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Partie I – Archives sédimentaires dans le bassin Levantin : biogéochimie et historique de

8. Étude des contaminants organiques : les HAP

8.2.4. Flux de HAP et quantification des tendances temporelles

Dans le paragraphe 8.2.2 nous avons comparé le flux annuel préindustriel de HAP dans la carotte C1 avec d’autres données de la littérature scientifique. Ce flux moyen préindustriel de la somme de HAP parents et alkylés (ΣHAP16 + ΣC-HAP) reste relativement constant dans toutes les couches avant 1850 dans la C1. Après 1852, le flux de HAP parents augmente en deux phases (Figure 51): d’abord lentement jusqu'à 1892, cette période est caractérisée par une constante du premier ordre k1 de 0,0093 a-1 (n = 9 ; r2 = 0,72). Ensuite, pendant la période entre 1901 et 1934, le flux de HAP augmente presque deux fois plus rapidement (k2 = 0,0168 a-1 ; n = 8 ; r2 = 0,88), pour atteindre le flux de 34,3 µg m-2 a-1 en 1934. Ensuite, le flux des HAP parents n’augmente plus jusqu’aux couches les plus récentes à la surface de la carotte C1 (à la surface le flux est de 37,3 µg m-2 a-1 et pour la période 1938 – 1999 la moyenne est de 31,1 ± 4,2 µg m-2 a-1 ; n =11).

Figure 51 – Tendances d’augmentation des flux des HAP non-substitués (ΣHAP16 ; µg m-2 a-1) ; quantification des deux phases : la première, représentée par les cercles bleu clair, décrit l’évolution entre 1852 – 1892 ; la deuxième, représentée par les cercles bleu foncé, décrit l’évolution entre 1901 et 1934 ; l’échantillon cercle ouvert est exclus de l’estimation ; pas de tendances significatives pour les autres résultats (représentés par les cercles bleu marine et étoiles)

Dans le cas des homologues alkylés, on n’observe pas de tendance à l’augmentation significative des flux pour la période 1852 – 1890 (Figure 52). Par contre, ce flux double entre 1901 et 1934 et passe de 8,8 µg m-2 a-1 à 16,9 µg m-2 a-1 (k2 = 0,0186 a-1 ; n = 8 ; r2 = 0,90). La tendance après 1934 n’est pas nette, mais mis à part les trois pics (en 1950, 1964 et 1999) il est possible que les flux des HAP alkylés continuent à croître lentement dans les sédiments du bassin Levantin (Figure 52).

Figure 52 – Tendances des flux de HAPsubstitués (ΣC-HAP; µg m-2 a-1); quantification de deux phases: la première, représentée par les cercles bleu clair, décrit l’évolution entre 1852 – 1892 ; la deuxième, représentée par les cercles bleu plus foncé, décrit l’évolution entre 1901 et 1934 ; l’échantillon cercle ouvert est exclus de l’estimation ; pas de tendances significatives pour d’autres résultats (représentés par les cercles bleu marine et étoiles)

Ces tendances se traduisent par les facteurs d’enrichissement calculés comme le rapport entre le flux préindustriel et les flux post-1852. Les facteurs d’enrichissement à la surface pour les HAP totaux sont compris entre 6 et 3,5 (Figure 53), ce qui se recoupe très bien avec les facteurs obtenus pour le Hg et le Pb.

Malgré des divergences dans certaines parties des profils sédimentaires normalisés du Pb, du Hg et des HAP, un enrichissement est bien mis en évidence. La similitude des facteurs d’enrichissement suggère une origine commune à partir de l’ère industrielle, à savoir, la combustion du charbon. De telles conclusions ont précédemment été proposées par Lamborg et al. 2002; Elbaz-Poulichet et al. 2011; Heimbürger et al. 2012 pour interpréter les profils de Pb et de Hg dans diverses zones du globe. Dans notre étude, un élément complémentaire essentiel, à savoir le profil de la somme des HAP, permet d’appuyer cette hypothèse dans le bassin Levantin. Quant aux disparités dans les profils, nous les attribuons aux variations des sources secondaires spécifiques à chacun des contaminants (Pb, Hg et famille des HAP).

Étude des contaminants organiques : les HAP

Figure 53 – Le ratio d’enrichissement de flux normalisé par rapport au flux moyen pré -1850 pour la somme des HAP parents et alkylés (ΣHAP16 + ΣHAP); les dates inférieures à 1850 sont apportées seulement à titre indicatif

Malgré un nombre de données important sur les flux sédimentaires de HAP, un bilan global pour ces composés est difficile à obtenir. À l’échelle de la Méditerranée, un tel bilan est également nécessaire. Dans le Tableau 22 sont rassemblées quelques données sur les flux contemporains en HAP dans les divers sites au monde. Ces données couvrent une large gamme dans des environnements caractérisés par divers degrés d’urbanisation et d’industrialisation. La carotte sédimentaire C1 affiche un flux de surface pour l’ensemble des HAP parents et alkylés (ΣHAP16 + ΣC-HAP) de 65 µg m-2 a-1. Ce flux se situe dans les intervalles des dépôts atmosphériques secs et humides contemporains en Méditerranée orientale et occidentale (Grimalt et al. 1988; Lipiatou et Albaiges 1994; Tsapakis et al. 2006) ainsi que dans les aires maritimes ouvertes de la Méditerranée du Nord Ouest (Lipiatou et Saliot 1991b; Tolosa et al. 1996). Il est également du même ordre de grandeur que ceux estimés dans des zones soumises exclusivement à l’apport atmosphérique tel que les lacs de hautes montages éloignés des zones urbaines en Europe, en Norvège, en Suède et aux Etats-Unis (Cf. Tableau 22). Cette étude comparative met en évidence l’aspect régional et global des apports de HAP vers le bassin Levantin, également souligné pour le plomb et le mercure. Ces flux sont effectivement de l’ordre de ceux retrouvés en zone peu contaminée et cela même sans prendre en considération le facteur de « focusing », donc en prenant le flux maximal. Les apports locaux semblent donc faibles en valeurs absolues mais en valeurs pondérées par rapport au bilan des flux vers le bassin Levantin, l’influence de tels apports peut être significative dans une zone si faiblement contaminée.

