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Partie I – Archives sédimentaires dans le bassin Levantin : biogéochimie et historique de

7. Étude des contaminants métalliques : le Pb

7.2.5. Identification et évolution des sources de plomb dans le bassin Levantin

Un large éventail de signatures isotopiques de Pb d’origine anthropique est proposé dans la littérature. Les signatures de certaines sources, possiblement affectant la région étudiée, sont exposées dans le Tableau 15. Ces signatures de référence de Pb dans l’environnement servent à caractériser ces sources et à résoudre quantitativement leurs contributions quand les apports sont bien définis pour une zone donnée (Gallon et al. 2005). Pour caractériser la composante anthropique du Pb déterminé dans C1 (c.-à-d. la résultante des sources anthropiques affectant la zone d’étude), on a recours d’abord à une représentation graphique proposée par Ferrand et al. 1999 et basée sur un modèle de mélange simple à deux sources. Les auteurs suggèrent de déterminer la signature du Pb anthropique dans les sédiments en utilisant l’équation de mélange suivante : 𝑃𝑏 !"#× 𝑃𝑏 !"# 𝑃𝑏 !"# !"# = 𝑃𝑏!"#!× 𝑃𝑏 !"# 𝑃𝑏 !"# !"#! + 𝑃𝑏 !"#× 𝑃𝑏 !"# 𝑃𝑏 !"# !"#       Eq. 12

Cette dernière peut prendre la forme d’une droite classique de type y= a x+ b :

𝑃𝑏 !"# 𝑃𝑏 !"# 𝑚𝑒𝑠 = 𝑃𝑏 !"# 𝑃𝑏 !"# 𝑛𝑎𝑡 − 𝑃𝑏 !"# 𝑃𝑏 !"# 𝑎𝑛𝑡ℎ × 𝑃𝑏 𝑛𝑎𝑡  × 1 𝑃𝑏 𝑚𝑒𝑠+ 𝑃𝑏 !"# 𝑃𝑏 !"# 𝑎𝑛𝑡ℎ   Eq. 13

Les concentrations du Pb mesuré, anthropique et naturel sont représentés par [Pb]mes, [Pb]nat, [Pb]anth et les ratios isotopiques pour les mêmes composantes sont représentés par (206Pb/207Pb)mes, (206Pb/207Pb)nat, (206Pb/207Pb)anth.

Les ratios 206Pb/207Pb mesurés sont tracés contre l’inverse de la concentration de Pb (1/[Pb]mes) ; les valeurs montrent des corrélations sur certaines périodes. Les régressions linéaires appliquées à chaque ensemble de points fournissent les droites de mélanges du plomb naturel et anthropique et les ordonnées à l’origine, qui sont les signatures 206Pb/207Pb des sources de plomb anthropique (selon l’éq.13).

Étude des contaminants métalliques : le Pb

de la période 1852 – 1964, caractérisés par une bonne corrélation (r2 = 0,80, p < 0,05) et une ordonnée à l’origine de 1,171, et le groupe 3 regroupant les points les plus récents (1969 – 2003), également caractérisé par une bonne corrélation (r2 = 0,87, p < 0,05) et une ordonnée à l’origine de 1,159. Les ordonnées à l’origine ainsi obtenues correspondent aux estimations des signatures isotopiques anthropiques pour chacune des périodes précitées et sont significativement différentes (intervalle de confiance a 99%). On met ainsi en évidence l’introduction de la composante anthropique du Pb à partir de 1852 et un changement de la source majoritaire de Pb anthropique vers un type de Pb ayant une signature encore moins radiogénique à partir des années 60. Ces changements accompagnent une augmentation des concentrations.

Figure 42 – Ratio 206Pb/207Pb versus l’inverse de la concentration de Pb dans les échantillons de la carotte C1. Les points représentés par les étoiles, les carrés et les cercles correspondent aux périodes (pré-1852), (1852 – 1964) et (1969 – 2003), respectivement. Les deux droites de régressions représentent deux droites de mélanges différentes et deux types de Pb anthropique différents. Les intervalles typiquement rapportés pour le charbon et l’essence au Pb sont représentés sur l’axe des ordonnés.

