• Aucun résultat trouvé

Nous proposons maintenant de déterminer la sensibilité de notre modèle en fonction des paramètres important influençant sur le facteur de formation des chlorures 𝐹𝐶𝑙 = 𝐷𝐸,𝐶𝑙/𝐷𝐿,𝐶𝑙. Pour cela, il est nécessaire d’identifier les paramètres d’ajustement du code qui présentent des incertitudes de

détermination (notamment expérimentales) et d’observer les conséquences sur le résultat final. L’étude de sensibilité est réalisée sur le cas le plus représentatif pour la suite de nos travaux : la pâte de ciment CEM I Blanc de rapport E/C 0.50 (CB050) avec 50 mol/m³ de chlorures en amont. Seuls les paramètres les plus influents ou comportant les plus grandes incertitudes expérimentales sont montrés dans cette section.

3.5.1.1 Influence de la porosité

Un des paramètres déterminant dans le processus de diffusion est la porosité du matériau. Elle est mesurée par porosité à l’eau, qui est une méthode simple et rapide à mettre en place, mais qui reste assez imprécise. Dans le code PhreeqC, elle détermine le volume de chaque sous-solution représentant la solution porale de l’échantillon (-water).

Figure 65 – Etude de sensibilité : variation de la porosité de 0.4 à 0.5

Dans la pâte de ciment CB050, la porosité mesurée à l’eau est de 0.45 (±0.05). Faisons varier la porosité ∅ de 0.4 à 0.5 dans PhreeqC pour la simulation de l’électro-diffusion sur cette pâte et observons les résultats. On constate que cela a très peu d’influence sur les concentrations calculées des sulfates (non représentées ici). Cependant, les courbes de chlorures et de courant (Figure 65) varient sensiblement puisque la variation de la porosité ∅ influe sur la valeur de 𝐹𝐶𝑙 = ∅𝑃𝐶𝑜𝑢𝑟𝑎𝑛𝑡𝑃[𝐶𝑙].

Prenons comme porosité dans notre simulation PhreeqC la valeur ∅ = 0.5 et essayons de réajuster la courbe des chlorures. La courbe numérique du courant (pour ∅ = 0.5) est alors trop élevée : il est nécessaire de diminuer le paramètre global 𝑃𝐶𝑜𝑢𝑟𝑎𝑛𝑡 en conséquence. On retombe alors sur le comportement de départ (avec ∅ = 0.45) pour les courbes de courant et de concentrations en chlorures. L’erreur de mesure faite sur la porosité peut donc être corrigée dans le paramètre 𝑃𝐶𝑜𝑢𝑟𝑎𝑛𝑡 et n’a pas de conséquence directe sur la valeur de 𝐹𝐶𝑙 dans le code puisque le produit ∅𝑃𝐶𝑜𝑢𝑟𝑎𝑛𝑡 reste constant. Notons que des études de sensibilité dans la littérature corroborent ces résultats [172].

3.5.1.2 Influence de la concentration de la solution porale en [OH]

-Modifions maintenant la composition de la solution porale et plus particulièrement les concentrations des ions hydroxydes qui ont le plus d’influence sur la valeur du courant durant l’essai. Une certaine incertitude est en effet possible sur les valeurs des concentrations en alcalins qui ont été mesurées par mise en suspension (§2.1.6). Le pH a été mesuré à 13.3 (±0.2) pour cette pâte de ciment. En faisant varier le pH de la solution interstitielle de 13.1 à 13.5, on obtient les courbes de concentration en chlorures et sulfates et de courant représentées sur la Figure 66. On observe, cette fois-ci, des changements beaucoup plus importants qu’en faisant varier la porosité du matériau.

∅ = 0.40 ∅ = 0.50

Figure 66 - Etude de sensibilité : variation du pH de la solution porale de 13.1 à 13.5

Si nous prenons la solution porale à pH 13.5, il est possible de diminuer le paramètre global 𝑃𝐶𝑜𝑢𝑟𝑎𝑛𝑡 afin de réajuster la courbe de chlorures comme dans le cas initial (pH 13.3). Dans ce cas, les courbes de courant et de sulfates ne se superposent pas mais peuvent être considérées comme correctes puisqu’elles sont encore dans les marges d’incertitudes (Figure 67). Le facteur de formation des chlorures 𝐹𝐶𝑙 passerait alors de 4,38.10-3 à 3,15.10-3, soit une incertitude supplémentaire d’environ 13% qui n’est pas négligeable61.

