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Hydrogénation du furfural

L'hydrolyse de polysaccharides en C5 présents dans la fraction hémicellulose de la biomasse lignocellulosique permet d’obtenir des sucres (pentoses et hexoses) dont le xylose est généralement majoritaire. Ce xylose peut ensuite être déshydraté en furfural (Figure 10). Dans les années 2000, plus de 280 kT/an de furfural étaient produits chaque année. Le plus gros producteur est la Chine (200 kT/an), suivie par la République Dominicaine (32 kT/an) et l'Afrique du Sud (20 kT/an).33

Figure 10 : Schéma simplifié de la conversion du xylan en furfural.

Le premier procédé commercial pour la production de furfural a été mis en service en 1921 par Quaker Oats.34 Ce procédé permet d’obtenir un rendement en furfural de 40 à 50 % calculé à partir des hémicelluloses, et repose sur l’utilisation de l'acide sulfurique aqueux (H2SO4) à 170-185 °C. La première étape de ce procédé consiste à hydrolyser les hémicelluloses afin d’obtenir le xylose, qui, en perdant ensuite trois molécules d’eau, forme le furfural. Les rendements relativement faibles en furfural résultent de réactions secondaires. Celles-ci comprennent la formation d’humines par condensation du furfural ou encore la résinification du furfural. De plus, l’utilisation d’acides minéraux pour cette production est problématique en raison des problèmes de corrosion et environnementaux (traitement des déchets). Dans l’optique d’améliorer les rendements en furfural, des systèmes biphasiques H2O-solvants organiques ont été étudiés afin de limiter la dégradation du furfural au cours de sa production.35 Ce principe repose sur l’affinité plus élevée du furfural pour la phase organique, où les réactions de dégradation sont le plus souvent inhibées en raison de l'absence du catalyseur. La conversion catalytique des pentoses en furfural sur des catalyseurs solides a été largement étudiée au cours des dernières décennies. Une grande variété de matériaux (zéolithes, résines échangeuses d'ions, silices mésoporeuses modifiés par des groupements

33 SRI Consulting, Furfural. Chemical Economics Handbook.2011

34 K.J. Zeitsch, "The chemistry and technology of furfural and its many by-products", Vol. 13, 2000, Elsevier. 35 J.N. Chheda, Y. Roman-Leshkov, J.A. Dumesic, Green Chem., 2007, 9, 342-350.

acide sulfonique, oxydes métalliques sulfonés, etc.)36 ont été proposés pour cette transformation.

Récemment, Bozell et al.37 ont identifié le furfural comme l’un des composés chimiques les plus prometteurs pour une production durable de carburant et de produits chimiques. En effet, le nombre de transformations possibles du furfural en produits chimiques et en carburant est colossal. Une des réactions possibles est l’hydrogénation du furfural, la Figure 11 suivante donne un aperçu complet de tous les composés pouvant être obtenus à partir de l'hydrogénation du furfural.

Figure 11 : Produits pouvant être formés au cours de l'hydrogénation du furfural.

Ces composés peuvent être : l’alcool furfurylique, l’alcool tétrahydrofurfurylique (THFA) produit suite à l’hydrogénation totale du furfural, ou le 2-méthylfurane (2-MF) produit d’hydrogénolyse pouvant être ultérieurement hydrogéné en 2-méthyltétrahydrofurane, ou encore le furane à la suite de la décarboxylation du furfural.

36 R. Mariscal, P. Maireles-Torres, M. Ojeda, I. Sadaba, M. Lopez Granados, Energy Environ. Sci., 2016, 9, 1144-1189.

La sélectivité envers le produit désiré lors de cette réaction d’hydrogénation dépend très fortement des conditions réactionnelles appliquées ainsi que de la nature du catalyseur utilisé.

Dans ce travail, la littérature concernant la production de deux composés issus de l’hydrogénation du furfural est reportée. Ces derniers sont l’alcool furfurylique (obtenu par hydrogénation sélective de la liaison −C=O) et le β-méthylfurane (produit d’hydrogénolyse du furfural).

III.1. Production de l’alcool furfurylique III.1.1. δ’alcool furfurylique

La Figure 12 présente la molécule de l’alcool furfurylique de formule C5H6O2.

Figure 12 : Molécule d'alcool furfurylique.

