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C. L’influence des caractéristiques familiales sur le processus de résilience

2. Contexte de l’étude, objectifs et hypothèses

2.3. Hypothèses de recherche

2.2.2. Hypothèses cliniques

A travers cette recherche, nous tenterons de vérifier un certain nombre d’hypothèses cliniques, qui émergent à la fois de la revue de la littérature exposée en première partie, et d’une recherche précédente que nous avons pu effectuer (Villani, 2010).

A. Différences de perception entre membres d’une même famille

Nous supposons des différences de perception entre les sujets d’une même famille quant à l’impact de la maladie chronique rare de l’enfant et à la résilience de la famille, approchée au travers de l’adaptation du système familial et de la qualité des relations familiales. Ainsi émettons-nous les hypothèses spécifiques suivantes :

1. Les perceptions quant à l’impact de la maladie, l’adaptation familiale et la qualité des relations familiales du parent le plus impliqué dans la prise en charge quotidienne de la maladie et du parent le moins impliqué vont varier. En s’appuyant sur les quelques études sur le sujet, nous pouvons faire l’hypothèse que le parent le plus impliqué dans la gestion de la maladie chronique rare va percevoir un impact plus important sur la famille, une moins grande adaptation de cette dernière et une moins grande qualité des relations familiales, par rapport au parent le moins impliqué.

2. Les perceptions du père et de la mère pourront également varier. Nous faisons l’hypothèse que les mères d’enfants souffrant d’une atteinte chronique rare percevront un impact plus grand de la maladie sur la famille, une moins grande adaptation au traumatisme et une moins grande qualité des relations familiales que leurs conjoints.

3. Les perceptions de l’enfant malade et de sa fratrie quant à l’impact de la maladie sur la famille, la capacité d’adaptation de cette dernière et la qualité des relations intrafamiliales semblent aussi pouvoir diverger. Même si la première personne à vivre l’impact très lourd d’une maladie chronique rare est l’enfant malade lui-même, nous devons tenir compte du fait que les parents, les soignants et l’entourage réservent la majeure partie de leur attention à l’enfant malade et à son bien-être, et que celui-ci a a priori les moyens d’exprimer son ressenti, ce qui, comme on l’a vu, est un facteur important de résilience et de développement individuels. C’est pourquoi, en nous appuyant sur la notion de « traumatisme par procuration » évoquée en première partie, nous faisons l’hypothèse que la fratrie pourrait percevoir un impact de la maladie plus

grand, une adaptation familiale moindre et une qualité des relations familiales moindre que ne le fera l’enfant malade lui-même.

4. Les perceptions des parents et des enfants (enfants malades et fratrie) quant à la capacité d’adaptation de la famille confrontée à la maladie et à la qualité des relations intrafamiliales, prise comme indice de bon fonctionnement familial, vont être divergentes. Les différents éléments pesant sur le fonctionnement psychologique des parents exposés en première partie permettent de penser qu’ils doivent avoir une perception distincte de l’impact de la maladie de celle de leurs enfants, et in fine de l’adaptation familiale et de la qualité des relations familiales. Dans notre recherche, nous supposons donc une divergence entre les perceptions des parents et des enfants, dans le sens d’une perception parentale plus négative. Nous nous intéresserons également au distinguo éventuel entre les divergences parents / enfant malade, et les divergences parents / fratrie.

B. Lien entre le profil de résilience de la famille et les caractéristiques de la maladie

Nous supposons un lien entre le profil de résilience de la famille et des variables liées à la maladie (caractéristiques spécifiques et phase de la maladie) et au fonctionnement familial (qualité de la communication intrafamiliale, importance du soutien de la famille élargie, de la communauté ou des soignants, présence d’un système de valeurs et de croyances fortes). Notre revue de la littérature, en particulier l’utilisation du modèle Family Systems Illness and Disability Model nous permet de poser que les caractéristiques spécifiques (apparition, cours, issue, handicaps éventuels) et la phase de la maladie (crise, chronicité, aggravation) ont une influence sur l’impact de la maladie perçu par la famille et sur le niveau d’adaptation, donc de résilience, de cette dernière :

5. L’apparition brutale de la maladie devrait être corrélée à un impact plus grand, une moindre adaptation de la famille et une moindre qualité perçue des relations familiales, par rapport à une apparition graduelle.