Figure 67 - Etude de sensibilité (pH) : Réajustement des courbes en diminuant 𝑃𝐶𝑜𝑢𝑟𝑎𝑛𝑡

Cependant, grâce à l’essai de lixiviation qui a été réalisé sur ce même type de matériau, il est possible de vérifier la cohérence de cette nouvelle solution porale de pH 13,5 (Figure 68). En remplaçant la nouvelle solution dans le modèle numérique de l’essai de lixiviation, on s’aperçoit que les courbes de concentration en alcalins n’évoluent pas tout à fait de la même manière : les concentrations atteignent une valeur finale beaucoup plus rapidement, et cette valeur finale est plus basse que celle obtenue expérimentalement. Ainsi, on remarque que le couplage des simulations numériques de l’essai de migration et de la lixiviation augmente la robustesse du modèle numérique dans la mesure où il est possible de « croiser » les résultats pour affiner le choix des paramètres ajustables du modèle dans PhreeqC.

61 Le coefficient de diffusion des chlorures passe de 8,91.10-12 à 7,65.10-12 m²/s.

𝑝𝐻 13.1

Diminution de 𝑃𝐶𝑜𝑢𝑟𝑎𝑛𝑡

Diminution de 𝑃𝐶𝑜𝑢𝑟𝑎𝑛𝑡

Figure 68 - Etude de sensibilité (pH) : vérification avec l’essai de lixiviation

3.5.1.3 Influence du retard du traceur

Dans le cas des chlorures, le retard observé en aval ne dépend pas que de la géométrie du matériau (comme ce sera le cas pour le césium ou le lithium) mais également des réactions chimiques avec la matrice cimentaire. Le modèle numérique élaboré prend en compte les réactions des chlorures avec le matériau à travers les valeurs renseignées pour les sels de Friedel et Kuzel dans les solutions solides et pour les monosulfoaluminates dans la phase solide. La solution solide est un paramètre fixe dans notre modèle et la quantité molaire en sels de Friedel et Kuzel est supposée nulle au début de l’essai62. Le seul paramètre ajustable afin de faire varier le retard du traceur est la molalité initiale en monosulfoaluminates (AFm). Cette valeur détermine le changement de tendance au début de chaque essai pour les courbes de courant et de concentration en chlorures. Dans l’exemple de la Figure 69, on se propose de faire varier la molalité en AFm de 3 à 13 mmol. Il est cependant nécessaire de rester cohérant avec les points de mesure de la courbe de chlorures au début de l’essai (en prenant en compte les incertitudes expérimentales). En effet, le taux de monosulfoaluminates détermine le moment où la concentration en chlorures en aval n’est plus nulle (à environ 1 jour et demi d’essai dans l’exemple de la Figure 69. Grace à cette information complémentaire, l’incertitude sur la quantité molaire des AFm diminue drastiquement de 8 à 9 mmol pour rester cohérent avec la courbe de concentration des chlorures.

Figure 69 - Etude de sensibilité (AFm) : variation de la molalité initiale en AFm de 3 à 13 mmol

La concentration en AFm est donc ajustable grâce à deux informations : le courant et la concentration en chlorure. Sa précision dépend principalement de la fréquence des mesures au début de l’essai (qui permettront d’observer plus ou moins clairement le changement de tendance des courbes de courant et de concentrations) et du nombre de points de mesure sur la courbe de chlorures (et de leur incertitudes associées).

3.5.1.4 Influence du nombre de points de mesure

Dans le cas où la concentration en traceur est importante (500 mol/m³), on atteint un régime permanent très rapidement et le coefficient de diffusion effectif est obtenu à partir du comportement en régime stationnaire. On peut cependant se demander si les résultats obtenus avec une concentration plus faible (à 50 mol/m³) sont fiables et si le nombre de prélèvements effectué (ou points de mesure) est suffisant

62 Car la concentration en chlorures dans la solution porale est très faible (inférieure à 0.1 mmol/L).

𝐴𝐹𝑚 13 mmol 𝐴𝐹𝑚 3 mmol 𝐴𝐹𝑚 8 mmol

pour pouvoir simuler correctement la courbe de concentration en chlorures de telle sorte que les bornes incluent tous les points de mesures.

La Figure 70 montre un exemple d’étude de sensibilité qui a été menée sur l’essai CB050 avec 50 mol/m³ de chlorures. Sur cette figure, l’histogramme représente l’incertitude obtenue sur le facteur de formation des chlorures 𝐹𝐶𝑙 = 𝐷𝐸,𝐶𝑙/𝐷𝐿,𝑖 en fonction du nombre de points de mesure expérimentaux qu’on utilise afin de caler le modèle numérique sur les résultats expérimentaux (on a également superposé la courbe expérimentale de concentration en chlorure sur cette figure pour rappel). Les variables d’ajustement dans cette étude sont :

- La quantité molaire de monosulfoaluminate qui influence le retard des chlorures en aval ; - Le paramètre propre aux chlorures 𝑃[𝐶𝑙] qui influence la pente de la courbe de concentration des

chlorures en régime permanent.

