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Chapitre 1 : Recension des écrits : Restructurations, transformations de

2.3 Hypothèses

Nous présentons maintenant nos hypothèses, celles-ci reposant sur les relations décrites dans le modèle conceptuel.

Hypothèse 1

Un syndicat capable de mobiliser ses ressources de pouvoir est en mesure de développer une anticipation stratégique des restructurations.

En effet, étant capable de mobiliser sa capacité stratégique par l’élaboration et la planification de stratégies proactives reposant sur un agenda autonome, le syndicat local sera davantage capable de développer une anticipation stratégique des restructurations (Lévesque et Murray, 2003). En outre, s’il est capable de trouver un solide appui auprès de ses membres, il jouira d’une plus grande influence stratégique sur les décisions de l’employeur, ce dernier demeurant sensible à la possibilité d’un front uni du côté des employés. Puis, s’il est en mesure de créer des alliances utiles avec d’autres syndicats ainsi qu’avec d’autres acteurs sociaux, le syndicat local verra sa capacité d’action augmentée puisque seront facilités ainsi l’échange d’information et la construction de partenariats autour de la restructuration (Lévesque et Murray, 2003). Un syndicat avec une bonne capacité stratégique pourra proposer des alternatives économiques, aura une meilleure compréhension du contexte de l’entreprise et de son marché ce qui pourra rendre possible la revitalisation du territoire (AgirE, 2008). Ainsi, grâce à une capacité d'action augmentée, un syndicat est capable de développer une anticipation des restructurations, une anticipation de type stratégique (en amont).

En ce qui a trait aux deux prochaines hypothèses, il convient de saisir les caractéristiques de l’entreprise ainsi que les caractéristiques du territoire sub-national comme des variables (ou des conditions) susceptibles de favoriser l’anticipation syndicale des restructurations.

78 Nous avons vu à la section 1.3.1 que les caractéristiques de l’entreprise étaient déterminantes dans la capacité des acteurs sociaux à anticiper la restructuration. De ce constat, nous pouvons déduire cette seconde hypothèse:

Hypothèse 2

Lorsque les caractéristiques de l’entreprise octroient au syndicat davantage de temps et un espace d'action, celui-ci est davantage en mesure d’anticiper stratégiquement la restructuration.

En effet, plus une firme a une culture se montrant favorable aux pratiques de concertation, de négociation et privilégiant un climat de confiance ainsi que l’instauration d’une politique de responsabilité sociale, plus les acteurs sociaux disposent d’espace pour anticiper la restructuration (AgirE, 2008). La littérature indique aussi que la marge discrétionnaire de la direction locale conditionne l’espace décisionnel et le pouvoir alloués à la direction locale et que celle-ci conditionnait à son tour l’implication du syndicat local. En ce sens, plus la direction locale de l’entreprise bénéficie d’une autonomie décisionnelle et d’un pouvoir d’action élevé vis-à-vis du siège social, plus le syndicat dispose d’espace pour anticiper la restructuration (AgirE, 2008). Aussi, le secteur d’activité de la firme peut aussi influencer le temps laissé au syndicat pour agir : lorsqu’une entreprise évolue dans un secteur d’activité qui connaît des changements rapides, le syndicat dispose de moins de temps pour anticiper la restructuration (AgirE, 2008). S’ajoute à cela la forme et le lieu de la prise de décision dans l’entreprise, qui, lorsqu’ils sont davantage centralisés, font en sorte que le syndicat dispose de moins d’influence sur la décision en plus de se trouver moins impliqué dans la mise en œuvre de la décision. Il sera donc moins en mesure d’anticiper la restructuration (AgirE, 2008). Finalement, le modèle de management d’une entreprise ainsi que son pays d’origine expliquent eux aussi l’espace d’action qui est laissé au syndicat (AgirE, 2008; Taylor et al, 2009). La littérature nous dit qu’une firme caractérisée par un modèle de management anglo-saxon et provenant d’un pays ayant une tradition politique plutôt néo-libérale laissera moins d’espace au syndicat pour anticiper la restructuration (Taylor et al, 2009).

79 Au total, si les caractéristiques de l'entreprise sont favorables au syndicat, ce dernier sera davantage capable d'anticiper la restructuration.

Par ailleurs, le projet AgirE (2008) a identifié les caractéristiques du territoire comme étant des variables susceptibles d’influencer aussi les stratégies d’anticipation. À cet effet, nous pouvons formuler l’hypothèse suivante :

Hypothèse 3

Plus les caractéristiques du territoire sub-national sont favorables à une action concertée entre les divers acteurs territoriaux, plus le syndicat est capable d’anticiper stratégiquement la restructuration.

L’information et la négociation, étant des conditions essentielles pour l’anticipation des restructurations, sont en partie tributaires du cadre institutionnel et juridique, de la culture locale ainsi que du degré de coordination entre les syndicats et de possibilité de partenariat entre tous les acteurs présents sur le territoire. En ce sens, plus le cadre institutionnel et juridique comporte des lois et des mesures contraignantes pour les entreprises en matière de restructuration, plus les parties prenantes disposeront de l’espace et du temps nécessaire pour anticiper la restructuration. En outre, plus la culture locale est propice à la transmission d’une information de qualité entre les acteurs, plus le syndicat se trouve en bonne posture pour anticiper la restructuration. Aussi, plus le degré de coordination entre les représentants des travailleurs est élevé, plus le syndicat est en mesure d’anticiper la restructuration. En effet, la coordination permet d’établir des liens entre les différents niveaux de l’entreprise et les autorités locales favorisant ainsi une meilleure qualité de l’information ainsi qu’une action concertée. Puis, lorsque plus grandes sont les possibilités de partenariat territorial entre les divers acteurs présents sur le territoire sub-national, le syndicat est davantage apte à anticiper la restructuration. Les différents acteurs territoriaux travaillent ainsi de concert pour une revitalisation du territoire (AgirE, 2008).

80 Notre revue de la littérature sur l’anticipation des restructurations montre que la stratégie patronale de restructuration est un facteur-clé pour l’action syndicale. En effet, nous avons vu à la section 1.4.2 qu’une stratégie de restructuration centralisée (fermée) laissait aux syndicats une marge de manoeuvre très limitée tandis qu’une stratégie de restructuration diversifiée (ouverte) laissait davantage place à l’implication syndicale (AgirE, 2008). De plus, la littérature avance que la nature de la restructuration (les formes qu’elle peut prendre) explique à son tour l’espace réservée aux syndicats pour agir (AgirE, 2008). La fermeture complète d’un site de production n’aura pas la même incidence sur l’anticipation syndicale qu’une restructuration interne. Par ailleurs, Bain et Taylor (2008) sont d’avis que le facteur temps est une variable stratégique décidée par les firmes (échéancier de la restructuration) pouvant mettre en échec toute action syndicale entreprise vis-à-vis des restructurations. Au terme de ce qui a été dit précédemment, nous émettons l’hypothèse suivante :

Hypothèse 4

Plus la stratégie patronale de restructuration est diversifiée, vise une restructuration de nature moindre qu'une fermeture et dont l’échéance est relativement de longue durée, plus le syndicat est en mesure d’anticiper stratégiquement la restructuration.

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