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Chapitre 2 : La constitution des surfaces cultivées en légumes feuilles dans le territoire

5. Hiérarchie et diversité des cultures

On l’a déjà en partie vu lors de la détermination des zones cultivables, les agriculteurs établissent des hiérarchies entre les cultures maraîchères, pour l’allocation des ressources en terre. Nous analysons ici leurs déterminants et voyons quels autres facteurs vont jouer sur cette hiérarchie.

5.1. Les facteurs de hiérarchie entre les cultures maraîchères

Pour hiérarchiser entre elles les cultures, les agriculteurs se basent assez classiquement sur des critères de niveau de revenu, de coûts de production (besoin en intrants et en travail), de temps d’occupation du sol. Ainsi, d’une manière commune aux 11 agriculteurs, on peut trouver les mêmes catégories de culture avec les mêmes types d’avantages et d’inconvénients potentiels (tableau II-8).

Avantages Inconvénients

Légumes feuilles traditionnels de cycle court

(Anatsonga et Fotsitaho )

Peu exigeantes en intrants et en travail Cycles courts (21 jours) Semences autoproduites (ambezo)

Trésorerie

Faible revenu

Petsaï Peu exigeantes en intrants et en travail

Cycles courts (<1 mois) permettant une récolte tardive (pas de floraison)

Revenu >

Achat semences (variété hybride)

Salade Revenu important

Semences autoproduites (ambezo) Exigeante en intrants et en travail

Légumes feuilles traditionnels de cycle long

(Mafanes et Morelles)

Cultures résistantes

Très peu exigeantes en intrants et en travail Cycle long (1,5 à 3 mois)

Plusieurs coupes (récoltes) par cycle Semences autoproduites (ambezo)

Revenu très faible

Oignons rouges Cycle long (> 2,5 mois)

Revenu important Exigeante en intrants et en travail

C’est pour partie en fonction de ces représentations communes des avantages et inconvénients respectifs de ces cultures, que les agriculteurs établissent leur hiérarchie d’attribution de la ressource en terre entre cultures, au sein du territoire de l’exploitation agricole et au cours de la saison culturale.

Mais, nous l’avons vu lors de la détermination des zones cultivables et des intervalles de temps, ces variables varient dans l’espace et dans le temps au cours de la saison culturale, en fonction notamment des contraintes internes de l’exploitation (main d’œuvre, trésorerie), du milieu (dynamique de l’eau) et des contraintes externes (prix du marché médiatisé par les collectrices). Il en est de même pour la hiérarchie entre cultures, qui n’est pas fixée une fois pour toutes dans la saison et dans l’exploitation, mais varie aussi dans l’espace et dans

le temps. Ainsi, la priorité entre cultures dépend elle essentiellement :

 des caractéristiques des parcelles de la zone cultivable : si, au sein de sa zone cultivable,

une culture peut être prioritaire sur certaines parcelles de l’exploitation agricole, elle peut se retrouver secondaire pour d’autres parcelles (plus éloignées du puits, …)

 de la période de l’année : du fait des conditions du marché essentiellement, l’agriculteur

peut décider qu’une culture sera prioritaire durant une période puis secondaire par la suite. C’est fréquemment le cas pour la salade par exemple pour laquelle les agriculteurs visent un maximum de salade entre le 26 juin (fête nationale, soit un repiquage mi-mai) et la mi-juillet (période d’affluence touristique) et diminuent ensuite leur production et donc le degré de priorité de cette culture pour l’attribution de la surface en terre, y compris au sein de son IT_réel. C’est le cas de l’agriculteur Ad1 par exemple qui diminue fortement sa production de salade à partir du 15 juillet : 83% de sa production de salade est cultivée avant le 15 juillet en 2006 (100% en 2007). Dans cette exploitation, 64% de la zone cultivable de la salade est cultivée en salade entre le 15 mai (début IT_réel salade) et le 15 juillet en 2006 (47% en 2007) puis seulement 17% entre le 15 juillet et le 31 août (0% en 2007). De la même façon que pour l’IT_réel, on a pu constater que la hiérarchie dans les exploitations est pour partie fonction des relations avec les collectrices : spécialisée ou non en salade.

 De la force de travail disponible en cours de saison pour l’entretien des cultures. La

salade est une culture très exigeante en intrants (irrigation principalement, cf. chapitre 1). Ainsi, dans les exploitations disposant de peu de main d’œuvre relativement à leur surface (cas de Ad3 et Ad4) et/ou exerçant une activité extra-agricole (cas de Bk3), ces cultures ne sont pas considérées comme prioritaire. Ainsi ils font peu de salade et la concentrent essentiellement autour de la fête nationale, lorsque la demande est forte et qu’ils savent pouvoir vendre.

Ainsi, les hiérarchies entre cultures sont elles aussi affectées par une variabilité spatio- temporelle au cours de la saison culturale.

5.2. Un facteur supplémentaire : la recherche d’une gamme de légumes

D’autre part, l’agriculteur cherche à chaque moment à avoir une diversité de légumes cultivés

et prêts à être récoltés en même temps : cette diversité « instantanée » est recherchée par les collectrices pour des raisons d’écoulement des produits (offrir une gamme chaque jour sur les marchés). En effet, comme nous l’avons vu précédemment (cf. chapitre 1) les collectrices tentent de remplir chaque jour un objectif en quantité (nombre de soubiques fixes par jour) mais également en diversité (au moins 3 types de légumes feuilles et/ou de la salade lorsqu’elles en vendent).

La diversité de légumes et la proportion de chacun des légumes à un temps donné dans une exploitation sont ainsi une nécessité commerciale. De plus, la proportion recherchée de chaque culture varie en cours de saison du fait des conditions du marché. Ainsi, l’agriculteur

ajuste les quantités produites d’une culture en relation avec ses collectrices selon la période de l’année. Il semble que cet ajustement soit d’autant plus raisonné conjointement que l’agriculteur est dans une relation de « fidélité » avec sa ou ses collectrices.

C’est le cas par exemple pour la salade pendant son IT_réel commun à tous les agriculteurs, soit du 15 mai au 31 août. On constate (tableau II-9) qu’aucun agriculteur ne consacre la totalité de la zone cultivable qu’il a définie pour la salade à cette culture : il existe toujours au moins un petit nombre de planches consacrées à d’autres cultures, notamment les légumes feuilles traditionnels de cycles courts (LFcc).

Tableau II-9 : Proportion de la zone cultivable de la salade (ZC_sal) occupée par chaque culture entre le 15 mai et le 31 août dans les 7 exploitations cultivant de la salade.

Ainsi même si une culture est considérée comme prioritaire pour une surface et une période donnée, on retrouvera presque toujours une diversité de cultures pour ce même espace et période donnée. Au-delà de la diversité classiquement recherchée pour éviter un évènement catastrophique sur une culture, on constate que les agriculteurs sont ici poussés à cette diversité, et donc à ne pas exprimer totalement la hiérarchie d’une culture sur une autre, par le système de relations avec leurs collectrices.

Nous avons vu ainsi que la détermination des premières variables d’un modèle d’attribution des terres aux cultures (Zone cultivable, Intervalles de Temps, hiérarchie et diversité des cultures) présente la particularité de montrer une variabilité spatio-temporelle au sein de la saison culturale. Nous cherchons maintenant à rendre compte des « rotations cadres » à partir

de ces variables.