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L’histoire familiale d’un individu ne présente pas un intérêt pour le sociologue seulement par ses éléments les plus objectifs, en ce qu’elle lui permet de reconstituer une trajectoire sociale intergénérationnelle et donc de mieux caractériser sa position sociale. Elle vaut aussi, voire surtout, par la mémoire que le groupe familial en conserve et par laquelle il travaille à se forger une identité collective assurant sa permanence dans le temps. La famille en effet, c’est un groupe relativement autonome qui entretient une mémoire propre contribuant à la faire exister en tant que groupe. Cette mémoire se construit et se transmet au travers de récits qui racontent d’une certaine manière131 certains faits, certains événements – en un mot l’histoire

– vécus par les ancêtres de la famille. Ces récits tendent à privilégier la continuité permettant d’attribuer à la famille des qualités, des caractéristiques, des attitudes, des propriétés singulières qui la différencient de toutes les autres. La mémoire collective, dit Halbwachs, est un « courant de pensée continu, d’une continuité qui n’a rien d’artificiel, puisqu’elle ne retient du passé que ce qui est encore vivant ou capable de vivre dans la conscience du groupe qui l’entretient132 ». La mémoire et l’identité individuelles des membres de la famille se nourrissent de cette mémoire collective. En écoutant les récits généalogiques et familiaux, l’enfant peut s’y identifier et s’inscrire dans une histoire collective qui le déborde mais qu’il poursuit. La transmission intergénérationnelle de la mémoire familiale a pour enjeu que les enfants s’approprient et se sentent les dépositaires de cette histoire collective. Ainsi, la mémoire familiale a potentiellement – selon la force et l’intensité de sa transmission et de son appropriation – des effets importants sur les catégories de pensée intériorisées par l’individu,

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La façon dont l’histoire familiale est racontée peut n’entretenir que des liens très distendus avec la réalité historique. La mémoire que les familles conservent de leur histoire est en effet souvent chargée de mythes sans cesse reconstruits et retravaillés pour les besoins de la représentation qu’elles veulent donner d’elles-mêmes.

car elle contribue à structurer sa vision du monde et la représentation qu’il se fait de sa propre place dans ce monde133.

Dans les familles aristocratiques, l’histoire familiale est un enjeu particulièrement important car elles ont, plus que les autres, partie liée avec l’histoire, le passé et le temps. Le capital nobiliaire, par lequel la noblesse se distingue du « commun », est en grande partie un capital symbolique. Or pour toute famille noble, le volume de ce capital est étroitement corrélé à l’ancienneté de son appartenance à la noblesse, c’est-à-dire à sa capacité à s’inscrire dans une longue lignée. Dans la noblesse, « l’ancienneté du nom compte bien plus que le titre134 ». Une famille noble tend, de la sorte, à être d’autant plus prestigieuse qu’elle est plus ancienne et que son histoire épouse au plus près l’Histoire de France135. Comme l’observe Maurice Halbwachs, « nulle part ailleurs le rang d’une famille n’est définie à ce point par ce qu’elle et les autres savent de son passé136 ». Produire une histoire d’elle-même, construire et entretenir une mémoire de cette histoire lui permet d’une certaine manière de faire étalage de ses lettres de noblesse. « Orpheline de son histoire, la noblesse perdrait, en effet, sa raison d’exister, tant elle est liée à une aventure historique137 ».

À partir de la fin du XIXe siècle, ce travail mémoriel revêt une importance d’autant plus capitale pour l’aristocratie que son pouvoir social décline fortement138. Or « à l’opposé des individus ou des groupes en ascension, roturiers de la naissance ou de la culture qui ont leur avenir, c'est-à-dire leur être, devant eux, les individus ou les groupes en déclin réinventent éternellement le discours de toutes les noblesses, la foi essentialiste dans l’éternité des natures, la célébration du passé et de la tradition, le culte intégriste de l’histoire et de ses rituels, parce qu’ils ne peuvent rien attendre de l’avenir que le retour de l’ordre ancien dont ils attendent la restauration de leur être social139 ». Comme le dit autrement Christophe Charle, au tournant du siècle, le « temps retrouvé de l’aristocratie comme élite, c'est-à-dire son avenir

133 Or comme le résume Bernard Lahire : « Une place, c’est une manière d’être au monde et dans le monde, un éventail de choses pensables, possibles ou autorisées (et, du même coup, un cadre fixant les limites du pensable, du possible et de ce qui est autorisé) ainsi que des attentes sociales fortes. (Bernard Lahire, Franz Kafka.

