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DE LA DIFFUSIVITE DE DIFFERENTS TRACEURS

4.1 D IFFUSION IONIQUE DANS UNE PATE DE CIMENT CEM V

4.1.1 D IFFUSION DANS UNE PATE DE CIMENT A L ’ ETAT SAIN

Après un an de cure, les premiers essais de migration ont été réalisés sur une pâte de ciment à l’état sain avec des ions chlorures et césium. La composition de la solution porale est, dans ce cas, riche en alcalins (Na+ et K+) (Tableau 24).

Ions Cl- (SO4)2- Na+ K+ Ca2+ pH

(mol/m³) 5.3 4.2 94.8 264.8 0.1 13.35

Tableau 24 – Composition de la solution porale de la pâte de ciment CEM V à l’état sain

La mesure à l’eau de la porosité de la pâte de ciment à l’état sain donne la valeur ∅ = 0.38. 4.1.1.1 Essai de migration avec des chlorures et du césium

Les courbes de courant des essais de migrations réalisés avec du césium et des chlorures permettent de déterminer le paramètre 𝑃𝐶𝑜𝑢𝑟𝑎𝑛𝑡 de la pâte à l’état sain. On montre pour exemple sur la Figure 73a la courbe de courant de l’essai de migration avec le césium qui respecte les ordres de grandeur.

Pour les simulations avec le césium, on fait l’hypothèse que l’adsorption du césium à la surface des gels de CSH est négligeable. En effet, comme le matériau est à l’état sain, le ratio C/S des gels est très grand [173]. La courbe de concentration du traceur est donc réajustée à l’aide du paramètre 𝑃[𝐶𝑠] (Figure 73b). On note une concentration en calcium difficile à mesurer, ce qui est peut-être dû à une carbonatation rapide du calcium dans la cellule et dans les prélèvements avant leur analyse par chromatographie. Ces résultats permettent de déterminer le coefficient de diffusion du césium 𝐷𝐸,𝐶𝑠 qui est compris entre 4,47.10-13 et 5,37.10-13 m²/s. Son facteur de formation 𝐹𝐶𝑠 varie entre 5,65.10-4 et 6,77.10-4.

Figure 73 - Pâte CEMV sain [Cs+] : Evolution [a] de la densité de courant et [b] de la concentration en césium

On observe les tendances montrées sur la Figure 74 pour les concentrations de chlorures et sulfates en aval de la cellule, en ajustant le paramètre des chlorures 𝑃[𝐶𝑙]. Le modèle numérique respecte l’allure des courbes expérimentales (en particulier l’augmentation brusque de chlorures et sulfates vers 28 jours) et permet une grande précision dans l’obtention du coefficient de diffusion 𝐷𝐸,𝐶𝑙. On trouve pour ce dernier des valeurs comprises entre 2,88.10-13 et 3,40.10-13 m²/s. Le facteur de formation des chlorures 𝐹𝐶𝑙varie alors entre 1,33.10-4 et 1,57.10-4, ce qui est environ dix fois plus faible que sur une pâte de ciment CEM I de rapport E/C équivalent (E/C 0.4). Ces résultats sont cohérents compte tenu de la grande complexité du matériau CEM V étudié dans ce chapitre.

Figure 74 - Pâte CEMV sain [Cl-] : Evolution des concentrations en [a] chlorures et [b] sulfates

4.1.1.2 Essai de diffusion naturelle de D2O

Afin d’avoir une base de comparaison entre les espèces ioniques étudiées (et ainsi pouvoir obtenir le paramètre géométrique macroscopique 𝐺), nous proposons d’étudier le comportement diffusif d’une espèce neutre, l’eau deutérée (D2O), dont la diffusion est, a priori, seulement ralentie par la microstructure du matériau. Cette espèce neutre (non chargée électriquement) ne subit pas les effets de la DCE aux toutes petites échelles.

Un essai de diffusion naturelle a été effectué avec du D2O sur un échantillon de pâte de ciment CEM V. Cet essai utilise les mêmes cellules de diffusion que pour les essais de migration à la différence qu’aucun champ électrique n’est appliqué aux bornes du matériau. L’anode et la cathode ont été retirées des cellules. Les concentrations dans les compartiments amont et aval sont données dans le Tableau 25.

Ions Volume (L) D2O

(mol/m³) (mol/m³) Na+ K+ (mol/m³)

Amont essai 1 1.75 22.0 66.0 151.4

Amont essai 2 1.84 22.0 63.0 145.0

Aval essai 1 0.87 0 59.9 137.7

Aval essai 2 0.82 0 64.1 147.5

Tableau 25 – Diffusion D2O : Concentrations des espèces dans les compartiments amont et aval de la cellule de diffusion

L’échantillon de pâte de ciment étudié expérimentalement a une épaisseur de 5 mm (au lieu de 10 mm pour les traceurs chargés), afin de réduire la durée de l’essai. Les prélèvements en amont et aval sont transmis pour analyse au laboratoire du BRGM. Les simulations numériques PhreeqC des essais de diffusion avec l’eau deutérée66 utilisent les mêmes paramètres ∅ et 𝑃𝐶𝑜𝑢𝑟𝑎𝑛𝑡 que ceux utilisés pour les espèces ioniques Cl-, Cs+ et Li+ dans les essais de migration sur cette même pâte (§4.1.1.1). Les réactions chimiques avec le D2O sont négligées et aucun champ électrique extérieur n’est appliqué aux bornes du matériau. La courbe de concentration en eau deutérée est seulement ajustée en modifiant son paramètre de calage spécifique 𝑃[𝐷2𝑂] (Figure 75) ce qui permet d’obtenir une grande précision dans l’ajustement du modèle numérique à la courbe de concentration expérimentale.

