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six histoires nationales de l’abolition de la peine de mort

La peine de mort et son abolition dans les six pays fondateurs de l’Union européenne : inventaire342

Les abolitions partielles ou totales ne se produisent pas au même moment dans les pays étudiés. Pour cette raison, nous présentons ce tableau qui permet de comparer l’ensemble des données factuelles et datées de la peine de mort pour les six pays considérés : dernière exécution, légalisation de l’abolition, méthode(s) d’application de la sanction suprême.

Il est à noter que dans tous les États passés au crible de cette question, la décision finale de l’exécution dépend du chef de l’État, d’un membre du gouvernement, ou d’un corps gouvernemental. Pays de l’Union européenne Date d’entrée dans l’Union

Date de la dernière exécution connue (et méthodes d’exécutions – quand elles sont connues – employées avant

l’abolition effective)

Date de la loi d’abolition de la peine de mort343

Allemagne 1957 1949 pour la République fédérale

d’Allemagne (RFA). 1981 pour la République

démocratique allemande (RDA). Code pénal de 1870, article 13 :

24 mai 1949 pour la RFA (loi fondamentale). Juillet 1987 pour l’ex-RDA.

Pour tous les crimes.

342 Sources croisées : Amnesty international ; ECPM (Ensemble contre la peine de mort) ; le Conseil de l’Europe ; Martin Monestier, Peines de mort, histoire et techniques des exécutions capitales des origines à nos jours, Paris, Le cherche midi, « documents », 2004 ; Jean Imbert, La Peine de mort [1972], Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2002 ; Jean-Marie Carbasse, La Peine de mort, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2004.

343 Sous ce titre, il faut bien distinguer plusieurs cas de figures : les pays ayant aboli en une seule fois tous les crimes (crimes ordinaires ou de droit commun et crimes relevant des codes militaires ou passibles jusqu’alors de la peine de mort en cas de guerre ou imminence de guerre), les pays qui ont aboli en deux fois (abolition – parfois précoce – des crimes ordinaires, puis abolition totale pour tous les crimes, dans un second temps), et enfin les pays qui, jusqu’à aujourd’hui, n’ont aboli que les crimes ordinaires (ce sont les pays qui ont signé mais non ratifié le Protocole numéro 13 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatif à la peine de mort en toutes circonstances).

décapitation. Cependant, les exécutions relevaient de la

compétence des Landër et les vieilles provinces prussiennes utilisaient la hache alors que les autres se servaient de la guillotine.

Loi de Lubbe du 20 mars 1933 : pendaison pour les cas les plus graves d’atteinte à la sûreté de l’État

(dispositif considéré comme infâmant).

Utilisation de la guillotine dans l’Allemagne nazie (deuxième grande période de la machine après la période révolutionnaire française344), et

auparavant dans les États allemands de Rhénanie.

Belgique 1957 1950

Guillotine, dès 1796 (article 8 du Code pénal de 1867).

1950 pour les crimes ordinaires (loi de 1996 pour tous les crimes).

344 « En don de joyeux avènement, Hitler, en 1934, faisait fabriquer vingt guillotines supplémentaires et recrutait des bourreaux. En 1944, un seul bourreau allemand exécutait mille trois cent quatre-vingt-dix-neuf condamnés, soit quatre par jour, en moyenne. En dix mois étalés sur les années 1944-1945, les bourreaux faisaient tomber dix mille soixante et onze têtes, sous le couperet. À la centrale de Plötzensee, il y eut soixante-dix exécutions en une nuit. Toutes les guillotines mobilisées pour ce massacre, fonctionnèrent pendant onze heures. » (Albert Naud, Tu ne tueras pas, Paris, Morgan, 1959, p. 7.) C’est le célèbre bourreau Johann Reichhart (1893-1972) qui officia. L’ironie fait qu’il fut mandaté par les Américains pour expliquer ses techniques de pendaison au sergent-chef John C. Woods (1911-1950), afin que ce dernier procède, le 16 octobre 1946, aux dix exécutions des criminels de guerre condamnés lors du procès de Nuremberg.

Italie 1957 1876 puis Mars 1947

Potence autrichienne (aussi nommée « pendaison autrichienne »).

Guillotine dans les États français d’Italie du nord (1805-1814).

1890, puis rétablie par Mussolini en 1931, avant de disparaître le

1er janvier 1948 (puis, abolition dans le code militaire avec la loi ordinaire, le 25 octobre 1994)

Luxembourg 1957 24 février 1949,

Guillotine.

20 juin 1979 pour tous les crimes. La constitution du Luxembourg, entrée en vigueur le 17 octobre 1868, a été amendée le 29 avril 1999, et l’article 18 précise : « La peine de mort ne peut pas être introduite ».

Pays-Bas 1957 1850 puis 1952, Pendaison (à partir de 1813) ou décapitation à l’épée. De 1854 à 1870, pendaison à l’aide d’une trappe (ce qui enlèverait, techniquement, le caractère d’une pendaison) et décapitation à la guillotine entre 1811 et 1813.

Depuis 1870 pour les délits ordinaires, et pleinement

abolitionnistes depuis 1982. L’article 114 de la Constitution des Pays-Bas déclare : « La

condamnation à mort ne peut pas être utilisée ».

France 1957 10 septembre 1977 (dernière exécution publique, celle d’Eugène Weidman, en 1939)

Guillotine depuis la Révolution française et peloton d’exécution pour les tribunaux militaires.

Loi du 9 octobre 1981, pour tous les crimes (L’article 16 de la Constitution conférait des pouvoirs extraordinaires au Président de la République en temps de guerre. Jacques Chirac l’a fait modifier le 23 février 2007 par la Loi

constitutionnelle numéro 2007-239).

Au regard de l’annexe n°15, il est à souligner qu’en 1993 – au moment de l’entrée en vigueur, le 1er novembre de cette année, du traité de Maastricht – la majorité des pays de l’Europe de l’est et des futurs agrandissements de l’Union européenne – lors des passages à 15, 25 , 27 et 28 –, n’ont pas encore aboli la peine de mort.

TITRE I

EN FRANCE, LABOLITION MANQUEE DE 1906-1908

Alors qu’un travail de fond – amorcé par des intellectuels, des scientifiques, des juristes mais aussi des personnalités politiques – se construit tout au long du XIXe siècle, un projet de loi abolitionniste n’arrive au vote, au Palais Bourbon, qu’en 1908. Or, depuis la Convention – et quelques soient les régimes politiques (Consulat, Empire, Monarchie de Juillet, Seconde République, Second Empire, Troisième République) –, les tentatives d’abrogation ont été nombreuses mais jamais amenées au vote, excepté pour l’abolition en matière politique de 1848345.

C’est une défaite pour le gouvernement malgré deux années de longues préparations de la loi. La peine de mort reste inscrite dans l’arsenal judiciaire français, et y est toujours appliquée pour près de soixante-dix années supplémentaires. Quelles ont été les résistances de dernière minute – alors que si tout ne semblait pas acquis, du moins le « oui » était très bien engagé – qui n’ont pas permis le passage législatif de la fin de la sanction suprême, en France, en ce début de XXe siècle, ?

345 Pour l’historique des propositions d’abolition de la peine de mort en France entre 1791 et 1981, se référer à l’Annexe 3.

Chapitre 1

Propédeutique : l’avancée abolitionniste française au

XIXe