Éléments pour une théorie de la création littéraire, Paris, La Découverte, 2010, p. 136) »

134 Éric Mension-Rigau, Aristocrates et grands bourgeois, op. cit., p. 150.

135 Le nom est le « symbole de l’appartenance à une lignée et de l’inscription dans une longue histoire (Monique de Saint-Martin, L’Espace de la noblesse, Paris, Métailié, 1993, p. 90) ». Il synthétise par conséquent le capital symbolique d’une famille.

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Maurice Halbwachs, Les Cadres sociaux de la mémoire, Paris, Mouton, 1976 [1ère éd. 1925 ], p. 231.

137 Éric Mension-Rigau, Aristocrates et grand bourgeois, op. cit., p. 151.

138 Il l’est d’autant plus dans les fractions les plus traditionnelles et/ou déclassées dont les titres de noblesse sont l’essentiel du capital. La grande noblesse a quant à elle, dès la seconde moitié du XIXe siècle, noué par les mariages des alliances avec la grande bourgeoisie et reconverti une partie de son capital nobiliaire en capital économique (Cf. Monique de Saint-Martin, L’Espace de la noblesse, op. cit., p. 243 et suiv.).

social, réside dans la fixation de la magie du temps passé, sa capacité d’être, pour les élites plus récentes, l’idéal d’une classe dirigeante éternelle.140 »

1.1. Les d’Astier de La Vigerie, une famille de noblesse récente

Les d’Astier de La Vigerie n’appartiennent pas à l’ancienne aristocratie. Originaires du Vivarais, en Ardèche, ils sont issus d’une bourgeoisie éduquée, d’abord commerçante, qui au fil des générations, sert dans l’armée et exerce des charges administratives141. Au XVIIe siècle, la famille, appelée alors simplement Astier, donne des « drapiers, des chirurgiens et des procureurs juridictionnels, puis, au siècle suivant, des maires perpétuels de Vernoux142, des magistrats et des officiers143 ». La particule est adjointe au nom dans la seconde moitié du XVIIIe siècle par Joseph (1739-1812), qui se fait appeler d’Astier du Plot, du nom d’un domaine qu’il possède en Bretagne. Capitaine dans l’armée du Roi, il est qualifié de « noble homme » dans les actes d’état civil, ce qui ne signifie pas qu’il ait été réellement anobli. En effet, nombreux sont à cette époque les bourgeois notables qui par fascination pour la noblesse, tentent de se doter de quelques-uns de ses attributs distinctifs, tels la particule ou la qualification « noble homme ». Installé à Grenoble à la fin des années 1770, Joseph d’Astier est successivement directeur de la Poste, inspecteur de cavalerie extraordinaire, puis enfin directeur des Haras royaux. Riche propriétaire, il est aussi, après la Révolution, maire de la commune d’Eybens.

Son fils Christophe (1779-1858) est, à plusieurs titres, l’un des personnages marquants et de l’histoire et de la mémoire familiales. C’est tout d’abord par lui que la famille entre véritablement dans la noblesse. Lors de son mariage en 1813, il reçoit en dot le domaine de La Vigerie, transmis par l’oncle de son épouse, dont il relève le nom. Cet oncle, Emmanuel Huguet de La Vigerie, obtient en 1825 par lettres-patentes du Roi Charles X, le titre héréditaire de baron. Célibataire, il obtient en 1829 que celui-ci se transmette à Christophe d’Astier qui, à sa mort en 1840, devient le premier baron d’Astier de La Vigerie. Ce n’est pas

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Christophe Charle, « Noblesse et élites en France au début du XXe siècle », art.cit., p. 433.

