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Le placement sous surveillance électronique fait partie d’un ensemble de technologies de la sécurité, dont le développement est très fortement soutenu par le Home Office. Certains dispositifs sont déjà en vigueur, c’est le cas du système de vérification de la voix (« Voice verification ») et de la télésurveillance (CCTV). D’autres sont en cours d’expérimentation, c’est le cas de l’identification par la reconnaissance des iris (« Iris Recognition »), d’un système informatisé de reconnaissance des personnes (« Facial Recognition System »), et du "pistage" (« tracking »), c’est-à-dire de la capacité à surveiller les individus où qu’ils soient, dans tous leurs déplacements (et pas seulement dans un lieu fixe comme c’est le cas avec la surveillance électronique actuelle).

Le système de reconnaissance de la voix est aujourd’hui en vigueur et largement utilisé au Royaume-Uni, au même titre que le bracelet électronique. Il est géré par les mêmes sociétés privées que celles qui s’occupent du bracelet. Dans la salle de contrôle de l’entreprise que nous avons visitée, certains ordinateurs étaient réservés au contrôle des détenus par le bracelet et d’autres dévolus à la reconnaissance par la voix. Il s’agit d’un système qui fonctionne par empreintes vocales : l’ordinateur enregistre un échantillon de la voix de la personne et peut ensuite le comparer à chaque fois que la personne surveillée appelle ou est appelée par l’ordinateur. C’est un moyen qui permet d’être sûr que c’est bien la personne surveillée qui est à l’autre bout du téléphone. Ce système est beaucoup utilisé dans le cadre des programmes ISSP : il permet de vérifier que le jeune se rend bien à l’école, qu’il suit bien les activités prévues et obligatoires (suivi psychologique, programmes d’éducation…). Le dispositif est relativement simple puisqu’il suffit que les lieux où il se rend soit équipés d’une ligne

téléphonique. Les débuts de ce système ont connu de nombreux problèmes techniques (les ordinateurs n’enregistraient pas les appels ou la voix n’était pas reconnue par l’ordinateur mais il semble qu’aujourd’hui le système doit devenu fiable. Ce dispositif est utilisé par les travailleurs sociaux des programmes ISSP comme un moyen de contrôle et de canalisation des jeunes, nettement moins punitif que le bracelet électronique.

La télésurveillance est très développée au Royaume-Uni. Certaines équipes anglaises ont eu l’idée d’utiliser les caméras de vidéosurveillance pour identifier et repérer des personnes recherchées par la police, notamment dans le cas où elles n’ont pas respecté l’assignation à domicile (en ne revenant pas, en brisant le bracelet…). Ce dispositif (« Facial Recognition System ») permettrait une mise en réseau de la photographie du détenu (que possède l’ordinateur qui gère le placement sous surveillance électronique) avec les caméras de vidéosurveillance. Elles pourraient ainsi repérer dans une rue, une gare, dans tout endroit public, la personne recherchée en comparant en temps réel la photo aux bandes de vidéosurveillance. Ce système n’est encore qu’à l’état expérimental car de nombreuses difficultés techniques doivent encore être surmontées, en particulier du fait de la confrontation d’une image fixe et d’une image en mouvement ; et en raison du positionnement des caméras qui filment souvent les personnes par en haut et non en face. Personne n’a encore été repéré à ce jour par ce système. Cependant, les idées ne manquent pas quant à son utilisation. On parle en effet au Home Office du caractère éducatif et préventif d’un tel dispositif : son existence permettrait de faire peur et de dissuader les jeunes de commettre des infractions puisqu’ils sauraient être vus et reconnus à tout moment.

Parmi les projets, deux procédés sont également en cours d’élaboration. L’un permettrait l’identification des personnes par les iris de leurs yeux. L’autre consiste à contrôler par ordinateur tous les déplacements d’une personne placée sous surveillance électronique. Il s’agirait ici de pouvoir localiser la personne où qu’elle soit et d’être en mesure de la pister, comme le font actuellement les services de police lorsqu’ils surveillent les allées et venues d’un suspect. Le Home Office travaille actuellement sur ces projets, en finançant et dirigeant des équipes de recherche qui élaborent, à partir des connaissances et dispositifs technologiques actuels, des nouveaux outils de contrôle et d’omnisurveillance.

Bien entendu, on ne peut pas ne pas faire le lien entre ces dispositifs et ceux qui sont inventés dans les romans de science-fiction. Or, la réalité n’est pas forcément en dessous de l’imaginaire. Non pas que nous soyons désormais sous l’empire de Big Brother – comme le rappellent d’ailleurs les acteurs que nous avons rencontrés. Nous n’en sommes pas là, en effet, et chaque innovation considérée isolément, le bracelet électronique notamment, peut apparaître utile d’un point de vue social et nécessaire pour ceux qui gèrent au quotidien la délinquance. En revanche, deux questions apparaissent qui ne sont pas résolues à ce jour et qui ne peuvent quand même pas être éludées : dans quelle mesure ce qui est bon à court terme est-il souhaitable à long terme ? Dans quelle mesure le développement des capacités technologiques doit-il conditionner les solutions politiques adoptées ?

