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Histoire : un long cheminement

Les premières formations spécifiquement dédiées à l’homéopathie et organisées par Christel Nayet avec la Chambre d’Agriculture de la Drôme, datent du tournant des années 90-2000. Mais il est possible de remonter plus en arrière pour en déceler les origines.

À la fin des années 80, le vétérinaire Alain Boutonnet, qui vient de s’installer à Nyons, est en contact avec quelques jeunes éleveurs fraîchement installés dans la région et dont il a fait la connaissance sur les alpages des Hautes-Alpes au début de sa carrière. Parmi eux, il y a notamment deux couples d’éleveurs, les Mennesson installés à Rosans (05) et les Gruer installés à Valdrôme dans le Haut-Diois (26). Bien qu’éloignés de son rayon d’action en tant que vétérinaire, Alain commence dès cette époque à rencontrer ces éleveurs sous forme de « réunions », où il leur apprend à faire « les intraveineuses, les perfusions de calcium pour

leurs vaches qui faisaient des fièvres de lait » (Alain). À cette même époque, et à côté de ces

réunions, de premières petites formations à l’homéopathie commencent à s’organiser et se tiennent dans la salle à manger d’Alain, avec, entre autres, ces deux éleveurs du Diois qui se déplaçaient donc jusqu’à Nyons. Alain avait eu l’occasion de leur faire pratiquer de

l’homéopathie en alpage, et ces derniers voulaient en savoir plus. Ces formations avaient lieu ponctuellement et étaient « beaucoup moins structurées que depuis qu’on a Christel » note Alain.

Une dizaine d’années plus tard, en 1998, c’est au tour de Christel Nayet d’entrer en scène, en arrivant à la Chambre d’Agriculture de la Drôme comme conseillère en élevage ovin et caprin, autour de projets de conversion en bio. Elle rencontre rapidement les Gruer, ou encore les Meurot, qui eux aussi se sont entre temps installés en brebis laitières dans la vallée de Quint (au nord de Die), après avoir travaillé pendant plusieurs années comme bergers dans l’Hérault, l’Aveyron et même l’Aude. Or, « qui dit conversion bio en élevage,

dit approche différente de son système d’élevage, des terres, des animaux, de l’alimentation, de la conduite sanitaire du troupeau etc. », m’explique Christel alors que je lui demande

comment elle avait rencontré Alain. Cherchant à organiser des formations pour accompagner les éleveurs dans leur conversion, c’est donc par l’intermédiaire de Jean Louis Meurot (lui aussi avait fait la connaissance d’Alain) mais également des Gruer, que Christel a été amenée à rentrer en contact avec Alain. On lui avait recommandé ses qualités de pédagogue. Dès 1998 donc, de premières formations sont organisées avec la Chambre d’Agriculture de la Drôme et Alain Boutonnet. Mais ces formations « n’étaient pas

spécifiquement homéo » se rappelle Christel ; elles s’intitulaient « approche de la santé animale », et leur dimension était plus globale. Y était abordées différentes pratiques

vétérinaires, « autour de la question des avortements notamment et de comment procéder au

nettoyage d’un vagin avec de l’eau. » « Parmi différentes façons de soigner les bêtes, Alain abordait avec les éleveurs de l’époque les traitements en homéopathie », poursuit Christel.

C’est à cette époque que des éleveuses comme Agnès ou encore Aline, commencent leurs premières formations avec la Chambre. Cette formation est reconduite durant deux ans, puis, progressivement « une demande est apparue avec des éleveurs qui se rendaient compte que

l’homéopathie relevait d’une méthode plus compliquée que la simple prescription d’un antibiotique » et qu’ils étaient intéressés de pouvoir travailler sur cette méthode en

particulier.

C’est ainsi qu’à partir de l’automne 2001 Christel trouve les moyens d’organiser de premières formations afin « d’avoir le temps d’approfondir et d’échanger spécifiquement

autour l’homéopathie ». Cette première série de formations rassemble des éleveurs venus de

l’ensemble du territoire Drômois, du Diois, mais aussi du Crétois. Un groupe se constitue ainsi dans la durée, comprenant notamment Nicolas et Framboise Gruer, mais aussi Agnès, Aline et Isabelle, trois éleveuses qui participent encore aux formations actuellement. Les journées de formations se tiennent chez les éleveurs participants qui les accueillent à tour de rôle. Cette première série sera reconduite chaque année pendant huit ans, jusqu’en 2009.