δ’alcool furfurylique est un composé qui trouve de nombreuses applications en tant que solvant ou pour la production de résines, de fibres synthétiques, d’adhésifs, de produits de chimie fine (tel que la vitamine C, la lysine, …), ou de produits chimiques agricoles. Toutefois, il trouve sa principale application dans la fabrication des résines de fonderie.38

Pour cette raison, l’alcool furfurylique est le dérivé le plus important du furfural.34 Il a été estimé que ~ 62 % du furfural produit dans le monde chaque année sont convertis en alcool furfurylique.39

La production de l'alcool furfurylique est effectuée par hydrogénation catalytique du furfural, qui peut être réalisée en phase gazeuse ou en phase liquide. De nombreux catalyseurs ont donc été étudiés et/ou développés au cours de ces dernières décennies pour la production sélective d’alcool furfurylique.

III.1.2. Hydrogénation en phase gazeuse

δ’hydrogénation du furfural en alcool furfurylique en phase gazeuse avec un catalyseur à base de cuivre a été rapportée pour la première fois en 1927.40 En 1931, la société Du Pont

38 J.B. Barr, S.B. Wallon, J. Appl. Polym. Sci., 1971, 15, 1079-1090.

39 K. Yan, G. Wu, T. Lafleur, C. Jarvis, Renew. Sust. Energ. Rev., 2014, 38, 663-676. 40 R. Eloi, G.H. Martin, patent US1739919. 1929.

de Nemours a breveté un procédé d’hydrogénation du furfural pour la production d’alcool furfurylique en phase gazeuse avec l'utilisation d’un catalyseur de type chromite de cuivre.41

Aujourd’hui le procédé industriel d’hydrogénation du furfural en phase gazeuse est réalisé en vaporisant le furfural dans un flux d’hydrogène à 1β0 °C qui est ensuite surchauffé avant d’être introduit dans un réacteur multitubulaire chauffé par bain d’huile. Après passage à travers le réacteur, la conversion du furfural dépasse 99 % et l'alcool furfurylique brut est condensé avant d’être distillé dans une colonne sous vide afin d’obtenir une pureté de plus de 99 %.

III.1.2.a. Catalyseurs chromite de cuivre

δes premiers catalyseurs utilisés pour l’hydrogénation du furfural étaient des catalyseurs chromite de cuivre,57 cependant ces derniers montrent une désactivation significative.

Dans une étude menée afin d’expliquer la désactivation des catalyseurs chromite de cuivre,42 plusieurs phénomènes ont été proposées. Ces derniers sont :

- la formation de coke,

- l'empoisonnement du catalyseur par adsorption du furfural ou des autres produits de la réaction,

- le frittage des particules de cuivre au cours du procédé catalytique, - la lixiviation des espèces de cuivre,

- un changement de l'état d'oxydation du cuivre.

- le recouvrement des sites Cu par des espèces Cr provenant de la décomposition partielle du chromite de cuivre.

Une des causes principales de la désactivation des catalyseurs chromite de cuivre utilisés pour l’hydrogénation catalytique du furfural en phase gazeuse semble être un empoisonnement des sites actifs dû à une forte adsorption d’espèces formées par la polymérisation du réactif et/ou des produits à la surface du catalyseur, comme le montre les résultats du Tableau 8.

41 W.A. Lazier, patent US2077422. 1937.

42 D. Liu, D. Zemlyanov, T. Wu, R.J. Lobo-Lapidus, J.A. Dumesic, J.T. Miller, C.L. Marshall, J. Catal., 2013, 299, 336-345.

Tableau 8 : Analyses XPS de diverses espèces identifiées sur la surface des catalyseurs frais et utilisés. 42

Espèces Energie de

liaison (eV)

Composition atomique (%) Catalyseur frais Catalyseur

utilisé

C−C 284,8 90 55

C−OH ou C−O−C 286,1–286,3 4 24

C=O 287,8 – 14

O−C=O 288,6–288,7 6 7

Des analyses XPS ont mis en évidence la présence d’espèce carbonyle, alcool ou éther à la surface du catalyseur après réaction, espèces initialement absentes.

