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Chapitre I. Résumé étendu du contenu du manuscrit de Doctorat

I.1. Les catalyseurs métalliques dispersés, généralités

I.1.3. Hydrogénation chimiosélective des aldéhydes α, β insaturées

La réaction d’hydrogénation sélective de substrats organiques contenant des fonctions insaturés est un procédé important de l’industrie chimique, ce qui explique l’intérêt toujours actuel de ces réactions. Ainsi, l’hydrogénation sélective des liaisons C=O présentes dans les molécules d’aldéhydes α,β-insaturées permet la production d’alcools insaturées (Figure 7). Ces alcools insaturés sont des intermédiaires pour la production de parfums, d’arômes et de produits pharmaceutiques.48,49,50,51

Ces alcools insaturés sont difficiles d’obtenir sélectivement du fait :

 De l’hydrogénation régiosélective, provenant de la structure moléculaire des aldéhydes et de l’accessibilité limitée de la liaison C=O pour l’hydrogénation ;

 De la structure du catalyseur (nature du métal, texture du support, ligands présents sur la structure du catalyseur, etc.), généralement en faveur de l’hydrogénation de la liaison C=C ;

Les catalyseurs à base des métaux nobles sont très actifs pour l’hydrogénation de la liaison C=C, mais sont peu actifs, ou même inactifs, pour l’hydrogénation de la liaison C=O. Afin de favoriser l’hydrogénation de la liaison C=O, un deuxième métal (noble ou non-noble) peut être ajouté dans la structure de la phase active. Egalement, l’utilisation d’un support réductible, pouvant empoisonner – altérer les propriétés électroniques de certains sites actifs peut permettre d’orienter la réaction d’hydrogénation vers la production d’alcools insaturées. Un challenge actuel est donc la conception de catalyseurs permettant d’hydrogéner sélectivement les liaisons C=O, sans hydrogéner dans le même temps les liaisons C=C, en sachant que cette dernière réaction est favorisée thermodynamiquement (Figure 7). Les études effectuées sur la réaction d’hydrogénation des aldéhydes α,β-insaturées sont effectuées sur des molécules modèles, comme le cinnamaldéhyde - C6H5-CH=CH-CHO, le citral - (CH3)2-C=CH-CH2-CH2-C(CH3)=CH-CHO, l’acroléine - CH2=CH-

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Figure 7. Réaction d’hydrogénation des aldéhydes α,β insaturées.

La difficulté de la réaction réside donc dans l’orientation de l’activité du catalyseur vers la voie 1 (Figure 7), avec une nécessité également d’éviter la production de molécules saturées, les produits d’hydrogénation totale ayant un intérêt industriel moins marqué (voie 3-4, Figure 7) que les produits insaturés.

Figure 8. Réaction d’hydrogénation du cinnamaldéhyde.

Dans le cas spécifique de l’hydrogénation du cinnamaldéhyde (Figure 8), la réaction s’effectue par addition d’hydrogène moléculaire à la liaison C=O. Cette réaction nécessite une énergie d’activation assez élevée (~ 436 kJ/mol). Parallèlement, l’addition d’hydrogène à la liaison C=C nécessite une énergie d’activation plus basse (~ 310 kJ/mol). Dans de telles conditions, l’utilisation d’un catalyseur sélectif est nécessaire afin de produire majoritairement les alcools insaturés.

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Figure 9. L’effet mésomère des aldéhydes α,β insaturées.

Les aldéhydes insaturés présentent des centres avec des densités de charge différentes. En réalité, la molécule se présente sous la forme hybride, où les électrons π sont délocalisés (Figure 9).52

I.1.3.1. Mécanisme d’hydrogénation des aldéhydes α,β-insaturées

La réaction d’hydrogénation peut suivre deux chemins, comme représenté dans la Figure 7. L’addition d’hydrogène en position 1-2 entraîne la production des alcools insaturés correspondants. L’addition dans les positions 3-4 permet la production des aldéhydes saturés. L’addition dans les positions 1-4 permet la production d’énols, qui, par isomérisation si la réaction est effectuée en phase gazeuse, permet la formation des alcools saturés. Ces chemins de réaction déterminent la régiosélectivité et la chimiosélectivité lors de la transformation de la molécule d’aldéhyde par hydrogénation. L’adsorption d’hydrogène peut être réalisée en formant des liaisons faibles de type van de Waals (une ou plusieurs couche(s) sur la surface du catalyseur), ou bien peut être réalisée par chimisorption (une couche, formant de fortes liaisons sur la surface).

