• Aucun résultat trouvé

La surveillance électronique s’inscrit dans la recherche de solutions alternatives à l’emprisonnement. Dans le Plan fédéral de Sécurité et de Politique pénitentiaire, la peine de prison est considérée comme le « remède ultime ». Dans la Note de politique générale pour la Justice de l’an 2000, la notion de réparation est placée à l’avant-plan de l’exécution des peines. La notion de réparation implique l’idée de limiter les dommages au niveau de la détention. Les dommages causés par la privation de liberté doivent être limité au maximum. C’est dans cette logique que s’inscrit la surveillance électronique comme modalité d’exécution de la peine privative de liberté. En permettant au détenu de subir une partie de sa peine privative de liberté dans son environnement familier, la surveillance électronique vise à limiter les dommages causés par la détention autant que possible. L’octroi de la mesure de surveillance électronique s’inscrit dans le cadre d’un programme de réinsertion dont l’objectif est de préparer le détenu à la mesure et à son exécution.

Le dispositif de surveillance électronique est entièrement encadré par des circulaires. Depuis la première300, élaborée par le groupe de travail de l’administration pénitentiaire et qui date du

24 novembre 1997, cinq circulaires vont suivre (27 mars 1998301, 27 novembre 1998302, 13

octobre 2000303, 12 avril 2001304, 8 avril 2002 et 9 août 2002). Des modifications successives

ont été nécessaires afin d’élargir le nombre de détenus bénéficiaires du dispositif de surveillance électronique ; les conditions liées à la catégorie des peines ont donc été élargies et les critères d’exclusion ont été restreints. La dernière circulaire (n° 1746), qui date du 9 août 2002 a ainsi pour objectif de placer à très court terme 300 condamnés sous surveillance électronique sur une base journalière. D’autres modifications devraient suivre pour étendre la mesure à 600 condamnés. Il s’agit aussi de simplifier la procédure en vue de décharger le service psychosocial (cf. circulaire n° 1727 du 12 avril 2002), mais aussi de « garantir la surveillance la plus correcte possible aux détenus, à la famille et à la société »305.

Dans la première circulaire, la mesure est proposée à des détenus belges ou étrangers (possédant un titre de séjour en règle) qui, condamnés à une peine définitive d'emprisonnement, purgent une ou plusieurs peines dont le total ne peut excéder 18 mois d'emprisonnement et qui, dans un délai d'un an à trois mois, sont admissibles à la libération provisoire. La limite relative à la durée de la peine a, faute de candidats éligibles, été portée à trois ans dans la circulaire 1683/IX du 27 mars 1998 avant de disparaître dans la circulaire 1692/IX du 27 novembre 1998. Les procédures varieront au cours des différentes circulaires. Les critères d'exclusion ont également été modifiés à plusieurs reprises. Au départ de l'expérience, sont exclus de la mesure : les détenus condamnés pour abus sexuels sur mineurs (loi du 13 avril 1995) ; les détenus condamnés pour infraction sur les stupéfiants ou les hormones ; ainsi que les cas à problèmes (problèmes familiaux et relationnels graves et cas dits "à risque sur le plan de la sécurité et sur le plan du respect des conditions"). La seconde circulaire du 27 novembre 1998 reprend le critère « d’abus sexuel sur mineurs », élimine les « cas à problèmes », rajoute « les détenus condamnés pour la traite des êtres humains », et

300 Circulaire ministérielle n°1680/IX du 24 novembre 1997. 301 Circulaire ministérielle n°1683/IX du 27 mars 1998. 302 Circulaire ministérielle n°1692/IX du 27 novembre 1998. 303 Circulaire ministérielle n°1720 du 13 octobre 2000. 304 Circulaire ministérielle n°1727 du 12 avril 2001. 305 R.Bas, Visite…, op. cit. p. 25.

précise, concernant les stupéfiants, qu’il devra s’agir d’un « trafic mené à but lucratif exclusivement » (le terme « hormones » disparaît). La dernière circulaire du 9 août 2002 reprend les mêmes critères d’exclusion, sauf que « le trafic de stupéfiants organisé et mené à but lucratif exclusivement » est repris comme exemple contre-indication (« incompatibilité de la nature des faits commis pour lesquels le condamné subit une peine avec la mesure de surveillance électronique »).

Dans cette dernière circulaire, outre l’exclusion précitée de certaines catégories de condamnés, l’examen du dossier en vue de l’octroi de la surveillance électronique porte sur les conditions de temps, les conditions générales306 et éventuellement les conditions

particulières pour pallier aux contre-indications existantes307.

