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Chapitre 1 : Dynamiques territoriales : apports de la thèse à un modèle d’analyse des

4. Vers une généralisation possible ?

4.1. Dynamiques territoriales

4.1.1. Extension des résultats à d’autres contextes

Les résultats montrent que la surface exploitable dans les exploitations maraîchère du territoire de la CUM évolue au cours du temps du fait essentiellement des milieux particuliers dans lesquels elles cultivent mais également des ressources productives dont elles disposent (terre, eau et main d’œuvre). Les limites de l’exploitation sont donc variables dans le temps cultural. Ce constat n’est pas limité à notre cas d’étude, de nombreux travaux relevant de l’analyse de dynamiques territoriales complexes ont été réalisés dans d’autres contextes. Parmi ceux-ci nous pouvons citer les travaux ayant porté sur les fronts pionniers (Léna 1992 ; Duvernoy et al., 1996 ; Albaladejo et al., 2005), sur les cultures de décrues (Raimond ; 1999 ;

Mathieu et al., 2003) ou encore sur la riziculture de bas-fonds (Andriesse et al., 1994 ; Jamin et al., 1993). Toutefois, si ces travaux ont bien mis en évidence l’évolution spatio-temporelle

des modes de mise en valeur, ceux-ci ont été réalisés sur des espaces vastes tel que le

permis d’analyser plus finement l'organisation spatiale à l'échelle de la de la sole et de la parcelle mais pour des cultures annuelles telles que le Sorgho en condition de décrue (Mathieu, 2005). Ainsi, l’évolution du territoire des exploitations en situation de décrue à l’échelle de la saison culturale a fait l’objet de peu de travaux. Si de nombreux travaux ont porté sur la dynamique spatio-temporelle de territoires (Mignolet et al., 2001 ; Benoit et al.,

2002 ; Verburg et al., 2002 ; Mignolet et al., 2007), ces travaux ont essentiellement portés sur

des territoires dépassant celui de l’exploitation et sur des pas de temps longs, ou à l’inverse à l’échelle de la parcelle tels que les travaux de Milleville (1972) portant sur la notion de parcelle en milieu traditionnel africain. Ainsi, l’échelle de l’exploitation dans les questions de dynamique spatio-temporelle du territoire est peu traitée.

Des travaux de recherche portant sur la gestion spatialisée du territoire de l’exploitation agricole se sont pourtant développés au cours des dix dernières années et visent à comprendre les décisions des agriculteurs pour la constitution de leur assolement. Toutefois ces travaux ont essentiellement porté sur des cultures annuelles en agriculture « européenne » dans lesquelles le territoire de l’exploitation et donc les règles d’allocation de la terre aux différentes cultures restent stables au cours d’une même campagne (Joannon et al., 2006 ;

Joannon et al., 2008). D’autre part, l’objectif de telles études visaient plus à comprendre la

répartition des cultures dans un territoire continu englobant plusieurs exploitations en vue de discuter de marges de manœuvre collectives (coordinations d’assolement) (Benoît et al., 2005) ou de politiques à mettre en place autour de questions environnementales (préservation d’une ressource) (Ekasingh et al., 2005) qu’à traiter des marges de manœuvre à l’échelle de

l’exploitation pour modifier l’allocation de la ressource terre aux différentes cultures.

Ainsi il existe peu de travaux liant les dynamiques spatio-temporelles de territoires avec des décisions techniques de systèmes de culture. Les travaux s’en rapprochant le plus sont ceux menés par Morlon et Benoît (1990) sur l’étude méthodologique d’un parcellaire agricole en vue d’évaluer les conséquences de changements techniques ou territoriaux ou encore les travaux de Soulard et al. (2005) sur le schéma d’organisation territoriale de l’exploitation

agricole mais ces travaux ne sont pas orientés sur la constitution des systèmes de culture et les possibilités d’extension de leurs surfaces cultivées.

Dans le cadre de ce travail, nos résultats permettent d’appréhender plus finement les dynamiques territoriales à l’échelle de l’exploitation et sur un pas de temps infra-annuel et leurs conséquences sur la constitution des systèmes de culture. La méthode proposée pour comprendre l’évolution du territoire à ces échelles pourrait permettre dans le cas où on a une forte évolution spatio-temporelle des territoires d’exploitation (cultures de décrues, fronts pionniers etc.) d’avoir une vision plus fine du degré d’utilisation du territoire par les exploitations.

4.1.2. Des questions soulevées

Dans notre cas d’étude, nous avons vu qu’un agriculteur cultive en général sur un ou plusieurs terrains (parcelles cadastrales i.e. « appropriée »). Si, en agriculture « européenne », la parcelle cadastrale est relativement stable, ce n’est pas le cas dans les exploitations maraîchères en zone tropicale : on retrouve une instabilité entre saisons des parcelles cadastrales mais également au sein d’une même saison.

