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Chapitre 5 : Analyse et discussion des résultats

5.3 Hypothèse 3

Plus les caractéristiques du territoire sub-national sont favorables à une action concertée entre les divers acteurs territoriaux, plus le syndicat est capable d’anticiper la restructuration.

Tableau 13 HYPOTHÈSE 3

Variable indépendante Dimensions Confirmation de

l’hypothèse CARACTÉRISTIQUES DU TERRITOIRE SUB-NATIONAL CADRE INSTITUTIONNEL ET ENVIRONNEMENT JURIDIQE

(n'a pas favorisé l'anticipation syndicale de la restructuration)

Non

CULTURE LOCALE

(a favorisé l'anticipation syndicale de la restructuration)

Oui

COORDINATION ENTRE LES ACTEURS TERRITORIAUX

(a favorisé l'anticipation syndicale de la restructuration)

Oui

POSSIBILITÉ DE PARTENARIAT TERRITORIAL

(a favorisé l'anticipation syndicale de la restructuration)

Oui

AgirE (2008) affirme qu’une culture locale propice à la transmission d’une information de qualité entre les acteurs, qu’une bonne coordination entre les syndicats et qu’une possibilité effective de partenariat territorial entre les divers acteurs présents sur le territoire sub-national sont des conditions susceptibles de favoriser une anticipation syndicale des restructurations. Notons également que les travaux de Poulin et Prud’homme (2010) sur le cadre législatif québécois encadrant les restructurations en matière de licenciements collectifs peuvent être indicatifs quant à l’anticipation syndicale opérationnelle des restructurations puisque dans certains cadres juridiques nationaux, il

183 existe des lois obligeant l’employeur à consulter les syndicats quant au processus de restructuration.

Nos résultats quant au cadre institutionnel et juridique du territoire sub-national est sans équivoque : seul un préavis de licenciement collectif de 12 semaines est exigé pour le cas de l’usine québécoise d’emballage de verre. Toutefois, l’entreprise a donné un préavis d’environ huit mois ce qui dépasse les lois du travail à cet effet. Ce délai de préavis a donné du temps appréciable au syndicat pour l’anticipation opérationnelle de la restructuration de 2004-2005 dans la mesure où ils ont eu le temps de préparer convenablement le licenciement collectif à venir en allant chercher un maximum de ressources offertes par des organismes gouvernementaux tels qu’Emploi-Québec. Il reste néanmoins que l'employeur n'était pas tenu de donner un préavis de huit mois ce qui nous amène à penser que ce temps de préparation pour la gestion du licenciement n'est pas tributaire du cadre légal. Par ailleurs, l’employeur semble avoir respecté les mesures légales en matière de licenciement collectif en permettant l’établissement d’un comité de reclassement. Toutefois, la convention collective n’offre pas de dispositions particulières quant au licenciement collectif pour motif de restructuration. À la lumière de ces résultats, nous pouvons croire que cette caractéristique du territoire sub-national n’a pas joué un rôle dans l’anticipation stratégique de la restructuration (en amont). Le préavis de huit mois laissé par l'employeur a certainement eu un certain impact sur l’anticipation opérationnelle de la restructuration dans la mesure où le syndicat local a eu le temps, à chaud, de mobiliser ses ressources pour gérer de façon optimale les conséquences négatives découlant de cette restructuration (en aval). Mais, une importante nuance doit être ajoutée puisque ce n'est pas le cadre juridique québécois qui oblige l'employeur à donner un préavis de huit mois. La loi ne prévoit que 12 semaines.

En ce qui concerne à la qualité et la transmission des informations économiques et sociales sur le territoire qui sont conditionnées par la culture locale, deux indicateurs issus des travaux d’AgirE (2008) avaient été retenus, soit la qualité de l’information transmise entre les différents acteurs territoriaux et la qualité de la collaboration entre les acteurs territoriaux.

184 Nos résultats montrent que le territoire où est située l’usine québécoise d’emballage de verre est un milieu très mobilisé où l’information circule énormément. L’organisme communautaire de développement économique et social n’est pas étranger à cette efficace transmission d’informations économiques et sociales de qualité entre les acteurs territoriaux dans la mesure où il collabore avec l’usine depuis longtemps sur divers dossiers touchant celle-ci : formation de base pour les travailleurs, participation au comité de veille stratégique, accompagnement et soutien des démarches syndicales pour l’obtention d’un investissement, etc. En plus d’offrir au syndicat local des contacts utiles issus des paliers gouvernementaux, l’organisme communautaire se veut également une table de concertation et de collaboration entre divers représentants de la société civile autour d’enjeux locaux, par exemple, la sauvegarde des emplois de l’arrondissement. Ainsi, nous constatons qu’il y a présence d’un véritable dialogue social territorial. Qui plus est, ce dialogue social est solidement ancré sur le territoire depuis de nombreuses années. Puisque l’usine y trouve des représentants sur le conseil d’administration de la CDÉC, nous constatons qu’une action concertée a été possible pour l’anticipation de la restructuration de 2004-2005. Favorable à la circulation de l’information, la culture locale du territoire où est situé l'usine d'emballage de verre a influencé positivement la capacité syndicale à anticiper la restructuration.