Figure 70 – CB050 [Cl-] 50 mol/m³ : Etude de sensibilité du modèle numérique

On peut observer que l’incertitude reste très élevée lorsque la simulation est calée seulement grâce aux premiers prélèvements. Il est nécessaire d’avoir au moins six points de mesure, après que les chlorures soient apparus dans le compartiment aval de la cellule de migration pour obtenir la plus faible incertitude. On note aussi que cette incertitude augmente légèrement après un certain temps d’essai, alors qu’il y a plus de points de mesure disponibles (donc plus d’information). Cela pourrait s’expliquer par un temps d’essai trop long qui pourrait engendrer de la carbonatation, un écart de température plus important ou une faible dégradation du matériau causée par le champ électrique.

On estime ainsi l’incertitude minimale sur le facteur de formation des chlorures à environ 10%.

3.6 CONCLUSIONS

Un modèle numérique sur le logiciel PhreeqC a été élaboré permettant de simuler des essais de migration sur des matériaux cimentaires. Ce modèle permet de simuler les phénomènes de transports et les interactions qui ont lieu durant les essais de migration. Cela a été possible grâce à une collaboration avec un des développeurs de PhreeqC (T. Appelo), qui a permis d’inclure l’application d’un champ électrique dans le code du logiciel pour simuler les essais de migration.

Les modèles numériques de migration, de lixiviation et d’immersion possèdent une base physico-chimique commune prenant en compte les phases cimentaires (non présentes initialement dans PhreeqC), en particulier les plus réactives avec les chlorures (monosulfoaluminates et sels de Friedel et Kuzel) qui permettent de simuler le retard des chlorures en aval de la cellule de migration. Notons que l’influence de la force ionique sur le coefficient de diffusion des espèces ioniques est également intégrée dans le logiciel.

La modélisation numérique effectuée, une fois calibrée, a permis de comparer de manière précise le comportement diffusif des chlorures dans des pâtes de ciment CEM I Blanc de rapport E/C différents, à l’aide d’un paramètre unique : le facteur de formation 𝐹𝐶𝑙. Il représente de manière imagée le chemin disponible à la diffusion des chlorures. Il inclue la géométrie complexe de la microstructure et les effets physico-chimiques pouvant avoir lieu aux petites échelles (DCE notamment). Nous avons ainsi pu observer une différence de comportement entre les pâtes de ciment de différentes compositions, en diminuant la concentration en traceur et en appliquant un champ électrique extérieur raisonnable. Une étude de sensibilité a également mis en évidence un faible jeu de paramètres dans le modèle numérique : la molalité des monosulfoaluminates qui permet de caler le retard des chlorures (paramètre absent dans le cas du césium ou du lithium), un paramètre 𝑃𝐶𝑜𝑢𝑟𝑎𝑛𝑡 qui permet d’ajuster la courbe de courant et le paramètre des chlorures 𝑃[𝐶𝑙] qui permet d’ajuster le flux de traceurs en aval. Le nombre d’informations disponibles, complétées entre elles, qui permettent d’ajuster le modèle numérique (concentrations du traceur et des sulfates déterminés avec précision par chromatographie, courbe de courant, pH des solutions et composition de la solution porale) couplé à l’essai de lixiviation, augmente la robustesse du modèle.

Des allers-retours successifs entre les expériences et les simulations permettent ainsi d’affiner la modélisation de la physico-chimie (réactions chimiques complexes entre les différents constituants dans la pâte de ciment ou le béton) à l’aide de PhreeqC. Cela nous permet de disposer d’un outil plus réaliste et plus fiable que la détermination expérimentale du coefficient de diffusion par mesure de flux, pour les essais de migration et de lixiviation notamment.

Le dernier chapitre de cette thèse consiste à simuler les résultats expérimentaux obtenus sur les matériaux à base de CEM V à l’aide du modèle numérique mis au point et calibré dans ce chapitre sur les pates de ciment CEM I Blanc. Le comportement diffusif des différents traceurs sera comparé à l’aide du facteur de formation 𝐹𝑖 sur des pâtes de ciment à différents états de dégradation (sain, partiellement lixivié et lixivié) puis sur du béton.

Chapitre

4

4 ETUDE COMPARATIVE

DE LA DIFFUSIVITE DE