141 Les informations généalogiques sur la famille d’Astier de La Vigerie sont tirées des recherches menées par Geoffroy d’Astier de La Vigerie, petit-fils du frère aîné d’Emmanuel d’Astier, François. Les résultats de ces recherches, qui ont permis à leur auteur de mettre en évidence plusieurs fausses informations transmises par la mémoire familiale, sont résumées dans l’article suivant : Geoffroy d’Astier de La Vigerie, « La famille d’Astier de La Vigerie : un berceau en Vivarais », Revue du Vivarais, Tome CI, n° 1, janvier-mars 1997, pp. 51-63. Nous avons de plus réalisé un entretien (enregistré) avec Geoffroy d’Astier de La Vigerie en décembre 2013.

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Vernoux-en-Vivarais.

143 Geoffroy d’Astier de La Vigerie, Emmanuel d’Astier de La Vigerie, combattant de la Résistance et de la

cet anoblissement, toutefois, que semble avoir principalement retenu la mémoire familiale, la raison première en étant que la famille se considère comme plus anciennement noble. Emmanuel d’Astier, qui en différentes occasions parle de sa généalogie144, ne par exemple l’évoque jamais.

Christophe d’Astier est avant tout une figure familiale car il est dans la famille le premier d’une longue série à entrer à l’École Polytechnique145. Classé huitième au concours de sortie, il réalise ensuite une brillante carrière d’ingénieur des Ponts-et-Chaussées, qu’il achève en tant qu’Inspecteur général, soit l’un des postes les plus éminents de l’institution. On se souvient de lui en tant que bâtisseur : « Il a ouvert la route du Mont-Genèvre, il a construit des grands ponts sur l’Oise et la Seine.146 » L’histoire familiale retient par ailleurs qu’il fut le camarade et ami de Stendhal. À l’École centrale de Grenoble, il prépare avec lui le concours d’entrée à Polytechnique, auquel finalement Stendhal ne se présente pas. Cette « amitié » avec le futur écrivain, dont on ne sait si elle connaît une postérité au-delà de la préparation commune au concours, semble avoir été abondamment racontée, quelques anecdotes permettant d’en fixer le souvenir. Emmanuel d’Astier raconte par exemple à plusieurs reprises que les deux étudiants révisaient ensemble dans un cerisier.

« [Joseph d’Astier] s’est placé place Grenette, c’était la maison voisine de la maison du père Gagnon147, c’est-à-dire la maison Stendhal. Et Christophe d’Astier – mon fils s’appelle Christophe donc je fais comme les autres – a fréquenté Stendhal. Ils ont préparé Polytechnique tous les deux dans un cerisier et Stendhal a été recalé ou a abandonné et mon arrière-arrière-grand-père148 a été reçu à Polytechnique.149 »

Cette amitié constitue pour lui un point de référence important de l’histoire familiale. Faisant écho à ses dispositions littéraires, elle stimule fortement son imagination. Emmanuel d’Astier parle de cette amitié comme « l’épisode qui me comble étant donné mes goûts

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Cf. en particulier Emmanuel d’Astier, Emmanuel d’Astier raconte, op. cit. et Francis Crémieux, Entretiens

avec Emmanuel d’Astier, op. cit.

145 L’École Polytechnique étant créée en 1794, Christophe d’Astier fait partie de l’une des toutes premières promotions.

146 Francis Crémieux, Entretiens avec Emmanuel d’Astier, op. cit., p. 13.

147 Henri Gagnon, médecin grenoblois, est le grand-père maternel d’Henri Beyle, dit Stendhal.

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D’Astier commet ici une erreur, Christophe d’Astier de La Vigerie étant son arrière-grand-père, non son arrière-arrière-grand-père.

littéraires150 ». On notera au passage l’usage révélateur du mot « épisode », qui apparente l’histoire familiale à un récit romanesque scandé par des temps forts.

« Le séjour à Grenoble a laissé beaucoup d’idées dans ma tête, parce que quelques années avant la rencontre de Christophe et d’Henri Beyle, il y avait aussi un Monsieur qui habitait à portée de fusil de Stendhal, ou plutôt du père Gagnon, et de mon arrière-grand’père ; il s’appelait Choderlos de Laclos. La combinaison Laclos-Stendhal-d’Astier me plaît assez.151 »

L’évocation de ces figures de la littérature permet à d’Astier de raccrocher l’histoire de sa famille à l’histoire littéraire française, ce qui apparaît comme un autre moyen d’en fixer une représentation qui l’extraie de l’ordinaire.