À partir de 2009, les formations de la Chambre d’Agriculture se sont interrompues, car le nombre des éleveurs inscrits n’était plus suffisant pour pouvoir les faire financer par le

Fond Vivea11

. Un nombre d’inscrits qui diminuait notamment parce que ces formations rassemblaient des éleveurs venant de zones géographiques relativement éloignées, depuis le Diois, jusqu’au nord de la Drôme, en passant par le Crétois. Les déplacements rendaient compliqué le maintien d’une dynamique de groupe sur un espace géographique trop étendu. Concernant cette période Agnès me précise qu’un certain nombre d’entre eux sont restés en

contact avec Alain, et que pour sa part « dès qu’[elle] avait un problème » sur une de ses

bête, elle savait qu’elle pouvait l’appeler pour lui demander conseil. Entre temps il y eut la création de l’association Homéopathie à la Ferme, rassemblant certains des éleveurs de ces formations. Puis vint l’écriture du livre, en 2011, et sa publication dont nous reparlerons plus loin (1-D).

En 2012, Christel parvient à former un nouveau groupe, composé d’éleveurs principalement issus du Diois, et de quelques éleveurs qui participaient déjà aux formations d’avant 2009 (Aline, Agnès, Isabelle et pour les premières années Nicolas Gruer qui a depuis pris sa retraite). Une nouvelle génération d’éleveurs vient à ces formations, principalement des éleveuses là où la composition des formations précédentes était semble-t-il plus équilibrée. C’est au travers de ces formations que l’actuelle dynamique du Diois prend sa forme la plus institutionnalisée. Et c’est d’ailleurs uniquement dans ce contexte là que Christel juge pertinent de parler de « groupe » (au sens administratif d’un groupe formalisé par une inscription régulière à des formations). De même, Agnès me dit lors de notre entretien que lorsqu’elle parle de « groupe homéo-diois » c’est pour désigner ce groupe d’éleveuses qui ont commencé les formations en 2012. Par leur régularité (5 à 6 rendez-vous d’une demi-journée par an), et leur renouvellement (les formations sont depuis lors reconduites chaque année), elles constituent aujourd’hui le cœur de la dynamique du Diois.

Comme pour la série de formations qui eurent lieu durant la période 2001-2009, Alain Boutonnet est le principal vétérinaire à intervenir. D’autres collègues homéopathes sont toutefois intervenus depuis 2012, Michel Bouy par exemple, un vétérinaire du Crétois qui est par ailleurs l’intervenant principal des formations phyto-aroma. Ces dernières sont organisées elles aussi par Christel Nayet et la Chambre d’Agriculture, autour d’un groupe d’éleveurs de composition similaire au groupe des formations homéopathie. Alain Boutonnet étant par ailleurs à la retraite, j’ai compris en discutant avec lui et les éleveurs, qu’un des enjeux qui lui tient à cœur pour les années à venir est de « passer le témoin » à d’autres vétérinaires homéopathes. C’est ainsi que Patrice Rouchossé, un vétérinaire installé à Lamastre dans le Vivarais (Ardèche) est intervenu sur une journée de formation de l’année 2016, expérience qui sera renouvelée dès la rentrée prochaine.

11 Le fonds Vivea, ou « fond pour la formation des entrepreneurs du vivant » finance la plupart des formations dans monde agricole et notamment les formations de la Chambre d’Agriculture de la Drôme.

Déroulé et contenu des formations : allier la théorie et la pratique

Les formations organisées depuis 2012 par Christel Nayet ont lieu 5 demi-journées par an, à cheval entre l’automne et l’hiver et se déroulent chez les éleveurs, sur un format de 4 heures (13h30 – 17h30). Pour les éleveurs avec qui j’en ai discuté, ce format à la demi- journée est doublement approprié : au niveau de leurs disponibilités et de leurs difficultés à quitter leurs fermes durant une journée entière ; mais aussi au niveau pédagogique, puisque comme me l’ont souligné Chantal, Agnès, Audrey ou encore Christel, le contenu d’une demi-journée de formation étant déjà relativement dense, une journée entière de formation serait sans doute trop conséquente. Ces dernières préfèrent « avoir le temps de bien

digérer » ce qu’elles apprennent (Chantal). Qu’apprennent-elles donc et en quoi consistent

ces demi-journées ? Comment s’organisent-elles ?

Les demi-journées de formations se découpent généralement en deux temps. Un premier temps « théorique » durant lequel Alain Boutonnet propose aux éleveurs d’étudier un ou deux remèdes homéopathiques en particulier, ou bien alors de concentrer ses enseignements sur un type de « problème » spécifique que les éleveurs sont susceptibles de rencontrer avec leurs bêtes, par exemple des problèmes de mises bas, d’avortement ou encore de mammites. En amont de ce premier temps théorique, ou en début de formation, Céline et Delphine m’expliquent que Christel prépare les formations en demandant aux éleveurs s’il y a des problèmes particuliers qu’ils souhaiteraient travailler. « Par exemple

quand les mises bas approchent Alain nous prépare quelque chose dessus» (Delphine). Une

