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Dans le premier chapitre, nous avons mis en avant différents aspects technologiques du “caloduc“ tant sur le plan de l’utilisation en milieu industriel que sur les trois classements principaux usuellement adoptés. Cette première approche nous a permis de restreindre notre domaine d’étude au cas des caloducs ou thermosiphons de dimensions macroscopiques et ayant une section circulaire.

Puis, dans le chapitre II, nous avons mis en avant les principes physiques de base que l’on rencontre dans un caloduc en détaillant les implications de chaque élément. Cette approche qualitative est essentielle pour avoir une vue d’ensemble des phénomènes physiques qui sont mis en œuvre au sein d’un caloduc.

Nous allons maintenant étudier le fonctionnement d’un caloduc en abordant dans un premier temps les conditions nécessaires au bon fonctionnement d’un caloduc. En effet, les processus physiques décrits au chapitre précédent existent dans des conditions bien précises, ce qui entraîne des limitations des capacités de transfert entre deux sources de chaleur même si l’on considère que celles-ci peuvent avoir des températures aussi éloignées que voulu. Nous en viendrons ainsi à préciser le domaine de fonctionnement des caloducs

Nous examinerons alors les différentes limites de fonctionnement définissant le domaine de fonctionnement en termes de puissance maximale transférable en s’appuyant sur les phénomènes physiques tels que l’évolution des pressions au sein de la phase vapeur, les phénomènes de cisaillement à l’interface entre le liquide et la vapeur s’écoulant à contre courant, les limites du pompage capillaire et les phénomènes de transfert de flux à l’évaporateur et au condenseur.

III.1 Plage de températures et domaine de fonctionnement

Le premier élément de dimensionnement d’un caloduc a trait au flux maximal transférable et se traduit dans un plan approprié par la courbe de limite de fonctionnement définissant ce flux maximal transférable. Pour un caloduc donné dans des conditions fixées (longueur évaporateur et condenseur, forces de volume,…), cette courbe est essentiellement fonction de la température de fonctionnement. Usuellement, la température dite de fonctionnement est définie comme la température moyenne de la vapeur dans la zone adiabatique. Selon le type de caloduc, cette température est plus ou moins facile à mesurer ou même à définir. Par exemple, lorsque le caloduc ne comporte pas de zone adiabatique, la température de fonctionnement est usuellement prise dans la section séparant l’évaporateur du condenseur.

Nous traiterons dans ce chapitre du cas général des caloducs ayant une zone adiabatique. Lorsque le caloduc fonctionne dans des conditions telles que le gradient de

température dans la phase vapeur n’est pas négligeable, la température de référence sera considérée au milieu de la zone adiabatique (voir III-6.1).

1.1 Plage de températures

Les premières températures contribuant à définir les limites de fonctionnement d’un caloduc donné, sont évidemment les températures de point triple et de point critique comme illustré sur la Figure III-1. En effet, en dessous de la température du point triple la vapeur se condense en une phase solide, et au-dessus du point critique il n’existe plus qu’une seule phase dont la densité élevée varie continûment en fonction de la pression et de la température.

Figure III-1 : diagramme des phases d’un corps pur

En raison de cette plage de température utilisable, les fluides caloporteurs sont couramment classés en quatre grandes catégories définissant des plages de température (Tableau III-1). Une liste détaillée de fluides caloporteurs avec leurs plages de températures préconisées est reprise en annexe A3.

Tableau III-1 : classification des fluides caloporteurs

Plage de températures Fluides typiques

Températures cryogéniques 0 à 200K Hydrogène, azote Basses températures 200 à 550 K Ammoniac, méthanol, eau Températures intermédiaires 550 à 750 K Mercure

1.2 Domaine de fonctionnement

Considérons à présent la courbe de puissance maximale qui est en fait la résultante d’une combinaison de différentes fonctions dont on retient la valeur la plus faible pour une température donnée, comme illustré sur la Figure III-2. La définition de chacune des limites sera précisée tout au long de ce chapitre.

domaine de fonctionnement Puissance transférée TV (vapeur) Qent Qcap Qébu

Qvis : limite visqueuse Qson : limite sonique

Qent : limite d’entraînement Qcap : limite capillaire Qébu : limite d’ébullition

Qson

Qvis

Figure III-2 : exemple de domaine de fonctionnement pour un caloduc à pompage capillaire

Les limites de fonctionnement sont très étroitement liées aux propriétés thermophysiques du fluide caloporteur, il apparaît ainsi que pour des températures proches des points extrêmes (point triple et point critique) les performances sont très mauvaises en raison des dégradations des propriétés du fluide.

Aux faibles températures, la pression de vapeur saturante et la masse volumique vapeur sont faibles ce qui entraîne une vitesse élevée de la vapeur pour un flux donné. Ainsi, des limites liées exclusivement à l’écoulement de la phase vapeur peuvent être définies comme par exemple les limites visqueuses et soniques (Figure III-2).

Pour des températures plus importantes, les écoulements à contre courant du liquide et de la vapeur sont à l’origine de la limite d’entraînement. Selon le type de caloduc, l’importance de cette limite varie fortement. Elle est souvent prépondérante dans les thermosiphons et négligeable pour les caloducs à pompage capillaire. Ces derniers sont essentiellement gouvernés par la limite capillaire liée aux capacités de pompage de la structure capillaire. Enfin, pour des températures élevées, les caloducs sont sujets à des limitations dues aux transferts de flux radiaux définissant notamment la limite d’ébullition.

