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Humilité, expérience et primitivisme

Dans le document Colomb et le messianisme hispanique (Page 88-106)

Étant proche des franciscains, Colomb était dans l’obligation de cultiver la vertu d’humilité. En réalité, chez lui se mêlent d’une façon tout à fait person-nelle, l’orgueil et l’humilité. Nous avons vu, avec Salvador de Madariaga, la façon ostentatoire avec laquelle il revêtit l’habit franciscain au retour de son second voyage, et comment il conserva ses fers après avoir été arrêté par le gouverneur Bobadilla, en l500. Nous verrons dans la seconde partie comment, dans les lettres de l498-l499, se manifeste une personnalité névrotique, chez qui l’auto-humiliation devant les Rois Catholiques, est le revers d’un orgueil impuissant face à l’opposition et même la rébellion des colons d’Hispaniola. Mais nous verrons aussi que dans la Relation du Quatrième Voyage, ayant at-teint le comble du malheur, isolé avec son équipage sur la côte de la Jamaïque, il trouve des accents pathétiques, même si ses plaintes s’ajustent au modèle biblique du juste persécuté.

§ - l : Humilité et orgueil

L’humilité comme luxe suprême de l’orgueil est ce qui apparaît dans une lettre de Colomb à la nourrice du prince Jean, où il fait allusion à ses origi-nes:

Je ne suis pas le premier amiral de ma famille, que l’on me donne le nom que l’on voudra, car enfin, David, roi très sage, garda les brebis et ensuite fut fait roi de Jérusalem ; et je suis le serviteur du même Sei-gneur qui plaça David dans cet état.

Hernando Colomb, qui cite ce texte, le suit sur le même chemin dans les cha-pitres consacrés à la famille de son père :

L’amiral fut choisi par Notre Seigneur pour une chose aussi grande que celle qu’il accomplit et parce qu’il devait être un véritable apôtre, comme il le fut en effet, il voulut qu’il imitât les autres, ceux-là qu’il choisit pour répandre son nom,au bord de la mer et non dans les palais et chez les Grands ; il voulut qu’il imitât le Christ lui-même, qui, bien

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qu’ayant des ancêtres du sang royal de Jérusalem, avait voulu que ses parents fussent moins connus1.

L’humilité comme signe d’élection, ce qui fait ressembler le personnage élu à David et au Christ : semblable attitude apparente Colomb aux visionnaires de l’époque. Comme ce Frère Melchior, dont l’histoire nous est rapportée par Marcel Bataillon, qui avait entendu les paroles de Dieu : « Tu es Melchior, que rejèteront les bâtisseurs, mais qui, très vite sera la pierre angulaire de l’édifice »2. Mais en l’occurrence, il ne s’agit pas d’un sentiment classique d’orgueil mais de la conscience d’être élu.

§ - 2 : Le « laic non docte en lettres », expérience scientifique et expérience reli-gieuse

Très révélatrice de la personnalité de Colomb et de l’esprit religieux de l’époque est la manière avec laquelle, dans sa lettre aux Rois Catholiques incluse dans le Livre des Prophéties (l501), il se présente lui-même comme laïc ignorant, qui put dominer les difficultés, grâce à l’esprit d’intelligence envoyé par Dieu.

La raison que j’ai de vouloir la restitution de la Maison Sainte à la Sainte Église militante est la suivante : [...] depuis mon plus jeune âge, j’ai pris la mer et navigué et j’ai continué jusqu’à ce jour. Cet art en lui-même incline celui qui le poursuit à désirer connaître les secrets de ce monde. Il y a plus de quarante ans que je suis cette voie. Tout ce qui, à ce jour, a été navigué, je l’ai couru. J’ai traité et débattu avec de doctes gens, ecclésiastiques et séculiers, latins et grecs, juifs et maures et avec beau-coup d’autres, d’autres sectes. Notre Seigneur a été très propice à mon désir, et j’ai obtenu de Lui l’esprit de discernement. En sciences de mer, Il m’a tout donné, en astrologie m’a pourvu de ce dont j’avais besoin, de même qu’en géométrie et arithmétique; science, esprit et mains pour dessiner la sphère, et sur elle les villes, les fleuves, les montagnes, les îles et les ports, tout à sa juste place.