Cette dernière question que nous avons posée au Home Office a appelé une réponse très claire : c’est seulement dans le cadre d’une volonté et d’objectifs politiques forts que l’outil technologique peut avoir du sens et être utilisé. Ce n’est pas le développement technologique qui dicte la politique du gouvernement mais le gouvernement qui, en fonction de ses objectifs de réduction du crime et de lutte contre la délinquance, recourt à des dispositifs technologiques jugés efficaces et cohérents. On peut dès lors avoir quelques inquiétudes sur la suite du processus dans la mesure où l’objectif de sécurité peut prendre le pas sur les autres considérations et légitimer alors toutes les entreprises de mise sous contrôle de la société.

En conclusion, nous voudrions rappeler que le placement sous surveillance électronique est une pratique aujourd’hui implantée outre-Manche : presque 90 000 personnes ont été surveillées électroniquement depuis 1999 en Angleterre et au Pays de Galles, sur l’ensemble des programmes mis en œuvre (libération anticipée, détention provisoire, peine principale, adultes et mineurs confondus). A la fin de l’année 2002, environ 6000 personnes portent le bracelet électronique ou sont dans un programme de reconnaissance par la voix. Pour autant, ces chiffres restent limités si l’on considère l’ensemble de la population carcérale : seule une minorité bénéficie du placement sous surveillance électronique, mais elle est certainement amenée à se développer. D’abord parce que maintenant que le principe est relativement accepté et que les programmes sont sur un rythme de croisière, rien n’empêche d’étendre plus largement le système. Ensuite parce que la Grande-Bretagne ne disposant pas de centre de semi-liberté ou de structures en milieu ouvert, le placement sous surveillance électronique représente une solution réellement nouvelle entre l’incarcération en milieu pénitentiaire et la mise en liberté pure et simple.

Chapitre 4 : Les arrêts domiciliaires sous surveillance

électronique : l'exemple du canton de Vaud (Suisse)

L'idée d'introduire les Arrêts Domiciliaires (AD) sous surveillance électronique a émergé pour la première fois en Suisse dans le Canton de Vaud en 1993. Un député cantonal a en effet déposé alors une motion en ce sens fondée essentiellement sur la volonté de faire des économies dans l'exécution des peines. Les autorités politiques du canton de Vaud ont approuvé à l'époque le principe, mais elles ont différé sa mise en œuvre pour achever des restructurations et expérimentations déjà en cours. Une évaluation comparée de l'efficacité des courtes peines privatives de liberté et du travail d'intérêt général mobilisait notamment les énergies cantonales370.

Finalement, l'introduction de la surveillance électronique a eu lieu en Suisse en 1999 dans le cadre d'un projet pilote regroupant six cantons (Haut-canton de Bâle, Bas-Canton de Bâle, Berne, Vaud, Tessin et Genève). L'expérience a plus précisément commencé le 1er septembre 1999 et s'est déroulée pendant trois ans jusqu'au 31 août 2002. Le projet entre aujourd'hui dans une nouvelle phase d'expérimentation, autorisée le 28 août 2002 par le Département fédéral de Justice et police. L'initiative du projet est revenue au canton de Bâle qui a recherché des partenaires dès 1997. L'article 397 bis, al 4 du Code pénal suisse permet en effet à la Confédération, autorité de surveillance en matière d'exécution des peines, d'autoriser un ou plusieurs cantons à expérimenter l'introduction de peines ou de modalités d'exécution des peines non prévues par le Code pénal dans le cadre de projets pilotes. L'Etat central peut financer jusqu'à 70 % de la mise en œuvre et de l'évaluation de ces projets pendant la période d'essai, ce qui constitue un mécanisme incitatif fort à l'innovation. Cette phase d'essai précède en général l'extension de l'autorisation aux autres cantons ou l'inscription dans la loi de la nouvelle peine ou modalité d'exécution. Mais la généralisation dépend des résultats de l'évaluation obligatoire de leur efficacité des mesures expérimentées.

Les propos suivants précisent le cadre juridique des AD sous surveillance électronique ainsi que les étapes et les débats ayant jalonné le processus de définition et de mise en œuvre du dispositif. Dans ce cadre, nous nous appuierons plus spécifiquement sur l'expérience du Canton de Vaud pour identifier les caractéristiques du projet suisse. L'expérience vaudoise présente en effet cette spécificité d'avoir été couplée à un programme d'évaluation scientifique réalisé par l'Institut de Police Scientifique et de Criminologie de la Faculté de Droit de l'Université de Lausanne. Ainsi, les données les plus complètes dont nous pouvons disposer concernent l'expérimentation engagée dans ce Canton371.

370 Cf infra.

371 L'ensemble des données indiquées dans les pages qui suivent résultent des contacts entrepris auprès de P.Villettaz de l'ISPC de l'Université de Lausanne et de son article à paraître dans l'ouvrage Will electronic