Concernant la procédure, cette circulaire du 9 août 2002 distingue :

1) Les condamnés dont le total des peines d’emprisonnement principal effectif n’excède pas trois ans. Ils entrent immédiatement en ligne de compte pour bénéficier de la mesure de surveillance électronique.

2) Les condamnés dont le total des peines d’emprisonnement principal effectif excède trois ans. Ils entrent en ligne de compte si la conférence du personnel308 a rendu un avis

favorable dans le cadre de la procédure de libération conditionnelle ou s’ils se trouvent à six mois du terme de leurs peines d’emprisonnement principal.

Pour la première catégorie, la procédure sera différente entre :

A. les condamnés dont le total des peines d’emprisonnement principal effectif n’excède pas un an, trois ans en cas de constitution volontaire ;

B. les condamnés dont le total des peines d’emprisonnement principal effectif excède un an sans excéder trois ans et qui ne se sont pas constitués volontairement en vue de l’exécution de leur peine.

Quant à l’organisation du dispositif, trois principaux acteurs de la surveillance électronique sont en charge du dispositif.

306 Les conditions générales sont : accord des condamnés et cohabitants ; emploi du temps (il suffit d’être prêt à l’élaborer) ; lieu de résidence fixe ; ligne de téléphone fixe. Notons, qu’au début de l’expérience, une contribution de 5000 FEB était réclamée aux candidats. Il s’agissait en quelque sorte d’une responsabilisation . Mais il était possible de déroger à cette obligation de contribution. Dans la circulaire du 27 novembre 1998, on remplace la contribution mensuelle de 5000 FEB par une caution pour le matériel et par une contribution de 100 FEB par jour pour les personnes disposant d’un revenu. Cette mesure a été prise par analogie avec la contribution payée par les personnes en semi-liberté. Là aussi, en fonction de la situation sociale spécifique des personnes, il est possible d’obtenir une dérogation.

307 Les contre-indications peuvent porter sur les éléments suivants : la possibilité de reclassement du condamné ; sa personnalité ; son comportement en détention ; le risque de la voir commettre de nouveaux faits constitutifs d’infractions ; le risque de le voir menacer l’intégrité physique de tiers ; l’incompatibilité du contexte familial avec la mesure de surveillance électronique ; l’incompatibilité de la nature des faits commis pour lesquels le condamné subit une peine avec la mesure de surveillance électronique ; l’attitude du condamné vis-à- vis de sa (ses) victime(s).

308 La conférence du personnel est un organe interne à chaque prison qui est composé d'un membre de la direction, d'un psychologue et d'un assistant social du service psycho-social, d'un chef surveillant ou de l'assistant pénitentiaire. Le psychiatre y est invité ou peut demander à y participer. Elle est chargée de vérifier si les conditions sont remplies pour qu'un détenu puisse bénéficier d'une libération conditionnelle, mais elle a également un rôle d'avis par rapport à d'autres modalités comme une mesure de semi-liberté, des congés pénitentiaires, une mesure de surveillance électronique.

L’établissement-mère : elle prend l’initiative de la procédure de surveillance électronique et décide de l’octroi de la mesure à des condamnés à des peines d’emprisonnement principal effectif n’excédant pas trois ans qui ses sont constitués volontairement en vue de l’exécution de leur peine. L’établissement-mère reste compétent, pendant la mesure de surveillance, pour la procédure de libération provisoire ou de libération conditionnelle.

Le Service des Cas Individuels (SCI) : il décide de l’octroi de la surveillance électronique et de l’opportunité d’en modifier les conditions ou les modalités.

Le Centre National de Surveillance Electronique (CNSE) : il constitue une section du SCI. Ce Centre est responsable de la sécurité et de la gestion des dossiers de surveillance électronique et du régime disciplinaire. Il fonctionne de manière autonome concernant le contrôle quotidien des détenus.

De la sorte, la nouveauté de la circulaire consiste à étendre la procédure « constitution volontaire » aux condamnés dont le total des peines d’emprisonnement effectif n’excède pas un an et qui ne se sont pas constitués volontairement en vue de l’exécution de leur peine. Selon cette procédure, cette catégorie de condamnés se présente à la prison et retourne immédiatement dans son milieu d’accueil pour une durée d’un mois. Le CNSE examinera l’éventualité d’accorder la mesure. La décision finale est prise par la direction de l’établissement mère sur base de l’enquête sociale externe effectuée par le CNSE. Le parquet est informé de cette phase d’examen en vue de surveillance électronique. Selon cette procédure, le CNSE ne doit plus informer le Service des cas individuels309 qu’une enquête a