D’après le graphique de la Figure 42, la signature isotopique pour l’intervalle de temps 1852 – 1964 se situe dans la fourchette de valeurs généralement rapportées pour le charbon en Europe (Novak et al. 2003; Diaz-Somoano et al. 2009). Quant à la deuxième signature isotopique caractérisant la période 1969 – 2003, elle semble représenter une source anthropique mixte, constituée du mélange des émissions de combustibles fossiles (charbon et essence au Pb) et éventuellement des sources supplémentaires qui ne sont pas représentées sur le graphique. En utilisant les signatures isotopiques estimées graphiquement, nous avons pu également calculer le pourcentage de Pb anthropique dans chaque horizon. En effet, la même équation de mélange de Pbnat et Pbant présentée ci-dessus (Eq. 12) permet d’obtenir les pourcentages de 48 à 59 % de Pb anthropique à partir des années 80. Ces estimations sont sensiblement les mêmes

que celles obtenues par simple soustraction de la concentration moyenne préindustrielle (cf. par. 7.2.2).

Tableau 15 – Signatures isotopiques du Pb dans des échantillons d’aérosols provenant de zones géographiques diverses et de sources naturelles et anthropique de Pb susceptibles d’affecter le bassin Levantin

*moyennes de roches carbonatées, silicatées et basaltiques, **contient du Pb alkylé d’origine européenne

Type  

d’échantillon   prélèvement  Date  de  

206Pb/207Pb   (±)   208Pb/207Pb   (±)   Référence  

 

Aérosols  contemporains  

Aérosols  Liban   années  90   1,119     2,393     Bollhofer   et   Rosman   2001  

Aérosols  Israël   (métropole)  

années  90   1,128     2,404     Bollhofer   et   Rosman   2001  

Aérosols  Israël   (autoroute)  

1995   1,115   0,001   2,391   0,001   Erel  et  al.  1997   Aérosols  Israël    

(vents  d’Ouest)   1997   1,158     2,432     Erel  et  al.  1997   Aérosols  Israël    

(pré-­‐1992)   pré-­‐1992   1,190     2,459     Erel   et   al.   1997;  Teutsch  et  al.  2001   Aérosols  Turquie   –   1,123     2,404     Bollhofer   et   Rosman  

2001  

Aérosols  Caire   années  90   1,153     2,431     Bollhofer   et   Rosman   2001  

Aérosols  Europe   de  l’Ouest  

années  90   1,136   0,015   2,408   0.017   Bollhofer   et   Rosman   2001  

Aérosols  Europe  

de  l’Est  et  Russie   années  90   1,147   0,017   2,425   0.018   Bollhofer   et   Rosman  2001   Poussières  

sahariennes  

–   1,162     2,432     Harlavan  et  al.  2010  

 

Sources  naturelles  et  anthropiques  

Roches*   –   1,214   0,012   2,487   0,014   Luck   et   Ben   Othman   1998   Negrel   et   al.   2004  

Essence  au  Pb   Israël  **  

1995   1,110   0,007   2,384   0,030   Erel  et  al.  1997   Essence  sans  Pb  

Israël   1995   1,126   0,017   2,394   0,015   Erel  et  al.  1997   Essence  au  Pb  

Europe  centrale   2000   1,11   0,016   2,37   0,018   Novak  et  al.  2003   Charbon  Israël   1996   1,211   0,001   2,483   0,003   Erel  et  al.  1997   Charbon  Portugal,  

Espagne   –   1,190   0,020   2,465   0,018   Diaz-­‐Somoano   et   al.  2009   Charbon  Europe  

centrale   –   1,196   0,019   2,468   0,011   Novak   et   al.   2003;  Diaz-­‐Somoano   et   al.   2009  

Étude des contaminants métalliques : le Pb

Figure 43 – Ratio 206Pb/207Pb en fonction du ratio 207Pb/208Pb ; Sont tracés les horizons de C1 représentés par les croix de couleur violette, rouge et grise. Les aérosols de diverses zones géographiques pouvant influencer la zone d’étude sont représentés en bleu. Les échantillons de roche, de charbon et d’essence sont représentés par la couleur jaune, noir et rouge respectivement.

Le graphique représentant le ratio 206Pb/207Pb en fonction de 208Pb/207Pb (Figure 43) a été établi avec un ensemble de sources naturelles et anthropiques du Pb (par exemple des échantillons rocheux, du charbon et de l’essence ; références dans le Tableau 15). Sont également représentées les signatures isotopiques d’aérosols provenant de pays voisins ainsi que les pays se trouvant sur les trajectoires des masses d’air typiquement établies pour la zone du bassin Levantin. Erel et al. 1997 ont en effet démontré l’importance des apports transfrontaliers de Pb en Israël et ont suggéré une contribution des émissions de la Turquie et des pays d’Europe de l’Est et des poussières sahariennes et d’Égypte. Par ailleurs, un signal important de 137Cs détecté dans C1 (cf. par. 4.5) concorde bien avec des dépôts atmosphériques en provenance d’Europe du Centre et de l’Est. Kallos et al. 2007 ont également montré la dominance des vents du Nord-Ouest en Méditerranée orientale. Enfin, l’ensemble des résultats de C1 est également projeté sur le graphique (Figure 43) et montrent trois groupes distincts que nous avions préalablement identifié par l’examen des profils sédimentaires de concentrations, de flux et de signatures isotopiques : les horizons pré-1852, 1852 – 1964 et post-1964.