fois que le remède où les problèmes que les éleveurs souhaitent aborder a été déterminé, Alain entame donc leur étude dans les détails, en s’appuyant sur des exemples tirés de situations concrètes observées durant sa carrière. À mesure que sa présentation avance, les éleveurs lui posent des questions et interviennent en rapportant leur propres expériences. Pour « les études de remèdes, Alain apporte en général des fiches » m’explique Isabelle. Ce sont des fiches d’une page qui font la synthèse du remède, de ses symptômes caractéristiques, des cas de figures dans lesquels ce remède peut être attribué. Pour les éleveurs, cela facilite son utilisation une fois de retour dans leurs élevages. Par ailleurs, souligne Isabelle, le mérite de ces fiches est de fournir « des synthèses de remèdes au niveau

vétérinaire » car, ajoute-t-elle, « initialement les remèdes ne sont pas destinés à un usage vétérinaire et viennent de l’homéopathie telle qu’elle se pratique au niveau humain ».

Notons l’importance de ces fiches, sur laquelle nous reviendrons plus loin, pour montrer qu’elles constituent un appui important pour les éleveurs (3-A). Notons aussi la référence à la dialectique entre homéopathie humaine et vétérinaire à laquelle nous intéresserons dans nos questionnements sur la relation éleveur-animal lors du diagnostic homéopathique (2 -C).

Mais revenons au déroulé de ces formations. Après ces études de remèdes et/ou de problèmes spécifiques rencontrés par les éleveurs, le second temps des demi-journées correspond à un temps plus pratique, celui des « études de cas » auxquels les éleveurs font face, et pour lesquels ils ont besoin d’un appui du collectif et d’Alain. Ce deuxième temps commence en général par « un tour de table », où « chacun présente ses cas » (Delphine), ce qu’il a donné comme remède et ce que, de manière générale, il a pu faire par rapport à ces

derniers, les résultats qu’il a pu observer (le remède donné a-t-il eu des effets bénéfiques ou non), etc. En compagnie d’Alain et Christel, les éleveurs échangent entre eux sur les problèmes auxquels ils font face au cas par cas. Si le cas n’est pas résolu au moment de sa présentation, une rapide recherche collective d’un nouveau remède est souvent opérée, et Alain guide les éleveurs dans la répertorisation des symptômes de leurs bêtes malades, et/ou dans la recherche d’un remède via la Matière Médicale.

Les demi-journées de formations se déroulent donc sur deux temps, un temps théorique, et un temps pratique. Mais notons que cet ordre de déroulement n’est pas nécessairement le même à chaque séance. Et « quand chaque séance commence, la question

c’est toujours : est-ce qu’on commence par parler des cas, ou est-ce qu’on commence par une étude de remèdes ». « Une question cruciale » me précise ici Céline, car le fait est que,

si le format des formations sur une séance de quatre heures est le plus approprié du point de vue pédagogique comme du point de vue de la disponibilité des éleveurs, il s’agit là d’un format relativement court, durant lequel le programme envisagé est rarement suivi. Ainsi,

« s’il y a des cas urgents qui doivent être traités », il arrive que le collectif décide de

commencer par traiter les cas afin de s’assurer que l’éleveur regagne son élevage avec un remède pour sa bête malade.

Des formations tournées vers l’échange entre éleveurs

Cette description du déroulé et du contenu des formations laisse apparaître leur caractère proprement collectif. Durant la partie théorique, les éleveurs sont invités à questionner Alain et alimenter de leurs propres expériences la présentation des remèdes. Durant la partie pratique, celle des études de cas qui sont propres aux éleveurs et à leurs animaux, là encore, c’est le collectif qui est sollicité dans sa capacité à rechercher des solutions aux problèmes rencontrés par les participants via l’échange autour de leurs expériences respectives en matière de soin des animaux. Une dimension d’échange dont plusieurs éleveurs, comme Agnès ou encore Isabelle, m’ont affirmé le caractère nécessaire du point de vue de la méthode homéopathique elle-même. « L’homéopathie seule dans ton

coin, je ne pense pas que ça soit possible, t’es obligé d’échanger si tu veux avancer », m’a

expliqué Isabelle. Une nécessité, qui représente d’ailleurs pour Alain l’un des enseignements fondamentaux qu’il a retenu de son expérience de formateur en homéopathie avec des groupes : « très vite, ce qu’on a découvert, c’est que l’homéopathie, en tout cas en

vétérinaire, pouvait se travailler en groupe, et que c’était même très enrichissant de procéder de cette façon là ».

D’où une visée proprement collective dans ces formations, du point de vue d’Agnès par exemple, qui souligne l’idée de ne pas venir en formation uniquement dans l’objectif de résoudre ses propres problèmes, mais aussi d’en découvrir d’autres, tout en apprenant « à

être en contact et travailler ensemble ». Une dimension collective, que Christel m’a elle

dans la durée et qui aille au-delà du modèle de formation où les éleveurs viennent pour prendre des recettes prêtes à l’emploi et régler leurs problèmes ».