été demandée par la direction de l’établissement-mère. Pour la catégorie « des condamnés dont le total des peines d’emprisonnement principal effectif excède un an sans excéder trois ans et qui ne se sont pas constitués volontairement en vue de l’exécution de leur peine », après l’incarcération, le greffe soumet les dossiers à la direction qui examine dans un délai de 10 jours ouvrables, avec ou sans l’intervention du Service psychosocial, si l’intéressé entre en ligne de compte pour la surveillance électronique. Le cas échéant et si le condamné a donné son accord pour bénéficier de la mesure, la direction demande une enquête à la direction du CNSE, en joignant son avis favorable. La direction du CNSE transmet l’enquête et l’avis de la direction de l’établissebƒcËî1Ö§ îîGåï Ÿ~MDÐó jours ouvrables au SCI, qui rend une décision concernant l’octroi de la surveillance électronique dans les 10 jours ouvrables. Pour les condamnés dont la peine excède trois ans, l’opportunité de la mesure est examinée au cours de la préparation du dossier de libération conditionnelle. Lorsque la conférence du personnel, émet un avis positif pour la libération conditionnelle et estime que le condamné se trouve dans les conditions pour l’application d’une mesure de surveillance électronique, la direction de l'établissement-mère demande une enquête sociale au CNSE. Une fois le dossier complet, c’est le SCI qui prend une décision motivée à propos de l’octroi de la surveillance électronique. Pour cette catégorie de détenus, la mesure est envisagée "comme une ultime chance de préparer leur proche libération avec l'aide des services du CNSE". Une procédure très semblable est appliquée aux condamnés n’ayant pas obtenu un avis positif pour leur libération conditionnelle mais qui entrent en ligne de compte pour la mesure de surveillance électronique dès qu’ils se trouvent à maximum six mois de la fin de leur(s) peine(s) d’emprisonnement principal.

309 Il s'agit d'un service du Ministère de la Justice chargé de prendre des décisions au nom du Ministre en vue de l'individualisation des peines de tous les condamnés incarcérés dans les prisons belges. Il traite les différentes matières relatives à l'incarcération tel que l'octroi de mesures de faveurs (congés pénitentiaires, semi-liberté, surveillance électronique, etc.).

Une fois la mesure acceptée, le détenu se voit imposer un schéma journalier composé de différentes périodes : une première période où il doit être à son domicile, une période destinée aux activités professionnelles de formation ou administratives, une période couvrant les activités psychosociales et une période prévue pour "les heures libres à l'extérieur du domicile" (période qui est progressivement adaptée en fonction du déroulement de la surveillance électronique). Dans la dernière circulaire du 9 août 2002, il est admis qu’un détenu « cherche une occupation pendant la SE » mais dans les faits, il nous a été rapporté que peu de candidats peuvent bénéficier d’une mesure s’ils n’ont pas déjà « une occupation utile » en perspective.

Pendant la durée de la mesure, chaque détenu est suivi par un assistant social. Après sa première rencontre dans les premiers 24 heures, il rend visite au détenu hebdomadairement durant un mois puis en réduit la fréquence à tous les quinze jours. Le CNSE fourni mensuellement un rapport d'évaluation concernant la surveillance électronique de l'intéressé au Service des Cas individuels et à la prison qui a recommandé la mesure. A la fin de celle-ci, une évaluation finale est également réalisée et transmise à ces mêmes instances.

Le CNSE peut donner un avertissement, adapter le schéma horaire, adapter les conditions ou les renforcer voir décider du retrait temporaire ou définitif de la mesure dans les circonstances suivantes :

• En cas de non respect du schéma de surveillance,

• En cas d’inculpation pour de nouveaux faits constitutifs d’infractions pendant l’exécution de la mesure,

• En cas de nouvelles condamnations passées en force de chose jugée, • Si les conditions supplémentaires imposées ne sont pas respectées, • Si l’intéressé menace sérieusement l’intégrité physique des tiers, • Si la mesure n’est plus compatible avec le contexte familial.

La mesure de surveillance électronique prend fin automatiquement par l'octroi d'une libération provisoire ou d'une libération conditionnelle ou à l'expiration de la (ses) peine(s) d'emprisonnement principal. Elle peut aussi prendre fin, de manière anticipée, en cas de problèmes disciplinaires, de modifications de la situation légale (par exemple, une nouvelle condamnation) ou de problèmes médicaux. Dans ces cas, il peut y avoir réincarcération.

III / Relations entre acteurs et objectifs de la mesure