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Un des mécanismes possible pour réaliser l’hydrogénation sur les aldéhydes α,β- insaturés implique différents états d’adsorption. La Figure 10 présente le mode d’adsorption de la molécule de cinnamaldéhyde par la liaison C=C pour la formation de hydrocinnamaldéhyde : (i) lors de la première étape, la molécule d’hydrogène est adsorbée sur la surface des centres actifs, la molécule se dissocie alors, et la formation d’hydrures M-H est observée ; (ii) Dans la deuxième étape, l’aldéhyde s’adsorbe sur la surface active du catalyseur, dans des positions proches de l’hydrogène atomique déjà adsorbé ; (iii) Dans une troisième étape, l’hydrogène est additionné à la double liaison ; (iv) une fois obtenu, après adsorption des deux atomes d’hydrogène, le produit de réaction est désorbé de la surface du catalyseur et la surface est régénérée pour un nouveau cycle catalytique. I.1.3.2. Catalyseurs pour la réaction d’hydrogénation du cinnamaldéhyde

La majorité des études portent sur l’utilisation de catalyseurs supportés. L’activité catalytique est donc conditionnée par le métal actif qui doit présenter des sites pour l’adsorption dissociative de l’hydrogène, mais également pour la molécule de substrat, afin de pouvoir effectuer la réaction. L’alcool cinnamique peut être obtenu à des sélectivités élevées (90%) par la réaction de Meerwein- Ponndorf-Verley. Dans le cas d’une réaction catalytique, la sélectivité en alcool cinnamique est liée à la structure et à la composition du catalyseur. Les paramètres les plus importants afin de maximiser la sélectivité sont : (i) l’ajout d’un promoteur (utilisation d’un second métal: Fe, Ge, Sn, Ga) ;53,54 (ii) la taille des particules métalliques (les particules de taille élevée de Pt ou de Ru favorisent l’adsorption par la liaison C=O,55 un effet inverse est observé pour les particules d’or

(environ 1 nm), pour lesquelles les sélectivités maximales en alcool cinnamiques sont obtenues); (iii) la nature du support, les effets SMSI pour les supports réductibles,56 ainsi que les propriétés

d’hydrophobicité57peuvent également influencer significativement les sélectivités.

Les catalyseurs à base de métal noble, contenants de l’iridium ou de l’osmium, permettent d’obtenir des sélectivités élevées en alcool insaturé. Des sélectivités plus faibles sont obtenues sur des catalyseurs à base de Pd, et des sélectivités très faibles sont observées sur des catalyseurs métalliques de type Pt et Ru. La largeur de la bande d influence la sélectivité en alcool insaturé dans le cas de l’hydrogénation du cinnamaldéhyde, avec donc un ordre d’activité : Os > Ir > Pt > Ru > Rh > Pd. Néanmoins, cet ordre sur les sélectivités peut varier en fonction de la nature du support utilisé, du mode de préparation de la phase métallique, et également de la teneur et de la nature du promoteur utilisé.

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Certains métaux non nobles présentent également des activités comparables à celles exhibées par les métaux nobles. Les métaux du groupe IV, comme Ni, Cu et Co, présentent des activités élevées. Ils sont aisément obtenus par la réduction des oxydes correspondants. Les nanoparticules de métaux non-noble (Ni, Cu et Co)58,59,60,61,62,63 présentent donc des avantages certains en comparaison avec les nanoparticules de métaux nobles (Pt, Pd, Ir et Au) : abondance élevée, coût modéré, préparation aisée. Les études de cette dernière décennie se sont donc majoritairement orientées sur l’étude des propriétés de ces nanoparticules métalliques non nobles pour l’hydrogénation sélective. Ainsi, il a été clairement observé que, comme dans le cas des métaux nobles supportés, la morphologie de la particule active, sa taille, son interaction avec le support, sa concentration à la surface du support, ses propriétés électroniques, ainsi que la présence ou non d’un promoteur, sont des leviers permettant de contrôler les sélectivités en alcool insaturé.63,64,65