Durant ce temps, j’ai lu et me suis mis à l’étude de tous écrits cos-mographiques, historiques, de chroniques et de philosophie et d’autres arts, par lesquels Notre Seigneur m’ouvrit l’entendement, comme de fa-çon palpable, de ce qu’on pouvait hasarder de naviguer d’ici jusqu’aux Indes; et il me pénétra de la volonté d’exécuter cela. C’est dans cette ardeur que je vins auprès de Vos Altesses. Tous ceux qui connurent mon projet, en riant le nièrent en le ridiculisant. Toutes les sciences dont j’ai parlé plus haut ne me furent d’aucun secours ni les autorités en leur domaine. C’est seulement en Vos Altesses qu’est demeuré foi et constance. Qui pourrait douter que cette lumière ne leur fût venue de l’Esprit Saint,ainsi qu’à moi ? Lui qui de ses rayons de merveilleuse clarté m’a conforté par son Écriture Sainte et sacrée, d’une voix ferme et claire [...].

COLOMBETLEMESSIANISMEHISPANIQUE 89 Miracle évident qu’a voulu faire Notre Seigneur avec ce voyage des Indes, pour nous consoler, moi et d’autres, à ce propos de la Sainte Mai-son. Sept ans passés ici, en votre cour royale, en disputant avec tant de personnes de tant d’autorité, et savants en tous arts, qui, enfin, con-clurent que tout cela était vain, et se désistèrent de l’affaire [...].

J’ai dit que je donnerais la raison que j’ai de la restitution de la Maison Sainte à la Sainte Église. Je laisse, je le dis, toutes mes navigations faites depuis le plus jeune âge, ainsi que les échanges que j’ai eus avec tant de gens de tant de contrées et de sectes; je laisse de même tous les arts et écrits dont j’ai parlé plus haut, et m’en tiens seulement à la Sainte et Sacrée Écriture, ainsi qu’à quelques autorités prophétiques de quelques personnes saintes qui, par révélation divine, ont dit quelque chose de cela. Il se peut que Vos Altesses, et nombre de ceux qui me connais-sent et à qui sera montrée cette lettre, me reprennent en secret ou publi-quement de prétentions de toutes sortes, de n’être pas docte en lettres, mais marin profane, homme mondain, etc. Je réponds à cela ce que dit Saint Matthieu : « O Seigneur, qui a voulu garder tant de choses se-crètes aux savants, que tu as révélées aux innocents ! » [...]. Ou, plus au long, les Apôtres qui dirent choses si fondées, en particulier saint Jean [...] paroles si hautes de personnes qui jamais n’apprirent les lettres ! Je dis que l’Esprit Saint souffle sur les chrétiens,les juifs et les maures, et sur tous autres de toutes sectes, et non seulement sur leurs savants, mais sur leurs ignorants; car, en mon temps, j’ai vu des villageois dont la connaissance du ciel, des étoiles et de leur cours était bien supérieure à celle d’autres qui ont dépensé de l’argent à cette étude. Et je dis que non seulement l’Esprit Saint révèle les choses à venir aux créatures de raison, mais qu’il nous les montre par des signes au ciel, dans l’air ou par des bêtes, s’il lui plaît, comme il advint du boeuf qui parla à Rome, au temps de Jules César [...].

De nouveau je répète ma protestation de ne pas être un présomptueux sans science et que je m’en tiens toujours à la parole de Saint Matthieu qui dit :« O Seigneur qui a voulu tenir tant de choses secrètes aux savants et les a révélées aux innocents ! » De cela je me paie et avec l’expérience qui s’en est vue [...].

Je suis un très grand pécheur. La pitié et la miséricorde de Notre Sei-gneur m’ont toujours été accordées quand j’ai fait appel à elles. Quelle douce consolation j’ai trouvé à m’en remettre à la contemplation de sa merveilleuse présence [...]3.