Les auteurs indiquent également qu’à plus haute température ( > 200 °C), le rapport Cr/Cu augmente de 50 %, ce qui suggère qu’un recouvrement des sites de cuivre par le chrome devient une cause supplémentaire de désactivation du catalyseur. Ces derniers indiquent également que la perte des sites Cu(I) au cours de l'hydrogénation n’est pas une cause de désactivation, par opposition à ce qui avait été rapporté précédemment dans la littérature.43,44 Toutefois, des études plus récentes contredisent cette interprétation.45,47

Il a été mis en évidence qu’à la surface d’un catalyseur à base de cuivre déposé sur SBA-15, la présence de dépôt carboné est moindre que dans le cas d’un catalyseur chromite de cuivre sans que toutefois les auteurs en donnent l’explication.45 Ce catalyseur est légèrement moins sélectif que les catalyseurs chromite de cuivre, avec un rendement maximal en alcool furfurylique de 85 % pour une conversion du furfural de 92 %.

Avec comme objectif de stabiliser les catalyseurs chromite de cuivre, il a été démontré que le dépôt d'une couche atomique d'alumine (ou d’oxyde de titane) s’avérait efficace.46,47 Le dépôt de ces couches atomiques d'alumine (ou d’oxyde de titane) entraîne l'encapsulation des particules de cuivre par une surcouche d’Al2O3 ou de TiO2. Une calcination à haute température, conduit alors à une microporosité dans cette surcouche, exposant ainsi le cuivre

43 R.S. Rao, R.T.K. Baker, M.A. Vannice, Catal. Lett., 1999, 60, 51-57.

44 B.M. Nagaraja, A.H. Padmasri, B.D. Raju, K.S.R. Rao, J. Mol. Catal. A: Chem., 2007, 265, 90-97.

45 D. Vargas-Hernandez, J.M. Rubio-Caballero, J. Santamaria-Gonzalez, R. Moreno-Tost, J.M. Merida-Robles, M.A. Perez-Cruz, A. Jimenez-Lopez, R. Hernandez-Huesca, P. Maireles-Torres, J. Mol. Catal. A: Chem., 2014, 383-384, 106-113.

46 H. Zhang, Y. Lei, A.J. Kropf, G. Zhang, J.W. Elam, J.T. Miller, F. Sollberger, F. Ribeiro, M.C. Akatay, E.A. Stach, J.A. Dumesic, C.L. Marshall, J. Catal., 2014, 317, 284-292.

47 H. Zhang, C. Canlas, A. Jeremy Kropf, J.W. Elam, J.A. Dumesic, C.L. Marshall, J. Catal., 2015, 326, 172- 181.

en dessous, tout en empêchant le frittage des particules de cuivre ainsi que le recouvrement des particules de cuivre par des espèces chromite.

Depuis lors, de nombreux autres systèmes catalytiques ont été proposés pour cette transformation, notamment pour limiter les problèmes environnementaux liés à la présence du chrome dans les catalyseurs chromite de cuivre. Il en ressort qu’une très large majorité des catalyseurs utilisés dans la littérature pour l’hydrogénation du furfural en alcool furfurylique en phase gazeuse sont à base de cuivre (associé ou non à d’autres métaux). Il est à noter que quelques autres études ont étudiés des catalyseurs à base de palladium ou de nickel (seul ou en association avec un autre métal).

III.1.2.b. Catalyseurs à base de cuivre

Une étude menée sur des catalyseurs à base de cuivre monométalliques a montré que l’utilisation de la silice pour l’hydrogénation du furfural en phase gazeuse est préférable à l’utilisation d’autres supports comme l’alumine ou l’oxyde de zinc (Cu/SiO2 > Cu/Al2O3 > Cu/ZnO).48 Il semblerait que le support SiO2 puisse interagir avec les espèces de cuivre ce qui permettrait de disperser uniformément les particules de cuivre. En présence de ce catalyseur Cu/SiO2, l'alcool furfurylique est le principal produit lors de l’hydrogénation du furfural en phase gazeuse à basse température (73 % d’alcool furfurylique à 140 °C). Cependant, la sélectivité en 2-méthylfurane augmente fortement avec l'augmentation de la température de réaction (de 140 à 220 °C), la formation de pentanone et de pentanol étant également observée. La diminution de la sélectivité à haute température étant liée à la formation de produits secondaires, la température de réaction est une condition importante permettant d’améliorer la sélectivité en alcool furfurylique. Les auteurs ne donnent pas d’information sur la stabilité de ce catalyseur Cu/SiO2. Cependant ils indiquent que ce dernier ne montre pas de désactivation à une température de 220 °C (pour une application à la production de 2-méthylfurane).