1.2. Ascension sociale et désir de noblesse

La situation sociale de Christophe d’Astier de La Vigerie est parfaitement révélatrice de son extraction bourgeoise. Elle est à l’inverse en net décalage avec la situation modale de l’aristocratie qu’il intègre à la fin de sa vie. Tout au long du XIXe siècle en effet, les aristocrates, pour l’essentiel, vivent encore noblement152, c’est-à-dire de leurs terres et de leurs rentes, sans exercer de profession. Rares sont en outre ceux, et pour longtemps, qui investissent le système scolaire. Comme l’observe Monique de Saint-Martin, les jeunes nobles qui entreprennent des « études supérieures autres que Saint-Cyr, école à tradition aristocratique, ou la faculté de droit qui permettait de préserver l’amateurisme sans engager l’avenir, resteront des exceptions au moins jusqu’à la guerre de 39-45. Les descendants de la noblesse tarderont beaucoup avant de commencer à quitter l’armée et la terre.153 » Christophe d’Astier de La Vigerie, quant à lui, est, de par son passage par Polytechnique, un produit de l’École publique naissante. De plus, ingénieur, il a une activité professionnelle.

Son fils Louis (1818-1886), bien qu’il hérite du titre de baron, connaît une situation sociale analogue. Lui aussi est Polytechnicien et s’oriente à la sortie de l’école vers les

150 Francis Crémieux, Entretiens avec Emmanuel d’Astier, op. cit., p. 12.

151Ibid., pp. 12-13.

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L’expression vivre noblement signifie initialement, selon le Dictionnaire de l’Académie française, « vivre sur sa terre ou à la ville, sans exercer de profession ».

et-Chaussées. On a affaire ainsi à une famille qui, comme l’analyse très bien Emmanuel d’Astier lui-même, est « à cheval entre le travail et la noblesse ».

« La différence qu’ils avaient avec la vraie noblesse, c’est une chose singulière, c’est qu’ils travaillaient vraiment, ils faisaient quelque chose. C’était pas courant d’entrer à Polytechnique quand on était un vrai noble et lui Christophe d’Astier est entré à Polytechnique, est devenu constructeur de ponts et est devenu Inspecteur général des Ponts-et-Chaussées. Il était à cheval entre le travail et la noblesse. C’est ça la distinction entre la vraie aristocratie qui ne foutait rien et qui avait des domaines qu’elle prétendait gérer, ou des charges militaires ou diplomatiques, et cet homme qui s’est approché du monde moderne et de la science par Polytechnique.154 »

Cette position d’entre-deux s’accompagne cependant d’un fort désir d’ascension sociale se traduisant par la volonté de s’intégrer pleinement dans la noblesse. Le style et le mode de vie aristocratiques constituent pour les d’Astier des modèles auxquels ils aspirent et qu’ils s’efforcent de reproduire, ce qui constitue au demeurant un phénomène alors courant dans les classes bourgeoises ascendantes. Au XIXe siècle s’opère en France une relève des classes dirigeantes. La bourgeoisie s’empare du pouvoir politique auparavant détenu par la noblesse. Cela étant, cette dernière continue de détenir un important capital symbolique. Elle incarne un modèle d’excellence, de distinction, de savoir-vivre que lui envie la grande bourgeoisie. D’où, de la part de celle-ci, des phénomènes d’imitation (par exemple de très nombreux châteaux sont, parce qu’ils symbolisent le style de vie aristocratique, construits par de riches bourgeois tout au long du XIXe siècle) et des stratégies d’alliances, passant en particulier par le mariage, permettant aux nobles de reconvertir leur capital nobiliaire en capital économique et aux bourgeois d’accumuler du capital symbolique155. La famille d’Astier de La Vigerie n’appartient ni à la haute bourgeoisie ni à l’ancienne aristocratie. Mais c’est bien plus à cette dernière qu’elle s’identifie, ses pratiques distinctives qu’elle tente de s’approprier.

Les deux fils de Louis d’Astier de La Vigerie, Emmanuel (1845-1911) et Raoul (1850-1922) – le père d’Emmanuel d’Astier – passent tous deux par l’École Polytechnique mais, à l’inverse de leurs père et grand-père, préfèrent la carrière d’officier d’artillerie, plus conforme

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Emmanuel d’Astier, Emmanuel d’Astier raconte, op. cit.