Les échantillons de la période préindustrielle ont une signature correspondant à celles des roches et qualifiée de « naturelle ». Ils ne montrent quasiment pas de variation pour le ratio

206Pb/207Pb mais, uniquement, pour le ratio 208Pb/207Pb. La dispersion des points représentant ces échantillons sur le graphique ne se fait pas autour de la droite de mélange (naturelle /anthropique) et suggèrent plutôt une variabilité naturelle.

Quant aux points relevant de la période post-industrielle, ils se placent sur la droite de mélange entre le fond naturel et une multitude de sources probables de Pb anthropique. La signature isotopique des échantillons appartenant à la période 1852 – 1964 semble indiquer un mélange de Pb naturel et de Pb provenant de la combustion du charbon d’Europe de l’Ouest et d’Europe Centrale et de l’Est. En effet, la combustion du charbon était une source majeure de Pb entre la moitié du XIXème siècle et la moitié du XXème siècle. Donc, historiquement, la combustion du charbon semble être une source plausible de Pb mais également de Hg (cf par. 6.2.4) pour la période considérée. L’évolution de la distribution des points pour la période 1852 – 1964 sur la droite de mélange (Pb naturel/Pb charbon) vers une signature moins radiogénique peut indiquer l’implication d’une source anthropique additionnelle ou une augmentation de Pb anthropique provenant de la combustion du charbon avec le temps. Prenant en compte l’estimation du ratio

207Pb/206Pb de la composante anthropique déterminée dans le paragraphe précédent pour cette période (1,171), il semble qu’une ou plusieurs sources autres que le charbon soient impliquées. En effet, à partir des années 40, l’essence contribue forcément au bilan des émissions de Pb en général et la signature très faiblement radiogénique de ce type d’émissions peut fortement affecter le signal du Pb mesuré dans C1.

Enfin, les sédiments correspondant à la dernière trentaine d’années semblent contenir un mélange de Pb naturel et de Pb provenant de la combustion du charbon et de la combustion d’essence additionnée de Pb et sans Pb. Néanmoins, on constate plutôt une faible influence des apports liés à l’essence sur le site étudié. Les signatures isotopiques du Pb dans les aérosols prélevés au Liban et en Israël (autoroute) sont fortement influencées par l’essence. Les valeurs pour les aérosols prélevés dans d’autres zones géographiques se dispersent le long de la droite de mélange charbon/essence. L’estimation de ratio 207Pb/206Pb (1,59) pour la composante anthropique calculé pour la période post-1964 dans la carotte C1 se situe dans la fourchette donnée par Erel et al. 1997 pour les aérosols provenant de Grèce, de Turquie et d’Ukraine. Il semble donc que les sources locales, notamment liées au trafic routier ne soient pas majoritaires sur le site de C1.

Cet examen des sources de Pb dans la carotte C1 demeure qualitatif et ne peut être complet puisque des sources supplémentaires telles que le Pb industriel ou l’incinération de déchets aux signatures très diversifiées ne sont pas bien identifiées dans notre site étude. Étant donné la similitude des profils de Pb et de Hg, il semble que la combustion de charbon de pays éloignés soit la principale source commune, ce qui corrobore les conclusions d’autres études (Elbaz-Poulichet et al. 2011; Heimbürger et al. 2012). Il est toutefois à noter que la consommation en charbon en Israël a augmenté de plus de 20 fois entre 1980 et 2002 et s’est stabilisée depuis (IndexMundi ). Un tel changement a pu influencer les apports de Pb et de Hg dans la zone du bassin Levantin. De même le manque de données sur la Syrie notamment en termes de signature isotopique du Pb ne permet pas de considérer les apports de ce pays qui est pourtant, selon Pirrone et al. 1999, un contributeur important aux dépôts de Pb en Méditerranée.

Partie I – Archives sédimentaires dans le bassin Levantin : biogéochimie et historique de l’anthropisation