Nagaraja et al.49 ont, quant à eux, étudié un catalyseur Cu/MgO. Ces derniers ont également constaté une baisse de la sélectivité en alcool furfurylique avec l'augmentation de la température au-dessus de 180 °C. La raison de cette baisse de sélectivité en alcool furfurylique s’explique par la formation de produits secondaires, à savoir : du 2-méthylfurane,

48 F. Dong, Y. Zhu, H. Zheng, Y. Zhu, X. Li, Y. Li, J. Mol. Catal. A: Chem., 2015, 398, 140-148. 49 B.M. Nagaraja, A.H. Padmasri, B.D. Raju, K.S.R. Rao, J. Mol. Catal. A: Chem., 2007, 265, 90-97.

de l’alcool tétrahydrofurfurylique, du tétrahydrofurane. Aucune indication sur la stabilité de ce catalyseur n’est donnée dans cette étude.

δ’effet bénéfique de l’addition d’un co-métal à des catalyseurs à base de cuivre a fait l’objet de quelques autres travaux.

δa performance catalytique la plus élevée pour l’hydrogénation en phase gazeuse jusqu’à aujourd’hui a été obtenue avec un catalyseur CuCa/SiO2.50 La méthode de préparation du catalyseur semble avoir un effet important. En effet, un catalyseur préparé par voie sol-gel (SG) présente une plus grande stabilité au cours du temps qu’un catalyseur préparé par imprégnation (IM). Ainsi La Figure 13 montre que le catalyseur préparé par voie sol-gel (SG) ne subit pas ou peu de perte d’activité après 80 heures de réaction tandis que dans le cas du catalyseur préparé par imprégnation (Iε) l’activité chute d’environ γ0 % après 25 heures. Les auteurs indiquent que les particules sont plus petites pour le catalyseur préparé par voie sol-gel, menant à une plus grande dispersion du cuivre à la surface du catalyseur.

Figure 13 : Performance des catalyseurs pour l'hydrogénation du furfural en alcool furfurylique. 50 Le calcium est habituellement utilisé pour améliorer la stabilité des catalyseurs par son rôle de promoteur structurel.50 Ce dernier permet d’améliorer la dispersion du cuivre et limiterait le frittage des particules de cuivre, ce qui améliore la stabilité du catalyseur. Toutefois, comme le montre la Figure 13, l’effet de l’addition de calcium est moins marqué dans le cas du catalyseur préparé par la méthode sol-gel (SG : avec Ca ; SG-1 : sans Ca) que dans le cas du catalyseur préparé par imprégnation (IM : avec Ca ; IM-1 : sans Ca). En effet, lors de la réaction avec le catalyseur préparé par la méthode sol-gel, la conversion du furfural est totale même dans le cas du catalyseur sans calcium promoteur et la

sélectivité en alcool furfurylique de 98 % n’est pas significativement améliorée par le calcium promoteur.

Dans leur étude sur des catalyseurs bimétalliques à base de métaux de transition supportés sur silice, Reddy et al.51 indiquent que l'ordre d'activité des catalyseurs pour la réaction d’hydrogénation du furfural en alcool furfurylique en phase gazeuse est la suivante : Cu-Co/SiO2 > Ni-Cu/SiO2 > Co-Ni/SiO2 (Figure 14).

Figure 14 : Activité et sélectivité de divers catalyseurs bimétallique pour l'hydrogénation du furfural en alcool furfurylique. 51

Quelle que soit la température de réaction utilisée, la sélectivité du catalyseur Cu-Co/SiO2 est supérieure à celle des deux autres systèmes catalytiques. D’après eux, l’activité plus élevée observée pour le catalyseur Cu-Co/SiO2 (environ 85 % de rendement en alcool furfurylique à 225 °C) semble être due à une plus grande surface spécifique.

Un autre système bimétallique a été étudié pour l’hydrogénation du furfural en phase gazeuse, il s’agit d’un catalyseur Pd-Cu supporté sur zéolithe Y.52 Les auteurs expliquent le choix du palladium par la capacité de ce dernier à activer l’hydrogène. Toutefois, un rendement en alcool furfurylique de seulement 58 % a été obtenu avec ce catalyseur Pd-Cu/Y. Les auteurs indiquent que la désactivation de ce catalyseur semble être due à la réduction des espèces d’oxyde de cuivre en cuivre métallique à hautes températures ( > 300 °C), ainsi qu’à la formation de coke à la surface du catalyseur pour des températures plus faibles ( < 200 °C). Après un traitement thermique sous air, l’activité du catalyseur est revenue à 95 % de son activité initiale.