Un mot, peut-être, pourrait donner le ton à ce texte : expérience. Primauté, avant tout de l’expérience du technicien, du « praticien », qu’il soit marin ou paysan, sur l’homme de cabinet, même si Colomb se montre fier de ses connaissances en « toutes les sciences ». Cette valorisation de l’expérience, qui n’est pas encore scientifique mais que l’on pourrait définir comme savoir empirique, est encore plus clairement exprimée dans une lettre aux souverains, du 6 février l502 :

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Les navigateurs et tous ceux qui courent les mers ont toujours une meilleure connaissance des divers endroits du monde qu’ils pratiquent et où ils font ordinairement leurs trafics, et pour cette raison, chacun d’eux sait mieux ce qu’il voit chaque jour que celui qui y vient à des années de distance. Et c’est ainsi que nous accueillons avec délectation la relation que ceux-là nous font de ce qu’ils ont vu et colligé, comme nous tirons un plus grand enseignement de ce que nous apprenons par notre propre expérience4.

Modernité de Colomb ? Il est difficile de l’affirmer si l’on tient compte de sa confiance aveugle en des autorités comme Marco Polo, d’Ailly ou Pie II et de son perpétuel désir de faire entrer ce qu’il a découvert dans les moules asiatiques de ses lectures. Cependant, et sans aucun doute possible, le Décou-vreur s’inscrit dans ce courant du bas Moyen Âge, particulièrement illustré par les franciscains et les professeurs d’université nominalistes, courant qui s’éloigne des grandes constructions intellectuelles scolastiques, cohérentes, totalisantes, mais théoriques et aprioristiques, pour donner plus d’importan-ce à l’expériend’importan-ce : d’importan-celle du savoir empirique, de l’observation, mais aussi, et de manière indissociable, celle de la dévotion, de l’affectivité et même de la révélation surnaturelle.

C’est ce qui transparaît dans les textes de Colomb : de la même manière que l’expérience du paysan, du marin ou du voyageur est supérieure pour la connaissance des secrets de ce monde, de même celui qui n’est pas docte en let-tres, l’ignorant peut, par révélation divine, grâce à l’esprit d’intelligence conféré par l’Esprit Saint, faire la leçon aux savants. Dieu révèle ses desseins quand il lui plaît, par l’intermédiaire des enfants, des innocents et même des infidèles et des animaux : le cas cité du boeuf de Rome est semblable à celui de l’âne de Balaam du Livre des Nombres (XXII, 22-35), tellement commenté à cette époque. Par dessus tout, c’est-à-dire au-dessus des autorités intellectuelles, de ces personnes qui ont tant d’autorité et savants dans tous les arts, mais aussi au-dessus du savoir empirique, il y a l’autorité de l’Écriture et les autorités prophétiques de quelques saintes personnes.

L’omniprésence de l’Esprit Saint et l’affectivité sont les notes religieuses dominantes du premier texte cité. L’Esprit Saint peut faire d’un humble laïc un élu et porte-parole de Dieu, à la manière de la Vierge. Le dernier mem-bre de la phrase « la pitié et la miséricorde de Notre Seigneur, toutes les fois que je les ai demandées, m’ont entièrement couvert » (me han cobierto todo est la copie des paroles de l’ange Gabriel, adressées à Marie : « Spiritus Sanctus superveniet in te, et virtus Altissimi obumbrabit tibi - te couvrira de son ombre »

(Lc. I, 35). L’importance du lexique de l’affectivité, de la sensibilité et même de l’expérience mystique saute au regard : Dieu m’ouvrit la volonté, ce feu, cette lumière, consoler, consolation très douce, miracle, révéler, révélation. Quant aux fa-cultés intellectuelles, elles doivent être éclairées par Dieu : Dieu Notre Seigneur m’ouvrit l’entendement; fruit de l’illumination divine est aussi l’’esprit d’intel-ligence.

