommes de simples fonctionnaires
(…);; pour d’autres, on est des enseignants qui sont là pour enseigner aux élèves, pour
les aider, les guider dans leurs apprentissages, on travaille avant, on travaille après, on travaille pendant, ça dépend vraiment. » (E10, 9)