En tenant compte (de façon systématique maintenant) des incertitudes expérimentales, le facteur de formation du deutérium FD2O obtenu est compris entre 2,62.10-4 et 2,83.10-4 et son coefficient de diffusion associé 𝐷𝐸,𝐷2𝑂 entre 6,13.10-13 et 6,62.10-13 m²/s.

66 L’eau deutérée (D2O) est représentée par un ion quelconque (le lithium par exemple) dont le coefficient de diffusion dans l’eau libre est celui de l’eau deutérée (2.34e-9 m²/s à 25°C [190]).

Figure 75 - Pâte CEMV saine [D2O] 25 mol/m³ : Evolution de la concentration en D2O en aval

4.1.1.1 Conclusion sur les essais de diffusion sur pâte de ciment saine

Les résultats obtenus sur pâte de ciment à l’état sain sont résumés dans le Tableau 26. On peut noter que les résultats obtenus sur les coefficients de diffusion du césium et des chlorures respectent les ordres de grandeurs que l’on peut trouver dans la littérature : entre 10-12 et 10-13 m²/s pour une pâte de ciment CEM V à l’état sain [170]. Le coefficient de diffusion du D2O est également très proche du coefficient de diffusion de HTO67 dans une pâte CEM V E/C 0.42 à l’état sain trouvé par Violet et al., dont la valeur est comprise entre 4.10-13 et 5.10-13 m²/s [170].

Pâte CEMV état sain Cl- D2O (Neutre) Cs+ 𝑫𝑬,𝒊(10-13 m2/s) 2.88-3.40 6.13-6.62 4.47-5.37 𝑫𝑳,𝒊(10-9 m2/s) 2.032 2.34 2.170 𝑭𝒊 =𝑫𝑬,𝒊 𝑫𝑳,𝒊(10-4) 1.33-1.57 2.62-2.83 5.65-6.77

Tableau 26 – Comparaison des coefficients de diffusion obtenus sur pâte de ciment CEM V à l’état sain

Focalisons-nous maintenant sur le facteur de formation 𝐹𝑖= 𝐷𝐸,𝑖⁄𝐷𝐿,𝑖 qui représente le chemin disponible à la diffusion de chaque traceur. On remarque sur la Figure 76 que les chlorures ont un facteur de formation nettement plus faible que celui du césium dans une pâte de ciment à l’état sain or ces deux espèces ioniques diffèrent essentiellement par leur charge, négative pour les chlorures et positive pour le césium. Cette différence importante est certainement due essentiellement aux effets de double couche électrique qui interviennent aux toutes petites échelles. Ils semblent importants dans le cas étudié ici : pour de faibles concentrations en traceurs (50 mol/m³) et donc une longueur de Debye importante, compte tenu du faible diamètre des pores (le matériau à base de CEM V est plus complexe que celui étudié précédemment dans le chapitre 3). On peut également observer que l’espèce neutre D2O (représentée sur la Figure 76 à l’horizontal avec ses incertitudes de mesures) a un facteur de formation entre celui des chlorures et du césium. Grâce aux essais avec l’eau deutérée, il est possible de calculer le paramètre macroscopique de la pâte saine (𝑔𝐷2𝑂 = 168) :

[𝐺]𝑠𝑎𝑖𝑛=[𝐹𝐷2𝑂]

𝑠𝑎𝑖𝑛

𝜙𝑠𝑎𝑖𝑛 = 7,2.10

−4. [4.1-1]

Il est important de noter que la pâte de ciment n’a pas fait l’objet d’un essai de lixiviation dans le but de vérifier numériquement les valeurs des concentrations en alcalins dans la solution porale. Cependant, le matériau a été conservé durant la cure dans une solution de mêmes concentrations que celle de sa solution porale69. Avant l’essai, la composition de la solution porale a été vérifiée par mise en suspension.

67 HTO ou eau tritiée, est un autre radio-isotope de l’eau (comme le D2O).

68 Son facteur de formation 𝐺𝐷2𝑂 est seulement constitué du paramètre géométrique macroscopique 𝐺 du matériau : 𝐺𝐷2𝑂= 𝜙𝐺.

Figure 76 – Pâte CEMV sain : Comparaison des facteurs de formation des différents traceurs chargés [barres verticales] et de l’espèce neutre D2O [barre horizontale] avec leurs incertitudes