En comparaison avec les résultats d’expériences de pièges à sédiments, le flux de surface de C1 est près de 4 fois moins important que celui calculé pour les pièges déployés à 200 m de

profondeur sur le site DYFAMED en Méditerranée du Nord Ouest (Deyme et al. 2011) mais 6, 5 fois plus élevé que celui mesuré au large de la Méditerranée orientale avec des pièges installés à 250 m de profondeur (Tsapakis et al. 2006). Dans le cas de C1, le flux de HAP (non corrigé pour le « focusing ») arrivant à la colonne sédimentaire représenterait 6,6% du flux atmosphérique total en Méditerranée orientale tel que calculé par Tsapakis et al. 2006.

Étant donné les directions dominantes des masses d’air et l’ampleur des émissions européennes avant la mise en place de la législation sur les émissions dans les années 1970 (Shatalov et al. 2004), il semble que l’Europe soit un contributeur éminent des apports en HAP dans le bassin Levantin. De plus, les pays d’Europe Centrale et de l’Est ne suivent pas le même historique que les autres pays européens et ce n’est qu’à partir des années 1990 que les technologies et législations conduisant à la diminution des émissions de HAP ont été mises en œuvre (Pacyna et al. 2003). Par exemple, en 2002, plus de 60% des besoins énergétiques de la Pologne sont encore couverts par le charbon (Paszcza 2003). Les flux contemporains mesurés dans les lacs de hautes montagnes en Europe de l’Est (les montagnes Tatra) témoignent de cela puisqu’ils diffèrent d’un ordre de grandeur avec ceux mesurés dans l’Europe de l’Ouest dans les années 1990 (Fernandez et al. 1999).

Il apparaît que les résultats d’analyses de HAP dans la carotte sédimentaire C1 dans le bassin Levantin, reflètent l’historique des apports atmosphériques sans doute principalement en provenance de l’Europe. Les sources locales ou liées à l’accroissement du trafic maritime semblent néanmoins influencer les apports récents en HAP dans les sédiments du bassin Levantin.

Étude des contaminants organiques : les HAP

Tableau 22 – Comparaison des flux contemporains (µg m-2 a-1) de HAP dans la carotte sédimentaire C1 avec d’autres régions du monde ; le nombre de HAP considérés comprend le nombre de HAP parents et de séries d’homologues alkylés qui peuvent inclure un ensemble d’isomères

Site Date de

prélèvement Flux (surface) µg m-2 a-1 Nb HAP Référence

Flux en Méditerranée

Sédiments côtiers

Liban, plateau continental 2007 65 25* Cette étude

Rhône, prodelta 1983 – 1988 4910 – 17 980 14 Lipiatou et Saliot 1991b Golfe du Lion 1987 – 1994 290 – 680 20* Tolosa et al. 1996 Èbre, prodelta et plateau 1987 – 1992 120 – 750 20* Tolosa et al. 1996 France, Étang de Thau 2004 – 2005 700 – 8 310 19* Léaute 2008

Sédiments au large

Méditerranée du N-O 1987 – 1996 10 – 190 20* Tolosa et al. 1996 Dépôts atmosphériques

Méditerranée du N-O 30 – 160 Grimalt et al. 1988;

Lipiatou et Albaiges 1994 Méd. E (mer Ionienne) DS 2000 – 2002 166 35 Tsapakis et al. 2006 Méd. E (mer Ionienne) DH 2000 – 2002 58 35 Tsapakis et al. 2006 Méd. E (mer Ionienne) DAT 2000 – 2002 959 35 Tsapakis et al. 2006

Pièges à sédiments

Méd. N-O (mer Ligurienne, 200 m) 2000 – 2002 269 35 Deyme et al. 2011 Méd. N-O (mer Ligurienne, 1000 m) 2000 – 2002 229 35 Deyme et al. 2011 Méd. E (mer Ionienne, 250 m) 2000 – 2002 10 35 Tsapakis et al. 2006 Méd. E (mer Ionienne, 1500 m) 2000 – 2002 8 35 Tsapakis et al. 2006

Flux dans d’autres sites

Sédiments estuariens

E-U, estuaire Pettaquamscutt 1999 2 000 – 3 000 15* Lima et al. 2003 Sédiments de lacs éloignés

Europe (Ouest et Centrale) 1993 44 – 150 23* Fernandez et al. 1999

Europe de l’Est 1993 960 – 1 700 23* Fernandez et al. 1999

Norvège, Arresjoen 1993 6 23* Fernandez et al. 1999

Stockholm 2005 40 12* Elmquist et al. 2007

N-E des États-Unis 1978 – 1980 122 10 Gschwend et Hites 1981

Sédiments de lacs urbains

N-E des États-Unis 1978 – 1980 122 10 Gschwend et Hites 1981

Dépôts atmosphériques

États-Unis 4 – 150 Gschwend et Hites 1981

* pérylène et rétène non inclus, ** rétène non inclus

8.2.5. Identification et évolution des sources de HAP dans le bassin