51 B.M. Reddy, G.K. Reddy, K.N. Rao, A. Khan, I. Ganesh, J. Mol. Catal. A: Chem., 2007, 265, 276-282. 52 G. Seo, H. Chon, J. Catal., 1981, 67, 424-429.

III.1.2.c. Catalyseurs à base de métaux du groupe 10

D’autres métaux sont connus pour leur activité dans les réactions d’hydrogénation. Ainsi dans le cas de l’hydrogénation du furfural en alcool furfurylique, des catalyseurs à base de platine, de palladium ou encore de nickel ont également été étudiés.

Divers catalyseurs à base de platine déposé sur des supports SiO2 préalablement recouverts d’une ou deux monocouches d’un oxyde de métal de transition ont été étudiés. Parmi ces derniers, le catalyseur Pt/TiO2-V2O5-SiO2 semble être le plus sélectif (avec un rendement de 79 % pour une conversion du furfural de 87 %).53 La raison de cette haute sélectivité serait qu’une polarisation plus importante de la surface du catalyseur se produit si la différence entre l'électronégativité du platine et celle du métal de transition atteint un maximum. En effet, les systèmes polaires adsorbent plus facilement et activent le groupe carbonyle polaire.

Pour les catalyseurs à base de platine, la taille des particules métalliques semble être un paramètre important à prendre en compte pour la sélectivité de la réaction. Les nanoparticules de platine possèdent deux sites actifs différents, dont la proportion varie en fonction de la taille et de la forme des nanoparticules, pour induire soit une décarbonylation en furane, soit une hydrogénation du groupe carboxyle.54,55

La Figure 15 montre que pour des nanoparticules de platine ayant une taille inférieure à 2 nm, le produit majoritaire de la réaction est du furane avec une sélectivité supérieure à 90 %. Pour des particules dont la taille est supérieure à 3,6 nm la production d’alcool furfurylique est favorisée par rapport à la production de furane. La sélectivité en alcool furfurylique augmente alors jusqu’à θ0-65 % pour des tailles de particules supérieures ou égales à 5 nm.

53 J. Kijenski, P. Winiarek, T. Paryjczak, A. Lewicki, A. Mikolajska, Appl. Catal. A: Gen., 2002, 233, 171-182. 54 V.V. Pushkarev, N. Musselwhite, K. An, S. Alayoglu, G.A. Somorjai, Nano Lett., 2012, 12, 5196-5201. 55 K. An, N. Musselwhite, G. Kennedy, V.V. Pushkarev, L. Robert Baker, G.A. Somorjai, J. Colloid Interface Sci., 2013, 392, 122-128.

Figure 15 : Sélectivité des produits lors de l'hydrogénation du furfural en fonction de la taille des nanoparticules de Pt (déposé sur MCF-17). 55

Un comportement très différent des catalyseurs au cuivre a également été observé pour les catalyseurs à base de palladium. Contrairement au cuivre, le palladium ne produit que de faibles quantités d'alcool furfurylique (< 10 %), le produit principal étant le furane (provenant de la décarbonylation du furfural).56 Une autre différence est l'apparition d'alcool tétrahydrofurfurylique ainsi que de tétrahydrofurane. Ces produits, dont le cycle est hydrogéné, ne sont pas observés dans le cas du catalyseur au cuivre ce qui semble indiquer que l'interaction avec le cycle furane est favorisée à la surface des particules de palladium.56

Par conséquent, le défi de l'hydrogénation du furfural en alcool furfurylique en phase gazeuse réside dans l'inhibition des voies qui génèrent le furane et le 2-methylfuran, notamment lorsque des conversions élevées en furfural sont atteintes (conditions pour lesquelles il devient difficile de produire sélectivement l’alcool furfurylique).