D’autre part, les agriculteurs divisent leur « parcelle cadastrale » en « planches », comme dans de nombreux systèmes maraîchers dans le monde (Dupriez et De Leener, 1987 ; Drechsel et al., 2006 ; Moustier, 2007), planches qui semblent, a priori, avoir le statut de « parcelles

et la taille des planches (parcelles culturales) peut être modifié d’une année sur l’autre. On peut donc assister à un redécoupage au sein même de la parcelle cadastrale, des « parcelles culturales ».

En conséquence, il est particulièrement difficile ici, pour revenir à la définition donnée par Sebillotte (1990a) de « systèmes de culture » (cf. Partie I, chapitre 3), d’identifier des successions de culture et a fortiori une « surface traitée de manière homogène » et donc des systèmes de culture.

Si ces difficultés sont moins marquées sur le pas de temps infra-annuel (saison de production maraîchère) elles le sont fortement à l’échelle annuelle (Comment appréhender l’histoire de la parcelle lorsqu’elle n’est pas gérée par une seule exploitation dans une même année ?) et supra-annuelle (redécoupages d’une année sur l’autre). Cela induit une incertitude sur les effets précédents et cumulatifs : comment les analyser avec le concept de système de culture ? Ainsi, l’application du concept de systèmes de culture se prête peut-être mal à ce type de découpage parcellaire lorsqu’on souhaite réaliser un diagnostic cultural : étudier l’amélioration des performances techniques nécessiterait certainement de combiner des approches en termes de blocs de cultures (i.e. un ensemble de planches de l’exploitation sur lequel est pratiqué une même « rotation cadre », cf. Partie II, chapitre 2) et en termes de situations culturales (i.e. portion de terrain où non seulement la conduite de la culture est homogène mais également le milieu biophysique) (Jouve, 2006).

4.2. Des cultures maraîchères à cycles très courts inscrits dans des « circuits courts » de commercialisation

Il existe peu de travaux en agronomie portant sur les systèmes de culture à base de légumes feuilles, bien que de nombreux travaux aient pu mettre en avant (i) leur rôle important dans les

régimes alimentaires, où ils assurent la partie essentielle des besoins nutritionnels et médicinaux (Chewya et Eyzaguirre, 1999 ; Gockowski et al., 2003 ; Kahane et al., 2005 ;

Smith et Eyzaguirre, 2007 ; Diouf et al., 2008 ; Shackleton et al., 2009) et (ii) que ces

systèmes de culture maraîchers incluant des légumes feuilles sont en constante augmentation à proximité des villes (Nguni et Mwila, 2007; Parrot et al., 2008), pour faire face à une

demande urbaine en croissance (Jansen et al., 1996). Seuls quelques rares travaux ont porté

sur les performances techniques de systèmes de culture intégrant des légumes feuilles (Agbonlahor et al., 2007) mais sur des légumes feuilles différents (Amaranthe). Nous avons

aussi montré que les relations commerciales concernant nos exploitations sont majoritairement des circuits courts, avec un intermédiaire, se traduisant par la nécessité d’une diversité de produits à un moment donné. Cette problématique se retrouve dans d’autres contextes africains (Ba, 2007), mais aussi européens.

En effet, en France comme dans de nombreux pays industrialisés, on voit ces circuits courts de plus en plus se développer, comme une forme de réactivation de la fonction alimentaire de l’agriculture de proximité des villes (Aubry et Chiffoleau, 2009). Sous des formes variées et pour certaines très nouvelles (amap, vente par Internet etc.), ces circuits courts, fréquents en systèmes maraîchers périurbains européens, interrogent, via notamment la diversification de

cultures qu’ils entraînent, sur les mêmes problèmes que ceux que nous avons rencontrés : quelles conséquences sur l’occupation du sol et les autres décisions dans l’exploitation, notamment l’organisation du travail et globalement quelles marges de manœuvre des agriculteurs pour s’adapter à une demande qui évolue et à modifier leurs assolements en fonction de cette demande à l’échelle infra-annuelle.

Nos travaux, même incomplets, montrent en quoi les relations entre agriculteurs et premiers metteurs en marché jouent fortement sur la constitution des systèmes de culture. Notre modèle de constitution de surfaces cultivées, voire nos travaux sur les relations entre collectrices et producteurs, pourraient être testés ou, au moins, servir de base dans ces contextes très différents. Nous pouvons d’ailleurs citer les travaux récents sur des systèmes maraîchers en agriculture biologique dans le sud de la France (Navarrete, 2009) qui soulignent l’intérêt d’une meilleure compréhension de l’influence des modes de commercialisation sur la constitution des systèmes de culture dans les exploitations.