6. Un cours progressif de la maladie (ou encore une maladie évolutive) devrait être corrélé à un impact plus important, une moindre adaptation de la famille et une moindre qualité perçue des relations familiales, par rapport à un cours stable ou avec des rémissions.

7. Une possibilité d’issue fatale ou de réduction sensible de l’espérance de vie devrait être corrélée à un impact plus important de la maladie, une moindre adaptation de la famille et une moindre qualité perçue des relations familiales, par rapport à une absence de possibilité létale.

8. La présence de handicaps, modérés ou sévères, devrait être corrélée à un impact plus important de la maladie, une moindre adaptation de la famille et une moindre qualité perçue des relations familiales, par rapport à une absence de handicaps.

9. Les phases de la maladie correspondant à une crise ou une aggravation devraient être corrélées à un impact plus important, une moindre adaptation de la famille et une moindre qualité perçue des relations familiales, par rapport à une phase chronique de la maladie.

C. Lien entre le profil de résilience de la famille et les caractéristiques familiales

Il existe de nombreuses dynamiques familiales qui peuvent jouer un rôle dans le processus d’adaptation, donc de résilience, des familles confrontées à la maladie chronique d’un de leurs membres.

Nous souhaitons dans notre étude nous focaliser sur les variables intervenant dans les modèles explicités en première partie, en particulier, le Family Systems Illness and Disability Model, à l’exception de certains modes d’organisation de la famille tels que

l’adaptabilité, la cohésion et les limites, qui ont déjà été corrélées à la qualité du fonctionnement familial par de nombreuses études.

De même, nous n’avons pas souhaité inclure à notre étude la dimension de la représentation transgénérationnelle de la maladie, qui pourrait faire l’objet d’une étude à part entière et impliquerait les familles de manière lourde (par exemple à travers des entretiens approfondis systématiques ou encore la création de génogrammes, qui demandent plusieurs réunions), alors que les familles élevant un ou plusieurs enfants atteints de maladie rare ont justement besoin de répit et de temps pour elles.

10. En premier lieu, nous nous intéresserons donc au soutien social offert par la constellation familiale et à son lien avec l’impact de la maladie perçu par la famille nucléaire et avec l’adaptation de cette dernière. En nous appuyant sur les modèles exposés en première partie et les travaux existants dans ce domaine, nous faisons l’hypothèse qu’une constellation familiale basée sur l’implication et le soutien de la famille élargie, de la communauté et des soignants sera corrélée à un impact de la maladie sur la famille perçu comme moindre, à une meilleure adaptation, et à une meilleure qualité des relations familiales.

11. En second lieu, nous tenterons d’évaluer la qualité de la communication intrafamiliale dans des familles élevant un enfant atteint de maladie chronique rare, et son lien avec l’impact perçu de la maladie et la résilience du groupe familial. Nous faisons l’hypothèse qu’un niveau élevé d’expression et de communication au sein d’une famille confrontée à la maladie chronique rare d’un enfant sera corrélé à un impact perçu moindre de la maladie et une meilleure adaptation familiale.

12. Sur le plan temporel, il paraît intéressant d’étudier le lien entre la phase de vie de la famille et les variables d’impact perçu de la maladie chronique rare d’un enfant, d’adaptation familiale et de qualité des relations intrafamiliales. Nous faisons l’hypothèse que les familles avec de tout jeunes enfants et avec de grands adolescents, en passe de devenir majeurs, seront celles présentant un impact

perçu supérieur, une adaptation moindre, et une moindre qualité des relations familiales.

13. Enfin, de nombreux modèles de description et d’évaluation de la résilience familiale citent la spiritualité, et plus largement le système de croyances et de valeurs spirituelles de la famille, comme un facteur de protection de la résilience du groupe familial. Nous faisons par conséquent l’hypothèse qu’un système fort de croyances et de valeurs partagées au sein de la famille, aussi bien par rapport à la maladie elle-même que par rapport à la vision de la vie en général, sera corrélé à un impact perçu de la maladie sur la famille moindre, une adaptation de la famille plus grande, et une plus grande qualité en termes de relations familiales.