Aux dires d’AgirE (2008), la coordination entre les syndicats couvrant le territoire serait déterminante en regard à l’issue de la restructuration dans la mesure où elle pourrait être une condition de succès pour négocier les restructurations. Cette coordination s’évalue selon deux indicateurs : la présence ou l’absence de mécanismes de coordination et la position coordonnée ou non des syndicats aux différents niveaux de régulation.

Nos résultats indiquent que dans sa quête d’investissement pour l’usine, le syndicat local pouvait s’assurer de l’appui de la centrale syndicale à laquelle il est affilié. Cet appui se traduit en termes de services spécialisés, ressources, outils et soutien financier via le Fonds de solidarité de la FTQ. S’ajoute à cela le soutien direct du permanent syndical des Métallos. Il existe également des formations offertes par le syndicat des Métallos aux élus syndicaux de l’usine ciblant l’étude et la compréhension des bilans d’entreprises et toutes

185 les questions financières qui s’y rattachent. Rappelons également que le syndicat des Métallos a envoyé son président aux États-Unis pour convaincre la multinationale américaine d’emballage de verre d’investir dans son usine québécoise. Cette structure syndicale via ses mécanismes formels de coordination semble avoir favorisé l’anticipation de la restructuration par le syndicat local grâce aux efforts mutuels fournis de part et d’autre. De plus, l'organisme communautaire de développement économique et social a soutenu le syndicat local dans son désir de maintenir l'usine en vie depuis les années '90, de la formation de base des travailleurs au processus de restructuration de 2004-2005, ayant eu sur son conseil d'administration un membre de la direction locale et un membre de l'exécutif du syndicat local. Le cas échéant, nous sommes en mesure de croire que les caractéristiques du territoire sub-national ont grandement favorisé une action concertée entre les divers acteurs territoriaux lors du processus de restructuration. Cette collaboration entre acteurs explique en grande partie le succès de l'anticipation syndicale de la restructuration 2004-2005.

En dernier lieu, AgirE (2008) affirme que la possibilité d’un partenariat territorial entre les acteurs présents sur le territoire est une condition susceptible de servir d’appui aux syndicats pour anticiper les restructurations. Les indicateurs retenus du modèle opératoire sont la présence ou l’absence de possibilité et la présence ou l’absence d’un partenariat territorial. Nos résultats confirment la présence d’un véritable partenariat territorial entre le syndicat local et d’autres acteurs territoriaux. L’historique de la relation entre le syndicat et les autres acteurs faisait en sorte qu’en 2004-2005 il allait de soi pour le syndicat de travailler avec ces partenaires. La possibilité de partenariat territorial a toujours été évidente pour le syndicat qui savait qu’il pouvait compter sur les acteurs du territoire compte tenu de l’expérience antérieure. Cette possibilité est un facteur qui peut avoir donné confiance au syndicat.

Le syndicat local et l’organisme communautaire de développement économique et social entretiennent des liens serrés depuis le début des années ’90 lors de la mise sur pied du programme de formation de base (donc possibilité présente car il y en avait déjà eu dans le passé). Nous pouvons croire que ces liens se sont consolidés lors de la restructuration

186 de 2004-2005 en raison du constant accompagnement de l’organisme pour la sauvegarde de l’usine (la quête de l’investissement et la gestion des 150 licenciements qui suivirent l’obtention de cet investissement). Cette période a été marquée par de fréquentes rencontres entre le syndicat local et les représentants de l’organisme. De plus, la CDÉC a fait bénéficier le syndicat local de son solide réseau de contacts politiques, économiques, gouvernementaux et administratifs. Incidemment, nous constatons que cette caractéristique territoriale a joué un très grand rôle dans l’anticipation syndicale de la restructuration de 2004-2005. En effet, ce partenariat a certainement constitué un important levier à l'anticipation syndicale de la restructuration.

Les caractéristiques du territoire sub-national ont certainement favorisé une action concertée entre les divers acteurs territoriaux. Elles ont permis au syndicat local d’anticiper la restructuration de 2004-2005, tant du niveau opérationnel que du niveau stratégique. Ces résultats positifs corroborent le fait (section 1.5.1 du mémoire) que l'anticipation d'une restructuration par les acteurs sociaux exige une mobilisation préalable de leurs ressources avant la crise. Cette mobilisation de ressources est davantage efficace lors d'une restructuration si elles résultent d'une préexistante collaboration entre les divers acteurs territoriaux. Ces résultats supportent donc notre troisième hypothèse étant donné l’influence positive que les caractéristiques du territoire ont eu quant à la conduite dynamique du changement.

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