Le Tableau 9 ci-après résume les résultats des différents systèmes catalytiques étudiés pour l’hydrogénation du furfural en alcool furfurylique en phase gazeuse. Les conditions expérimentales variant notablement entre chaque étude décrite dans la littérature, ainsi une comparaison des résultats catalytiques est complexe. Parmi toutes ces études, seulement quatre catalyseurs ont conduits à des rendements supérieurs à 90 % en alcool furfurylique. Les systèmes catalytiques utilisés dans ces cas contiennent tous du cuivre et sont : CuCa/SiO2 (99 %), Cu/SiO2 (97 %), CuLa/MCM-41 (97 %), Cu/MgO (96 %).

Il en ressort qu’une très large majorité des catalyseurs utilisés dans la littérature pour la réaction d’hydrogénation du furfural en alcool furfurylique en phase gazeuse sont à base de cuivre.

Tableau 9 : Systèmes catalytiques étudiés pour l'hydrogénation du furfural en alcool furfurylique en phase gazeuse. Catalyseur Conditions réactionnelles Conversion du furfural (%) Rendement en alcool furfurylique (%) Ref. H2/furfural Rapport molaire Température (°C) Temps (h) Cu2Cr2O5 72 140 n/a n/a 70 % (sélectivité) 57 Cu2Cr2O5 25 200 4 n/a 98 % (sélectivité) 42 CuCr/TiO2 900 140 0.5 90 79 58 Cu/SiO2 17 140 10 98 73 48 Cu/SiO2 5 170 4 98 97 59 Cu/SiO2 25 290 0,25 77 63 60 Cu/SBA-15 12 170 1 92 85 45 Cu/MgO 2.5 180 5 98 96 49 Cu/ZnO 17 220 10 95 31 49 oxydes Cu-Ni-Mg-Al 10 220 36 80 64 61 CuCa/SiO2 5 130 80 100 99 50 CoCu/SiO2 6 200 12 100 85 51 CuLa/MCM-41 5 140 n/a 98 97 62 PdCu/zeolite-Y 0,08-2,27 300 n/a 58 58 52 Pt/TiO2-V2O5-SiO2 2 150 0.5 87 79 53

Des calculs de chimie théorique ont été menés afin d’essayer d’expliquer la différence de sélectivité observée entre ces catalyseurs à base de cuivre et ceux à base de palladium ou de nickel moins sélectifs pour cette réaction.

III.1.2.d. Mécanismes proposés pour l’hydrogénation catalytique du furfural en alcool furfurylique

Des calculs DFT (calculs basés sur la Théorie de la Fonctionnelle de la Densité) - parfois lié à d’autres techniques - ont été effectués afin de proposer des modèles de modes d'adsorption du furfural et des produits de réaction à la surface du catalyseur.

57 R. Rao, A. Dandekar, R.T.K. Baker, M.A. Vannice, J. Catal., 1997, 171, 406-419.

58 W. Huang, H. Li, B. Zhu, Y. Feng, S. Wang, S. Zhang, Ultrason. Sonochem., 2007, 14, 67-74. 59 M. Bankmann, J. Ohmer, T. Tacke, patent US5591873. 1997.

60 S. Sitthisa, T. Sooknoi, Y. Ma, P.B. Balbuena, D.E. Resasco, J. Catal., 2011, 277, 1-13. 61 C. Xu, L. Zheng, D. Deng, J. Liu, S. Liu, Catal. Commun., 2011, 12, 996-999.

A l’aide de ces calculs, différents mécanismes ont été proposés μ l'un pour les catalyseurs à base de cuivre,63 et un autre pour les métaux du groupe VIII (groupe 10).64,65,66 En effet, des variations importantes ont été observées dans la distribution des produits obtenus selon si le catalyseur utilisé est à base de cuivre, de palladium ou de nickel. Ces résultats peuvent être expliqués en termes d’interactions moléculaires avec la surface métallique. En effet, si les trois métaux sont actifs pour la conversion du furfural en alcool furfurylique, une sélectivité nettement plus importante est obtenue pour le cuivre.

Dans le cas de catalyseur à base de cuivre, Resasco et al.63 ont proposé que l'adsorption du furfural à la surface du catalyseur se produise préférentiellement via une paire d'électrons libre de l'oxygène, adoptant ainsi un mode de liaison 1(O)-aldéhyde (Figure 16).

O H

O

1(O)-furfural

Figure 16 : Mode d'adsorption du furfural à la surface d'un catalyseur à base de cuivre 63.

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