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Fier de ses connaissances pratiques et théoriques « en toutes les sciences », il accepte et revendique sa condition de laïc non docte en lettres. Quelle était la vérité ? André Bernáldez, le curé de los Palacios qui connut Colomb, le jugeait « homme de très haut esprit sans avoir beaucoup de lettres »5. Las Casas, au contraire, avait une opinion favorable de sa culture6. Je crois que Ballesteros et Cioranescu ont raison lorsqu’ils font ressortir que le Découvreur,bien qu’autodidacte, possédait, en plus des connaissances géographiques et cosmographiques, une culture supérieure à la moyenne pour l’époque7. Mais dans l’extrait cité, où Colomb essaie de justifier le travail de compilation exégétique qu’il réalisa dans le Livre des Prophéties, l’expression « peu versé en lettres » a un sens très particulier, celui « d’idiota » comme l’on avait coutume de dire en ces temps-là, c’est-à-dire le laïc qui n’a étudié ni théologie ni droit canon.

Si, avec son mélange accoutumé d’humilité et d’orgueil, Colomb rappelle qu’il a eu raison, lui, pauvre ignorant, contre les assemblées de théologiens et scientifiques, il faut reconnaître que dans ce domaine aussi, il avait des connaissances caractéristiques de l’élite des laïcs. Ne parlons pas de toutes les citations de saint Augustin, saint Thomas d’Aquin ou Nicolas de Lyre du Livre des Prophéties, puisqu’elles peuvent être attribuées à l’aide du Père Gorricio. Contentons-nous d’observer qu’il manie avec aisance des concepts philosophico-théologiques comme ceux d’entendement, volonté, ignorance, esprit d’intelligence. En outre, lorsqu’on analysera, dans la deuxième partie de cette étude, les sources scripturaires de la Relation du quatrième voyage,

nous nous rendrons compte qu’en matière de connaissances bibliques, il était beaucoup plus qu’un compilateur de versets indiqués par Gorricio. Il était tellement pénétré des textes sacrés, que le récit de la fameuse vision qu’il eut sur les côtes de Veragua n’est pas réductible à une source biblique, mais à plusieurs, réélaborées dans un style prophétique.

Faudrait-il conclure que dans la valorisation faite par Colomb du laïc ignorant, éclairé par l’Esprit Saint, fait jour une volonté consciente de rabaisser l’autorité du clergé, de l’Église institutionnelle et de la théologie spéculative ? Je ne le crois pas car il se montra toujours attaché aux règles de l’Église et à la hiérarchie ecclésiastique. En ce qui concerne le respect qu’il avait pour la théologie universitaire, cette phrase de l’Institution du Majorat prouve bien que pour lui, théologie,dévotion et mission devaient aller de pair :

Je mande audit don Diego, mon fils, ou à celui qui héritera ledit majorat, qu’il veille à maintenir et à entretenir dans l’île Hispaniola quatre bons maîtres en sainte théologie, pour l’étude, pour travailler à la conversion de tous ces peuples des Indes à notre sainte foi catholique, et organi-ser ce travail. Et lorsque Notre Seigneur permettra que le revenu du dit majorat augmente, on augmentera aussi le nombre de maîtres et de personnes dévotes qui puissent faire venir au sein de l’Église ces gens qui sont purs. Et qu’on ne craigne pas pour cela de dépenser tout ce qui sera nécessaire8.

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Il convient d’ajouter que ses déclarations sur la supériorité de l’Écriture et des autorités prophétiques ne doivent pas être isolées de leur contexte : il ne s’agit pas d’une affirmation qui embrasse toute l’étendue de la dogmatique religieuse, ce qui pourrait avoir teinture de libre examen, mais du thème concret des prophéties sur la « restitution de la Sainte Maison », c’est-à-dire la reconquête de Jérusalem.

§ - 3 : Dévotion sensible et nominalisme

Le sens que possédait Colomb de l’expérience religieuse étroitement liée à l’expérience proto-scientifique faisait de lui un bon représentant d’un courant important du bas Moyen Âge qui eut ses orthodoxes et ses hétérodoxes. Il se développa principalement à partir de la réaction contre le thomisme triom-phant avec les deux fondateurs du nominalisme, les franciscains Duns Scot (†l308) et Guillaume d’Occam (†l349).

