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TOUR D’HORIZON LES RESEAUX SOCIAUX NUMERIQUES : TENTATIVE DE

II- Genèse et définition des Réseaux Sociaux Numériques

1- Une histoire naissante

Il nous semble opportun de définir les réseaux sociaux numériques en exposant les différentes définitions et tentatives de définitions qui accompagnent leur émergence.

L‘étude des réseaux sociaux n‘est pas une science nouvelle puisqu‘ au cours des années 30, certains théoriciens avaient déjà mis au point des méthodes complexes afin d‘étudier les interactions au sein des réseaux. Dans les années 60, l‘Ecole de Manchester a également employé dans ses études menées sur l‘urbanisation « la théorie des réseaux sociaux ».

« Le terme de réseau désigne aussi bien des réseaux physiques (routes, téléphone, web) que des réseaux sociaux (relations entre personnes, etc.) ou des modèles (réseaux neuronaux). Une différence est que les réseaux physiques existent en dehors des échanges alors que les réseaux sociaux sont définis par les échanges. Cependant, les réseaux physiques sont des produits de l‘activité sociale et les réseaux sociaux lorsqu‘ils sont fondés sur des relations durables peuvent être considérés même en dehors des échanges (réseaux de parenté). En sociologie, un réseau est la structure formée par des contacts, des échanges ou des relations entre des personnes ou des institutions »64

« La notion de « réseau social » (social network) fait sa première apparition dans un article de l‘anthropologue britannique John A. Banes (1954). Depuis, le recours à la notion de réseau pour désigner des ensembles de relations entre personnes ou entre groupes sociaux s‘est largement répandu, à l‘intérieur des sciences sociales comme à ses marges : par exemple, le nombre d‘occurrences du mot « réseau » dans la littérature de management a été multiplié par plus de 20 entre les années 1960 et les années 1990 »65.

Selon Michel Forsé « un réseau social est un ensemble de relations entre un ensemble d‘acteurs. Cet ensemble peut être organisé (une entreprise par exemple) ou non (comme un réseau d‘amis) et ces relations peuvent être de nature fort diverse (pouvoir, échanges de cadeaux, etc.), spécialisées ou non,

64BORLANDI M., BOUDON R., CHERKAOUI M., VALADE B. (sous la dir.)Dictionnaires de la pensée sociologique Paris, PUF, 2005, p.600 (La notice « Réseaux sociaux » est rédigée par Michel Forsé)

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symétriques ou non (Lemieux, 1999). Les acteurs sont le plus souvent des individus, mais il peut aussi s‘agir de ménages, d‘associations, etc.

Classiquement, un réseau social est défini comme une entité constituée d‘un ensemble d‘individus et des relations qu‘ils entretiennent les uns avec les autres, directement ou indirectement par le biais de chaînes de relations. Pour Alain Degenne et Michel Forsé, dans Les réseaux sociaux (1994), la recherche des pairs dans les réseaux ouverts est une aspiration à des rapports, des échanges plus authentiques et moins contraints, avec «la force et la faiblesse des liens interpersonnels, non institués, mais constituant et instituant peut-être l‘essence du social».

Représentation de réseaux sociaux Heer & Boyd, 2005

Un réseau social est un ensemble d‘entités sociales (individu, groupes ou organisations), reliées par leurs interactions sociales. Ces interactions peuvent être de toute nature : familiales, sentimentales ou plus distantes : relation d‘affaire, de travail. Elles peuvent se nouer à travers des contacts directs ou médiés. Conceptuellement, il s‘agit donc d‘un ensemble de nœuds et de liens, la distance entre les nœuds symbolisant l‘intensité de la relation sociale.

« La théorie des Réseaux sociaux » développée par Granovetter s‘intéresse à ces structures relationnelles, notamment la force des liens faibles entretenus à l‗intérieur du réseau social. Granovetter, sociologue américain, étudie alors la fréquence des contacts avec les relations ayant permis aux individus d‘accéder à un emploi. Il remarque que, contrairement à ce que l‘on pourrait intuitivement penser, dans la majorité des cas, ces contacts sont seulement occasionnels.

En 1973, Granovetter développe l‘idée que les « liens faibles »66 permettent aux individus de saisir des opportunités dont ils n‘auraient pas eu connaissance par le biais de leur « liens forts » parce que les contacts avec lesquels l‘on est faiblement lié évoluent dans des environnements sociaux plus variés. Donc, plus les réseaux sont ouverts avec de nombreux liens faibles, plus les relations sociales sont susceptibles d‘introduire de nouvelles idées et de possibilités à leurs membres, par exemple, un groupe d‘amis ayant des liens avec d‘autres groupes , est susceptible d‘avoir accès à un plus large éventail d‘informations. Ce qui ne fait pas l‘avantage de réseaux fermés avec de nombreux liens redondants. Un groupe d‘amis, par exemple, qui ne font les choses que les uns avec les autres limitent les éventuelles connaissances et possibilités.

Ainsi, selon cette théorie, il est préférable pour la réussite individuelle d‘avoir des connexions à une variété de réseaux plutôt que de nombreux contacts au sein d‘un seul et même réseau. De même, les individus peuvent exercer une influence ou agir comme des courtiers au sein de leur réseaux sociaux afin de lier deux réseaux qui ne sont pas liés directement (appelée remplir les trous de structure, John Scott, 1991)67

Tous ces outils et leur succès, démontrent la tendance sociétale forte de besoin d‘appartenance à un collectif identifié et le fait que dans un réseau, l‘individu n‘est rien, sans son potentiel de connectivité. Si on examine de près nos relations à l‘heure de l‘internet nous trouvons qu‘un réseau social numérique devrait élargir exponentiellement notre cercle de connaissances sociales surtout qu‘Internet nous libèrent des limites géographiques et sociales de nos réseaux relationnels traditionnels. Notre base de données sociale peut alors être immense. Tandis que Burt,68 s‘intéressait à la structure du réseau dans son ouvrage, Structural Holes, The Social Structure of Competition.

Barnes et par son travail fondateur en 1954 qui l‘a formellement introduit dans le vocabulaire des sciences sociales, a montré que, sur l‘île Norvégienne qui lui a servi de terrain d‘expérience, tous les individus étaient indirectement liés entre eux par une chaîne de relations de quatre maillons au maximum et l‘intuition de l‘auteur était que ce réseau s‘étendait au-delà, à l‘humanité toute entière : « L‘ensemble de la population est pris dans un filet serré de parenté et d‘amitié qui non seulement lie les

66 GRANOVETTER, M., « The Strength of Weak Ties ». The American Journal of Sociology. Vol 78. No. 6, May 1973.

67 SCOTT, J., « Social Network Analysis », London, Sage, 1991

uns aux autres tous les habitants de l‘ile, mais qui les relie aussi à leurs parents et amis dispersés dans toute la Norvège et effectivement à travers le monde entier »69

Milgram, en 1967 qui a testé cette théorie dans le cadre de l‘expérience dite « le phénomène du petit monde », a cherché à évaluer le nombre moyen d‘intermédiaire entre un individu et un autre au sein de la société américaine ; aboutissant au chiffre de 5,2 voire 6 degrés de séparation.

Avec cette théorie, il a ouvert la voie d‘une longue série de travaux empiriques cherchant à valider ou invalider ce premier résultat, travaux qui, dans les années suivantes, ont fait d‘Internet leurs terrains d‘expériences (Dodds, Muhamad, Wats, 2003).

Des recherches menées ultérieurement par Kochen en 1989 sur des réseaux physiques et par Barabási (2002) et Watts (2003) sur Internet, ont montré que cette valeur était relativement stable.