155 Sur les stratégies (notamment matrimoniales) de reconversion des capitaux nobiliaires déployées par la noblesse, cf. Monique de Saint-Martin, L’Espace de la noblesse, op. cit.

à la tradition aristocratique, à celle du génie civil156. Dès qu’ils le peuvent, ils quittent également l’armée pour vivre noblement, c’est-à-dire de rentes. Comme le résume Emmanuel d’Astier, c’est le temps où « dans cette famille, Polytechnique ne [mène] plus au travail157 ». C’est aussi « l’époque où les d’Astier cherchent à épouser des femmes issues d’un rang supérieur au leur158 » et où ils entrevoient le mariage noble comme un moyen de s’ancrer solidement dans l’aristocratie. Et ils y parviennent. Emmanuel d’Astier de La Vigerie épouse Catherine-Louise de France, petite-fille du général Jean-Marie Defrance (1771-1855), comte de l’Empire. Son frère Raoul se marie quant à lui à Jeanne Masson-Bachasson de Montalivet, descendante par la branche maternelle d’une famille de la noblesse d’Ancien régime, réanoblie sous l’Empire. Par ces unions, qui leur permet d’acquérir des terres, des biens et du prestige, les d’Astier de La Vigerie parviennent, même s’ils ne peuvent compter parmi les familles les plus renommées, à s’installer dans la noblesse.

La trajectoire sociale intergénérationnelle de la famille d’Astier se caractérise donc par une constante ascension menant de la roture et de la propriété d’un petit domaine en Ardèche à l’anoblissement sous la Restauration et une confortable fortune. Le désir de noblesse, c’est-à-dire d’intégrer ce qui forme la classe socialement et symboliquement dominante, se manifeste précocement au cours de cette ascension. Dès la première moitié du XVIIIe siècle, Jean-Antoine Astier (1704-1754), riche propriétaire, s’arroge, pour paraître noble, les armoiries d’une famille de la noblesse pontificale, qui porte le même nom mais à laquelle il n’est pas apparenté. À partir de cette époque, les Astier se présentent comme les descendants des comtes d’Astier, originaires du Comtat Venaissin, dont ils portent jusqu’au XXe siècle les armoiries. Or ce qui est initialement une usurpation s’intègre pleinement, au fil du temps et des générations, à l’histoire familiale et se transforme en ascendance authentique, comme le souligne Geoffroy d’Astier de La Vigerie.

« Le frère de mon arrière-grand-père voulait absolument rattacher la famille d’Astier à une famille qui avait été anoblie à l’époque où les papes se trouvaient à Avignon, famille d’Astier. Et il se trouve qu’en fait, y’avait eu une falsification au moment de la Révolution et en fait, nous ne sommes absolument pas apparentés avec cette famille du

156 Il faut noter qu’à partir de 1804, l’École Polytechnique est une école à statut militaire. Tous ses élèves sont officiers. Ainsi, si Louis d’Astier de La Vigerie devient ingénieur des Ponts-et-Chaussées à sa sortie de l’École, il demeure officier.

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« On entrait dans l’armée, et on la quittait au grade de capitaine ou de colonel, on devenait propriétaire foncier, gentleman-farmer. » Cf. Francis Crémieux, Entretiens avec Emmanuel d’Astier, op. cit., p. 17.

158 Geoffroy d’Astier de La Vigerie, « La famille d’Astier de La Vigerie : un berceau en Vivarais », art. cit., p. 61.

Comtat Venaissin et que nous avons été tout simplement anoblis au moment de la Restauration. […] J’ai toutes les archives concernant cet anoblissement sous la Restauration, qui nous attribue des armoiries qui n’ont rien à voir avec les armoiries que porte traditionnellement la famille et qui sont celles du comtat Venaissin.159 »

Pour cette raison, l’anoblissement de Christophe d’Astier de La Vigerie n’est pas mis en avant dans les récits généalogiques. Stratégie identitaire courante dans les familles n’étant pas issues de la noblesse d’extraction, « l’anoblissement […], acte fondateur signifiant l’absence