Il n’est pas étonnant que la réaction contre l’intellectualisme thomiste soit née chez les universitaires franciscains. On connaît l’importance du joachi-misme chez les Mineurs du XIIIe au XVe siècles, particulièrement dans les sec-tes des spirituels, fraticelles et béguins du Tiers Ordre. Or, Joachim de Fiore (†l20l ou l202), en réaction contre les maîtres de la dialectique, exaltait les « simplices et ydiotas », auxquels Dieu avait transmis son Esprit, les préférant aux savants et les choisissant pour porter son évangile aux nations9. Les fran-ciscains du Moyen Âge, beaucoup moins préoccupés que les dominicains de recevoir une solide formation de théologie dogmatique, abritaient en leur sein et parmi les membres du tiers-ordre, de nombreux mystiques et vision-naires, qui justifiaient parfois des audaces doctrinales au nom de la critique de l’orgueil de l’intellect.

Cette méfiance à l’égard du dogmatisme intellectuel leur permettait de répondre aux aspirations des laïcs, de plus en plus enclins, tout au long des XIIIe, XIVe et XVe siècles, à manifester leur affectivité dans l’imitation du Christ,de Marie et des saints et aussi en des dévotions irrationnelles. Elle por-tait aussi certains frères Mineurs à s’intéresser, plus que d’autres ordres, à la proto-science expérimentale, ou tout au moins à l’observation, cette dernière restant quelque peu étouffée dans la construction aristotélico-thomiste, par trop cohérente. Un cas intéressant est celui du visionnaire catalano-valencien Arnaud de Villeneuve. Proche des franciscains spirituels et des Vaudois, il unissait, dans ses écrits et ses actes, l’esprit prophétique d’inspiration joachi-mite, le culte de la pauvreté, la critique des institutions ecclésiales, la haine envers les théologiens parisiens qui le firent emprisonner et l’esprit proto-scientifique. Et il était un des plus fameux médecins de son temps. Dans le

Rahonament qu’il dut prononcer en l309 pour se justifier devant la Cour pon-tificale de Clément V, il faisait cette déclaration caractéristique :

L’Évangile dit que Dieu envoie son esprit là où il veut, en sorte qu’Il n’est tenu d’inspirer ses secrets à personne, en vertu des mérites de sa

COLOMBETLEMESSIANISMEHISPANIQUE 93 sainteté, de sa dignité ou de la grandeur de sa personne ou de son état, mais en vertu de son bon vouloir à lui [...] car à Saint Pierre et à Saint Jean, qui étaient des ignorants, Il a révélé ce qu’Il n’a pas révélé aux pharisiens ou aux docteurs de la loi, et à Balaam, qui n’obéissait pas à la loi et était rempli d’iniquité, Il a révélé ce qu’Il n’a révélé à aucun saint père de leur loi [...] et à saint François, qui n’était qu’un laïc, il a révélé en son temps ce qu’il n’a révélé à aucun clerc ni religieux10.

Anti-intellectualisme, proclamation de la liberté absolue de Dieu, insis-tance sur le fait que le chrétien modeste, saint François, était laïc et « idiota », c’est-à-dire non lettré, tout comme les apôtres ; ce texte acquiert encore plus d’intérêt si l’on considère qu’Arnaud n’était pas un ecclésiastique (il avait reçu seulement les ordres mineurs et était un des promoteurs de la proto-science expérimentale). On aura remarqué la parenté entre ce passage et l’extrait cité de Colomb. Cependant, les contextes idéologiques, bien qu’ils aient des points de contact, sont différents : l’insistance en l’absolue liberté de Dieu porte, im-plicite, chez Arnaud, la critique du principe thomiste « gratia non tollit natu-ram, sed perficit », ce qui serait difficile à trouver dans les écrits de Colomb.

Dans le document Colomb et le messianisme hispanique (Page 88-106)