Le paramètre principal de ces courbes est en règle générale la température vapeur. Il est possible, cependant, de définir ces même courbes par rapport à la pression de vapeur saturante en se référant à la courbe de saturation. De plus, la plupart des limites de fonctionnement d’un caloduc sont basées sur un principe physique que l’on peut ramener à une expression simple en première approximation. Furukawa [70] s’appuie sur des formulations élémentaires pour définir des expressions de puissances maximales transférables fonctions de paramètres géométriques simples, de la pression de vapeur saturante élevée à une puissance n et d’une constante C. Les paramètres C et n sont liés aux paramètres thermophysiques du fluide caloporteur. Cependant, malgré l’intérêt de ces expressions simplifiées, elles ne permettent pas d’obtenir des valeurs totalement fiables. On limitera leur utilisation à la détermination rapide d’ordres de grandeurs. Pour une étude plus précise des limites de fonctionnement, on utilisera les expressions fournies dans la suite de ce mémoire afin de définir l’enveloppe de la courbe de fonctionnement pour le caloduc considéré.

III.2 Limites liées à l’écoulement de la phase vapeur

Ces limites se rencontrent lorsque la densité de la phase vapeur est très faible, c’est à dire pour des températures proches du point triple. Ce cas est fréquent pour les caloducs à températures de fonctionnement intermédiaires ou hautes (voir tableau II-1) lors des phases de démarrage.

Il existe trois principes physiques prépondérants qui gouvernent l’écoulement en phase vapeur. Le premier concerne les micro caloducs qui sont soumis à une condition particulière liée à la dimension de la section vapeur. Dans certaines conditions, la phase vapeur peut ne plus suivre l’hypothèse d’un milieu continu mais doit être considérée à l’état de gaz raréfié.

La première limite se rencontre quand la température de fonctionnement est proche de la température du point triple. Le gradient de pression disponible pour l’écoulement de la vapeur est alors limité du fait de la faible valeur de la pression de saturation au point triple. On définit ainsi le domaine de la limite visqueuse. D’autre part, lorsque la vitesse dans la phase vapeur atteint la vitesse du son, une onde de choc se développe et limite le débit. On atteint dans ce cas la limite sonique.

Les expressions de ces trois limites sont assez simples si l’on se contente d’une approximation mais deviennent complexes et demandent des méthodes numériques appropriées si l’on cherche une bonne prédiction.

2.1 Ecoulement en gaz raréfié

Les calculs d’écoulement dans la phase vapeur supposent que l’on peut assimiler la vapeur à une phase continue de faible densité. Cependant lorsque la fréquence des chocs d’une molécule contre les parois devient comparable à la fréquence des chocs

intermoléculaires, l’hypothèse d’un milieu continu n’est plus acceptable. Cette situation se rencontre pour les phases vapeur peu denses, donc pour des températures proches du point triple, mais aussi et surtout pour des caloducs ayant une section vapeur faible tels que les microcaloducs.

Pour caractériser la limite d’écoulement en gaz raréfié, le nombre adimensionnel de Knudsen est défini comme le rapport entre le libre parcours moyen (

l

) des molécules de gaz et la plus petite dimension du canal vapeur (Dmin) :

Kn = l

D

min (III-1)

El-Genk & Tournier [71] définissent les trois régimes d’écoulement illustrés sur la Figure III-3. Le régime de gaz raréfié correspond à un nombre de Knudsen supérieur à 1. Dans ce cas, les molécules ont une probabilité forte de rebondir de paroi en paroi sans que les chocs intermoléculaires n’interviennent dans les bilans. Le profil de vitesse moyenne est donc quasiment plat puisque les effets visqueux sont négligeables. Au contraire, pour un écoulement visqueux caractérisé par un nombre de Knudsen inférieur à 10-2, on obtient un écoulement de Poiseuille classique. Entre les deux, l’écoulement est dit mixte.

Figure III-3 :définition des régimes d’écoulement en gaz raréfié

La transition en écoulement de gaz raréfié est appelée à tort limite de fonctionnement, car comme le montrent El-Genk & Tournier en se basant sur des résultats expérimentaux, le coefficient de viscosité cinématique obtenu est très supérieur à celui calculé en gardant l’hypothèse de continuité, ce qui conduit à fortement sous estimer le débit masse dans la phase vapeur pour un gradient de pression donné. Par exemple pour un nombre de Knudsen de 1, la viscosité cinématique mesuré pour du CO2 à 25°C est de 0,008 m2 s-1 alors que le coefficient calculé en supposant un écoulement de Poiseuille est de 0,001 m2 s-1.

Néanmoins, il est important de définir la limite d’utilisation des hypothèses d’un milieu continu afin de ne pas appliquer abusivement des expressions de “limites”.

Le fonctionnement de caloducs ayant une phase vapeur en gaz raréfié sortant du cadre de cette étude nous ne l’aborderons pas. Nous limiterons notre étude à la détermination du diamètre minimal du caloduc permettant de respecter les hypothèses d’écoulement visqueux.

En se basant sur la théorie cinétique des gaz, Cao & al [72] définissent le libre parcours moyen à la température T et à la pression P par :

l =

1, 051 k

B

T

2 

c2

P

(III-2)

Avec : kB constante de Boltzmann (1,381 10-23 J K-1)

c diamètre efficace de collision des molécules de gaz ( m)

Or dans un caloduc circulaire, si on suppose que la vapeur est à l’état de saturation, on obtient la relation reliant le diamètre du canal vapeur (Dv) à la température de transition définie pour un nombre de Knudsen égal à 10-2 :

D

v

=1, 051 10

2

k

B

2  

c2

T

tr