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a.II. Chronologie d’une pensée

Dans le document Td corrigé A - Td corrigé pdf (Page 36-39)

Il existe un certain nombre d’axes qui permettent d'esquisser une chronologie des dialogues de Platon. Je divise les dialogues en quatre phases : jeunesse, adulte, mûre, vieillesse.

Les dialogues de jeunesses regroupent tous les dialogues dans lesquels Socrate joue l’empêcheur de tourner en rond, et attaque les sophistes. Ce sont, selon Platon, des personnes qui gagnent beaucoup d’argent en démontrant aux gens que la vérité est celle qu’ils veulent. Ils savent plaider de façon brillante toutes les causes et font chaque fois croire à l’auditeur qu’une vérité profonde et absolue leur est livrée. Ce Platon-là, semble avoir comme principale préoccupation d’encourager ses élèves à se forger une opinion personnelle, car la plupart par du temps, ces dialogues soulèvent des notions importantes (la beauté, la vertu, la vérité, l’éducation, etc.), mais n’apportent aucune réponse.

Les trois dialogues sur la mort de Socrate (l’Apologie20, Criton et le Phaedon), introduisent sans doute la deuxième période qui suggère déjà une façon de penser. Platon envisage toujours plusieurs propositions, mais celle-ci converge davantage vers ce qui deviendra sa théorie. Platon, dans le Banquet, développe aussi sa fabuleuse capacité d’utiliser des histoires structurées comme des légendes pour expliciter autant que possible ce qui se précise en lui.

Dans les deux premières périodes distinguées ici, Platon est sou influence. Dans la troisième phase, qui se situe autour des années 340, Platon présente sa théorie des Idées. Socrate est toujours le personnage central des dialogues, mais le personnage défend maintenant la théorie de Platon. Il écrit toujours aussi pendant cette dernière période que Platon met en forme sa théorie des Idées. Cette théorie est un des fondements de ce qui deviendra l’idéalisme, un courant qui sévit toujours en science, en philosophie et en politique. Elle ne devient un thème dans l’œuvre de Platon qu’une fois qu’il a écrit le Ménon et Phèdre.

La théorie des Idées n'est pas une théorie explicite, comme le

20 Ecrit vers 380 d’après Encyclopaedia Britannica 2003.

sera celle du Spinoza de l'Éthique par exemple. Le principal outil de Platon n'est pas une liste de formulations explicites, mais l’évocation « d’imageries » (légendes, fables, métaphores, paraboles, etc.) qui évoquent sa pensée de façon frappante et vivante. Ces outils de la pensée étaient alors couramment utilisés.

Outre la beauté poétique qu’ils dégagent, ils permettent de cerner une problématique qui ne peut être entièrement cernée de façon explicite par la conscience. Pour Platon qu’une bonne métaphore est souvent plus utile qu’une pensée simpliste.

Après la République, nous assistons à l'automne de la pensée de Platon. Certaines blessures s'effacent, les fables ne sont pas toujours aussi puissantes, comme la Cosmologie du Timée, qui ne convaincra personne. Dans les Lois, que Platon n'a pas eu le temps de terminer, l'on perçoit à la fois plus d'humanité et des durcissements séniles. Platon a 80 ans. Ces dialogues sont surtout des monologues. Socrate est graduellement remplacé par un Étranger, dont les interlocuteurs sont tous des personnes brillantes, capables de mener un dialogue, comme Théétète, Parménide ou Critias. Grâce à ses collègues de l’Académie sans doute, Platon semble se percevoir de plus en plus comme faisant partie d’une élite intellectuelle. Il révise de nombreuses positions développées dans la République. Il perçoit les sophistes de façon moins caricaturale. Dans le Sophiste, un étranger discute encore avec Socrate, mais il a l'air d'en savoir au moins autant que lui.

L’Étranger, c’est Platon. Il n’arrive toujours pas à se sentir chez lui avec ces collègues, mais il ose enfin se présenter tel qu’il se ressent. Tout se passe comme si à la fin de sa vie, Platon osait enfin affirmer son autorité, en admettant qu'Héraclite est son grand-père, Socrate son père, et Aristote le fils d’une même famille philosophique. Je ne peux m'empêcher, arrivé à ce stade de mon analyse, de me rappeler que Platon est orphelin de père, et qu’en vieillissant il arrive enfin à accepter et la filiation et la mort de ses pères.

En lisant ces derniers textes de Platon, j’ai l’impression qu’implicitement Platon associe graduellement les images de sophiste et de maître, qu’il différencie d’une assemblée de professeurs. Jusqu’à Socrate un maître dirige une école composée d’élèves, qui sont moins savants que le maître. Lorsqu’un élève devient au moins aussi savant que son maître, il fonde une nouvelle école. Ce modèle est encore courant dans le monde des psychothérapies (écoles Freudiennes, Jungiennes, Reichiennes, lacaniennes, etc.). Dans l’Académie, il ne s’agit plus seulement de séduire l’intelligence des élèves et la bourse de leurs parents, mais aussi de devenir un professeur qui confronte ses connaissances avec des égaux. La confrontation des connaissances entre professeurs n’est plus perçue que comme une rivalité21, mais aussi comme une base qui permet de construire des formes de savoirs plus complexes que ce qu’un individu, même génial, peut créer. Il me semble que pour Platon mourant, Socrate est le dernier des

21 Je demeure réaliste !

maîtres - et dans ce sens seulement - le dernier des sophistes. Mais son enseignement a permis le dépassement des maîtres en formant des assemblées de Professeurs, à l’Académie notamment.

Platon meurt en rédigeant les interminables Lois, qui amorcent une nouvelle façon de voir qu’il n’aura pas le temps de mettre en forme.

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