Schéma 13 : Facteurs faisant l’objet d’hypothèses cliniques dans notre étude

Caractéristiques!de!la!maladie:! S!Apparition! S!Cours! S!Issue! S!Handicaps! S!Phase! Caractéristiques!familiales:! S!Communication!intrafamiliale! S!Soutien!social! S!Spiritualité! S!Cycle!de!vie! Ajustement!des!membres!de!la!famille:!! S!Perception!du!stresseur!! S!Perception!des!ressources!familiales! S!Stratégies!d’ajustement! S!Interactions! Adaptation!et!proiil!de!résilience!familiale!

3. Méthodologie

3.1. Population

Notre population est constituée de familles vivant en France et élevant un enfant souffrant d’une maladie chronique rare. Comme nous l’avons vu plus haut, ces maladies sont souvent d’origine génétique.

Ces familles ont été recrutées par le biais d’associations d’information et de soutien des familles, spécialisées dans diverses maladies chroniques rares, et également dans un centre de référence. Le détail de ce recrutement sera exposé dans la partie présentant la population de l’étude.

Nous avons choisi de nous inscrire dans le courant de recherche qui considère les maladies rares dans leur ensemble, afin de pouvoir également prendre en compte les maladies les plus rares et leur donner plus de poids ; de ce fait, les maladies faisant l’objet de notre étude sont multiples. Cependant, afin de rapprocher des niveaux de contrainte comparables, nous avons choisi d’étudier des maladies considérées comme sévères (la plupart des maladies génétiques connaissent plusieurs formes, allant de formes simples, ou modérées, à des formes plus sévères). La sévérité potentielle ou avérée de l’atteinte a été vérifiée selon les informations contenues sur Orphanet.fr, site internet national portail des maladies rares et des médicaments orphelins, documenté par des professionnels de santé. Nous avons souhaité exclure de notre population les familles élevant un enfant malade pour lequel le diagnostic avait été posé depuis moins de six mois. En effet, comme nous l’avons déjà évoqué, les premiers temps après le diagnostic sont une période de choc pour les familles, qui sont peu disponibles au cours de cette période. Leur proposer de participer à une recherche alors qu’elles sont engagées dans un travail psychique d’acceptation de l’annonce nous a par conséquent paru inopportun.

Après réflexion, nous avons inclus dans notre échantillon différents types de familles, c’est- à-dire traditionnelles, monoparentales et recomposées. En effet, d’après notre revue de littérature, il semble trop rapide de penser que l’éclatement de la famille dans un contexte de maladie chronique rare provient directement de cette dernière. A ce titre, il paraît intéressant de continuer à étudier la résilience des familles même après séparation ou modification de son organisation. Notre étude inclut par conséquent à la fois des familles traditionnelles réunies autour des parents biologiques, des familles monoparentales après séparation, et des familles recomposées, avec beaux-parents, selon une approche de la famille qui correspond aux évolutions sociologiques actuelles.

Enfin, notre recherche ayant pour objet la résilience familiale face à la maladie chronique rare de l’enfant, nous nous sommes focalisés sur les familles élevant un enfant malade de moins de 18 ans, afin de garder un ensemble cohérent et de ne pas intégrer les problématiques des jeunes adultes malades au sein des familles, qui peuvent être tout autres. De ce fait, si un enfant malade avait un frère ou une sœur malade majeur(e), les données correspondant à ce dernier ou cette dernière n’ont pas été prises en compte dans nos résultats.

Pour résumer, nos critères d’inclusion ont donc été les suivants :

a. Des familles dont un ou plusieurs enfants souffrent d’une maladie chronique rare sous une forme sévère ou pouvant le devenir

b. Des familles vivant en France

c. Des familles contactées par le biais d’associations de soutien ou de centres de référence

d. Des familles dont l’enfant a été diagnostiqué malade depuis plus de 6 mois e. Des familles dont le plus jeune enfant malade n’a pas encore atteint la majorité f. Des familles traditionnelles, monoparentales ou recomposées.

Les critères de non inclusion ont été:

a. Des familles dont les enfants souffrent de maladie de forme simple ou modérée b. Des familles dont l’enfant malade a connu un diagnostic depuis moins de 6 mois c. Des familles dont le plus jeune enfant malade est âgé de plus de 18 ans

3.2. Procédure